samedi 29 juin 2024

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Pour les dingues des chats, pour les amoureux de l’humour. 😀

Une observation fine, drôle et lucide. Tant sur les chats que sur le genre humain.

 😺 Et c’est un chat qui parle, sans doute, un professeur- chat : 😀

« Notre intention dans ce manuel est de vous fournir quelques indications sur la façon de choisir, d’apprivoiser et de dresser votre humain. »

 « Inutile de nier que l’espèce humaine est la plus nocive et la plus dangereuse au monde. Par leur nombre, mais pas uniquement, les humains ont rendu presque tous les milieux inhabitables pour les autres espèces. Vous ferez donc œuvre ni plus ni moins que de conquérant en vous ménageant une niche de survie, souvent à l’intérieur même de leurs tanières. A leurs côtés : on n’a pas d’autres  choix pour survivre dans un monde qu’ils dominent. Juste un échelon plus haut, mais sans en faire état. »

 😺 Tous ceux qui ont,  ou ont eu des chats, l’ont remarqué :

« Si vos primates s’obstinent à fermer une porte, clamez haut et fort votre désir d’entrer. Une fois entré, s’ils referment la porte, clamez haut et fort votre désir de sortir. Répétez cette opération autant de fois que nécessaire.

L’objectif est de pousser les humains au bord de l’épuisement, jusqu’à ce qu’ils laissent les portes ouvertes ou bien installent à notre bénéfice exclusif de petites portes appelés chatières par lesquelles nous avons tout loisir d’aller et venir. »

« Récompensez l’humain quand il agit dans votre intérêt. Il est bon qu’il puisse associer un plaisir à ses efforts pour vous satisfaire : câlineries, contact nez à nez doublé de ronronnements, demi-roulade.

Il sera toujours disposé à réitérer une action qui lui vaut une récompense. »

😺 Et en conclusion :

« Tel est le paradoxe de ces grands mammifères : si en tant qu’espèces, ils sont épouvantables, comme individus ils peuvent se montrer pleins d’amour et savent être protecteurs, intelligents et généreux. A leur façon : sans élégance, à grand fracas et en toute maladresse. Mais exactement comme les félins, ils ne demandent rien d’autre que d’aimer et d’être aimés. »  

😺Un excellent moment de lecture, porté par une écriture fluide et précise, et illustré par Andréa Ferrola.

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Être  Femme, ou être Femme ET Mère ?

Vous avez quatre heures…😀

 

📌 Élisabeth Badinter pose la question, face à la dégringolade de la natalité en France. Un des seuls pays européens qui conservait encore un taux de natalité supérieur à 2. Même si les pays asiatiques nous ont bien devancés...

« La natalité des pays industrialisés en Asie est beaucoup plus inquiétante. Selon les prévisions, un 1/3 des femmes de l’Asie du Sud-est resteront sans enfant. En tête de l’infécondité : la Corée du sud, avec 0.9 enfant par femme, suivie par le Japon avec 1,3. Mais c’est Hong-Kong qui détient le record de l’infécondité en Asie : 35% des femmes nées en 1972 sont restées sans enfant. »

Un problème essentiel pour l’économie (manque de travailleurs – défaut des retraites), le renouvellement des générations mais également pour la survie des États.

📌 Élisabeth Badinter l’explique ainsi : la charge mentale des femmes est trop lourde. C’est à la fois et souvent une rémunération moindre, mais surtout une double contrainte : celle de la carrière et celle de l’éducation de l’enfant.

Elle reconnaît les efforts des hommes, mais elle estime que ce n’est pas encore suffisant, car le poids de l’éducation repose essentiellement sur les mères. Les pères aident mais ne partagent pas encore vraiment la charge. D’où le titre de l’essai : « Messieurs, encore un effort…. »

A rapprocher du roman de Marie-Fleur Albecker : « Une maman parfaite »

« Je n’ai pas osé lui dire que tant qu’il ne s’occupera pas de Rosa autant que moi, je ne veux pas (avoir un deuxième enfant). Parce que tout le monde dit que c’est un père extraordinaire, et c’est sans doute vrai, mais ce n’est pas assez. Moi, je veux juste un père égalitaire. »

 

📌 Charge mentale amplifiée par  l’évolution de l’éducation : « Si le statut de la femme a évolué depuis le siècle dernier, celui de l’enfant aussi : c’est comme si le pouvoir avait changé de camp. Et l’on aboutit à ce paradoxe que la libération de la mère ne libère pas la mère du XXIème siècle. Bien au contraire. Aujourd’hui, dès lors qu’une femme choisit d’avoir un enfant, elle éprouve un sentiment de responsabilité inconnu par le passé. Elle se doit d’être la MÈRE IDÉALE d’un enfant heureux dont il faudra développer toutes les potentialités, physiques, psychiques et créatives. »

« Les rôles sont inversés : l’enfant dans sa toute puissance ignore ses limites et devient le tyran de ses parents qui n’ont pas su lui apprendre la frustration et la loi, bref, le civiliser. »

📌 Un propos passionnant qui traduit bien la réalité des faits. Mais…

Cet essai court ( 88 pages avec les graphiques à la fin) n’est pas exempt de répétitions. On va dire que c’est dans un objectif pédagogique…  😀

Et si on cite les chiffres, mieux vaut être précis :

Page 17 et 56  – le taux de fécondité en Corée du Sud est de 0.9 enfant par femme.

Page 78 – il est de 0,78 en 2023.

Sans doute, les premiers chiffres cités étaient antérieurs à 2023 …

 

📌 Un livre facile à lire, fluide et en même temps pédagogique et bien documenté.

Merci à Babélio et aux éditions Flammarion Plon

mardi 25 juin 2024

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16 octobre 1799 – Un huit clos entre Barras, membre prédominant du Directoire et le général Bonaparte, juste de retour de sa campagne d’Égypte.

Retours fréquents sur les années précédentes permettant de bien resituer et comprendre cette confrontation entre ces deux fins politiques.

Confrontation essentielle puisqu’elle débouchera sur le coup d’état de Bonaparte du 18 Brumaire, le 9 novembre 1799.

📌Ce livre fonctionne comme une pièce de théâtre : unité de temps, de lieu et de personnages. Puisque la journée commence à 13 h 30 pour s’achever à 0 h 55. Une journée d’affrontements entre Barras et Bonaparte, qui rassemble la quintessence et la complexité des relations dominant/dominé. Tantôt l’un tient le manche, et quelques minutes plus tard, l’autre a repris l’avantage.

Qui va gagner dans cette joute verbale, et quelquefois physique ?

L’ainé (Barras), roué jusqu’au bout des ongles, qui survit à toutes les crises ou le plus jeune, qui ne cède pas grand-chose en matière politique, à l’expérience du plus ancien ?

En sachant que cette journée sera décisive dans la suite des événements.

Ils possèdent de nombreux éléments en commun : ce sens inné de la stratégie politicienne mais également celui de l’amour de Joséphine, qui embrase leurs bas-ventres respectifs.

Et si finalement, la victoire se comptait avec Joséphine ?

Dans quel camp, va-t-elle se situer ? Sur qui, va-t-elle parier ?

« Rose aimait le luxe, plus que tout, elle ne pouvait plus s’en passer.  Barras sourit. Elle n’aurait pas d’autre choix que de lui obéir, si elle voulait conserver tout cela. Un plan avait germé dans l’esprit du directeur. Il ramènerait ses brebis égarées dans le droit chemin. Comme toujours, il tirerait les ficelles. Les époux Bonaparte le serviraient encore. Après tout, il les avait bien fabriqués. »

La ferveur populaire pour Bonaparte sera-t-elle un élément décisif contre le vieux Barras, « Le roi des pourris… c’est comme ça qu’on surnommait Barras dans le secret des salons jacobins. »

 

📌J’ai bien aimé  pour deux raisons essentielles 

- La forme très judicieuse, imaginée par Serge Hayat : rassembler en une seule journée, tous les éléments de personnalité et de décision entre les deux hommes. Il en ressort une densité particulière dans le récit. Une vraie partie d’échecs !

- La fluidité et la facilité de ce roman historique

📌J’ai moins aimé l’analyse de la personnalité de Joséphine. Bien sûr, c’est une femme légère, soucieuse de sortir des affres de la Révolution, de s’amuser. Mais le trait, lourd et caricatural, la présente comme une nympho.

📌 Un excellent moment de lecture qui m’a permis de me replonger dans l’étude de cette période tellement passionnante, notamment avec les écrits de l’historien Jean  Tulard, « le maître des études napoléoniennes ».

Merci à Babélio et aux Editions de l’Observatoire

mercredi 19 juin 2024

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Un roman graphique à la mode Zelba où le grave et le rire s’enchevêtrent.

L’autrice raconte, plus de 13 ans plus tard, sa propre expérience : l’euthanasie de sa mère qu’elle et sa sœur ont aidée à mourir.

Elle choisit de faire parler sa mère jusqu’aux derniers moments de sa vie et même après. Sa mère, c’est Bri. Elle revient sur les années passées, les années heureuses avec son compagnon et ses filles. Sur sa maladie qu’elle sait incurable.

L’appel au secours  vers ses deux enfants pour abréger les souffrances.  Une femme rayonnante, aimante, qui aime la vie et l’humour. Déterminée aussi.

 « J’adore l’idée d’avoir donné la vie à celles qui allaient me donner la mort. »

Elle leur demande de l’aider à partir car elle sait que ses filles l’aiment infiniment et sincèrement, sans dissimuler  la gravité de l’acte : « Mes filles, depuis 4 mois, elles slaloment entre les gouttes. Chaque rire cache 10 larmes. Je m’en souviens. Perdre sa mère laisse un trou béant. Un cratère que l’on comble de chagrin. Elles me noieraient de leurs larmes versées, si je ne m’étais pas déjà noyée dans l’eau de mes propres poumons, le 3 mars dernier… »

Le graphisme accompagne admirablement le scénario : les attitudes et les expressions sont privilégiées, les fonds deviennent bleu nuit dans les moments sombres, ceux de la maladie et de l’agonie.

A voir les planches des pages 89 – 90 – 91. Elles sont terribles car très évocatrices.

On comprend la difficulté et le retard de Zelba pour revenir sur ce drame. Accomplir les volontés de la personne morte ne veut pas dire enfouir la culpabilité. Comment vivre avec ? Car il faut le recul du temps pour comprendre que le geste accompli n’est pas un geste de mort, mais un geste d’amour absolu. « On a tout foiré, Liv. On est des mauvaises filles…

On a fait comme on a pu. Personne ne nous a prévenues de cette horrible agonie. Sans nous, elle n’aurait pas pu partir. »

Un acte de courage qui interroge : pouvoir l’accomplir et ensuite pouvoir le relater. Un bel hommage à sa mère, un plaidoyer de l’autrice pour une euthanasie légale.

Un magnifique récit, à la fois sombre et lumineux.

Du grand Zelba !

 

 


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 Les gens, tout simplement les gens…. Les attentats terroristes du 13 novembre 2015, à hauteur d’hommes.

Pas les reportages, les photos, les analyses, les interventions politiques ou policières, ou juridiques. Non, la vie des personnes, qui se sont préparées pour une belle soirée. La perspective d’un dîner en terrasse, ou d’un bon spectacle de musique.

Et ainsi Laurent Gaudé va faire vivre différents protagonistes, que le lecteur  accompagnera réellement, souvent avec difficultés. Ceux qui ont espéré, respiré, profité, ont eu peur, ont échappé ou sont morts, ont soigné, ont défendu et abattu les otages, ont secouru. Ceux qui  ont appelé de longues heures durant, leurs proches en  ne rencontrant que leurs messageries.

La chance ou la malchance de la vie…  Personne n’en ressort indemne.

Pas même le lecteur. Un roman concis, d’une densité exceptionnelle, porté par des phrases courtes et précises, dont les images restent longtemps en tête.

Plutôt que de continuer à commenter, je préfère citer les extraits de Laurent Gaudé qui m’ont marquée :

« Tout le monde hurle face à eux. Tout le monde s’écarte, rampe, court se mettre à l’abri. Comme c’est jouissif. Sous leurs pieds, même le trottoir gémit.

Toi, oui. L’autre, pas. A une seconde près, un centimètre près. Avoir de la chance ou pas. »

 

« Lorsqu’ils comment à tirer, je fais comme tout le monde : je me couche à terre, dans la fosse, pour essayer de disparaître. Ne pas bouger. Ne pas tourner la tête. Faire le mort et attendre.

Moi aussi. J’ai fait comme vous et maintenant, sur êtes sur moi. Je sens votre poids. Je l’avoue, cela me rassure. (…) Je vous entends respirer. Et je comprends que vous êtes en train de mourir. Votre respiration le dit. (…) Un homme est en train de mourir sur moi, un homme qui a pris une balle qui aurait pu me tuer, et je ne peux ni me retourner ni lui serrer la main, ni même lui murmurer que je sais qu’il va mourir et que je suis là. »

 

« Les deux tueurs ne sont plus là. Ils se repliés à l’étage. Nous découvrons alors le spectacle de la fosse, le sang, les corps amoncelés. Nous serons liés par cela jusqu’à la fin de nos jours : ce regard que nous aurions aimé ne pas poser, cette vision qui nous aimante et nous fige. »

 

«Mes filles ne répondent pas . Quelque chose monte dans mon ventre et je sais que cette vague de dégout et de peur a raison. Mon corps de mère sait des choses que j’ignore. »

 

« Je n’y arrive pas. Nous avons répété ces gestes mille fois, à l’entraînement. Les chiffres au marqueur : 1, 2 ou 3 selon la gravité. Pour établir une priorité d’évacuation. Mais lorsque nous effectuions ces exercices, il n’y avait pas tant de sang et les corps n’étaient pas en sueur. (…) Je continue. Il y en a tant…

Celui-là, oui. Celui-là, non. Vite ! Encore et encore. Se pencher. Se relever. Encore. Retourner des corps. Évaluer des plaies. Écouter le souffle. Encore. Vite. C’est à moi de décider qui sera sauvé et qui ne le sera pas. Je ne peux pas le faire avec l’esprit. Je dois le faire avec les mains, avec les dizaines d’années de médecine que j’ai dans les mains. Il n’y a pas d’autre boussole. »

 

« Toute ma vie pour être le médecin qui secourt sans avoir le temps de soigner, le médecin qui dessine d’un chiffre sur le front le destin des victimes, le médecin qui sera désormais mangé par l’incertitude, la hantise de s’être trompé, le souvenir d’un corps qu’on a d’abord vu vivant puis mort lorsqu’on est repassé. »

 

« Personne ne m’a préparé à recueillir les derniers instants de la vie d’une jeune femme que je ne connaissais pas. Personne ne m’a dit que tu serais ma rencontre de vie qui renverserait tout en moi… Julie que je porte désormais, que je porterai jusqu’à mon dernier souffle. »

 

« Je te demandez pardon, ma fille. Je t’abandonne, mais ce n’est pas ce que je voulais. Je te laisse à ton papa. Qui s’occupera de toi. Je te demande pardon pour tout ce que je ne pourrai pas t’apprendre, pour tous ces instants que je ne vivrai pas à tes côtés, pour mes bras que je t’enlève bien malgré moi. Tu dois grandir.(…) Tu devras être libre surtout. Car c’est de cela que je meurs. Ceux qui nous tuent  voulaient nous contraindre, châtier notre liberté mais je ne t’ai pas donné la vie pour que tu sois soumise, Lila. Chaque sourire que tu feras sera une victoire. (…) J’aurais aimé t’aimer encore si longtemps…

 

Un hommage à tous ceux qui ont vécu cette tragédie, et à tous ceux qui sont morts.

Un roman magistral, terrible et bouleversant !  

Merci Monsieur Laurent Gaudé.

 

 

mardi 18 juin 2024

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Si vous vous intéressez à l’environnement, à l’apiculture, ce roman est pour vous.

L’intrigue est plutôt convenue mais l’arrière-plan est passionnant.

Celui de Gautier, dans un petit village du Cantal, apiculteur passionné et intègre. Il est devenu l’une des figures marquantes de la biodiversité, et suscite à la fois, beaucoup d’adhésion mais également de critiques, voire d’insultes et de bâtons dans les roues.

Un personnage bourru, maladroit, mais sensible et intègre.

Un homme amoureux de la nature, de la montagne, de ses abeilles : « La nature lui suffisait. (…) Il se bornait à regarder autour de lui avec ses yeux, son cœur, pour ressentir profondément le paysage, s’en imprégner, s’en imbiber, pour partir ailleurs. (…) Sa vie ne serait jamais assez longue pour apprendre, emmagasiner les connaissances essentielles sur son métier, ses montagnes, cette à portée de main pourtant toujours si mystérieuse. »

Cela devient difficile pour Gautier quand une société importante, Probees, cherche le quasi monopole des ventes de miel  avec des pratiques douteuses : Importation d’abeilles, nourrissement au sucre, mélanges, traitements médicamenteux. »

Ce n’est pas seulement les pratiques qui sont différentes, mais également, les méthodes et la philosophie :

« Dans le rucher école, tout le monde va dépendre de Probees, on sera coincés. Ce type de structure est calqué sur le modèle de l’école actuelle, où un maître dispense un savoir, auquel l’amateur ne peut qu’adhérer. Le débutant n’est pas considéré comme une valeur mais comme un « client », un « disciple », un être humain parle, l’autre écoute, il n’y a aucun échange. Dans le rucher collectif, c’est à chaque fois une quinzaine de types qui se rejoignent pour partager leur savoir, progresser ensemble. Chacun reste indépendant. »

La situation va se compliquer encore, quand son ex-femme Nathalie se fait assassiner lors de son retour en France, après un long séjour aux USA. Et surtout quand il va récupérer du jour au lendemain ses deux enfants, choqués par la mort de leur mère et citadins jusqu’au bout de leur portable. Difficile pour les enfants de s’adapter à un nouveau décor : « Le silence contre le bruit, la solitude contre la foule, l’obscurité contre la lumière. D’autres encore, tout aussi évidents pourtant, leur échappaient, la pureté contre la pollution, la limpidité contre la saleté, la solidarité contre l’indifférence. Mais ceux-là, ils étaient trop jeunes pour s’en apercevoir. »

- J’ai beaucoup aimé l’excellente analyse de la difficulté de se découvrir « père » du jour au lendemain.

- Et surtout l’environnement économico-politique de l’apiculture. La farouche opposition entre la vente de sa production, la lutte contre les pesticides, d’une part, et la pression de grosses sociétés avec un miel d’importation et d’assemblage où seul le profit importe, d’autres parts. Les moyens financiers sont importants et donc tous les coups sont permis pour faire taire les vrais producteurs de miel.

Amateur de thriller aux intrigues serrés, s’abstenir, mais pour tous les autres, c’est un roman facile à lire et intéressant.

Je terminerai par une citation de Gautier : « L’abeille est une sentinelle de l’action de l’homme sur l’environnement. C’est aussi et surtout une mécanique huilée, un exemple en termes de démocratie directe, un insecte dont les performances ne peuvent que rendre admiratif, bref, on ne peut qu’être humble devant ce que nous sommes collectivement en train de détruire et qui devrait être absolument protégé. »

 

 

 

lundi 17 juin 2024

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Une BD-Docu qui se lit comme un roman, tellement le scénario est prenant avec un graphisme parfaitement harmonisé au texte.

L’histoire : Mahar, un yézidi de 10 ans, est enrôlé de force par Daech et devient un enfant-soldat, un lionceau du califat.

C’est son quotidien que raconte Anne Poiret. Comment il a été endoctriné, comment il est devenu une machine à tuer.

Deux thèmes sont particulièrement bien traités :

- Celui de l’intégrisme religieux poussé jusqu’au niveau le plus extrême. La déshumanisation, l’instrumentalisation de la connaissance et surtout de l’enfance.

Les enfants utilisés comme des grenades, comme des munitions. Quand il n’y en a plus, d’autres prennent le relais.

- Et celui, des enfants qu’on a oubliés dans cette guerre. On a oublié leur rôle sinistre, on les a oubliés aussi dans les camps kurdes avec leurs mères, à la fin du conflit.

A rapprocher du très beau roman de Rachid Benzine «Voyage au bout de l’enfance ».

Un récit parfaitement documenté par Anne Poiret, journaliste et réalisatrice de film documentaires. C’est une spécialiste des zones grises, celles dont les médias ne parlent pas, durant les conflits.

Elle a d’ailleurs écrit : « mon pays vend des armes » en 2019.

Le format BD, avec Lars Horneman, est particulièrement judicieux pour faire découvrir un pan du conflit syrien peu documenté. 

Une BD passionnante, enrichissante,  à ne surtout pas oublier.

Merci à Netgalley et aux éditions Delcourt pour cette  découverte.

Je vais d’ailleurs l’acheter pour mieux apprécier le graphisme et le récit.

 

 

 

mardi 11 juin 2024

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Une BD intelligente, qui fait du bien et se lit d’une traite.

🦃Dans le Missouri en 1860 - Simon ou « cervelle d’oiseau » est un gamin gentil, attachant, mais pas spécialement doué pour les études. Son instit, Miss Rogers, qui l’aime beaucoup, lui octroie d’office son diplôme et lui conseille « d’explorer le monde, de déployer tes ailes. »

En cherchant alors ce qu’il pourrait faire, il comprend vite qu’en achetant 1000 dindes dans son village pour une somme raisonnable, il pourra les revendre 25 fois plus cher à Denver, où les gens ont faim.

« Mr Buffey m’a expliqué que Denver est la plus grosse ville champignon de l’Ouest. Que ses rues sont pratiquement pavées d’or, mais qu’on y a faim. Et que des dindes comme celles-ci s’y vendraient bien 5 dollars pièce. »

Il est malin et sait d’instinct, négocier et compter. Il récupère les mules (celles qu’il chérit au quotidien), et un chariot auprès de sa famille d’adoption, un financement avec une associée (miss Rogers), et un muletier en la personne d’un brave bougre, Mr Peece, accro à la boisson.

Il est prêt pour un long périple vers l’Ouest, avec les 1000 dindes….

Environ 1000 km, du Missouri au Colorado, les plaines du Kansas et les Rocheuses… Sacré challenge que les plus raisonnables ne voudraient surtout pas entreprendre.

En chemin, ils vont croiser Jo, une esclave en fuite et Lizzie, une jeune orpheline traumatisée par la mort de sa famille.

Mais le périple n’est pas de tout repos, car les dindes sont un bon magot et certains vont chercher à le récupérer.

🦃 Bien sûr, c’est plein de bons sentiments. Mais à aucun moment, ce n’est caricatural. Chacun a ses défauts, mais aussi ses coups de génie pour sauver le groupe et l’épopée des dindes…

Et mine de rien, des thèmes essentiels sont abordés comme l’esclavage, la condition des indiens, la vie misérable et dangereuse des fermiers, mais surtout l’amitié et l’humanité.

J’ai beaucoup aimé le portrait de Miss Rogers, l’instit, lucide et bienveillante : Simon ne sera jamais un intello mais il a tellement d’autres qualités pour être heureux dans la vie !

🦃Léonie Bischoff a parfaitement adapté le roman de Kathleen Karr en scénario et graphisme. Le dessin  est simple, centré sur les attitudes et les expressions des personnages, riche de détails et joliment colorisé.

🦃Un bon moment de lecture pour les plus jeunes  mais aussi pour les grands !

Une BD lumineuse, pleine d’humour et de tendresse.

 

lundi 10 juin 2024

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Un huit-clos qui se lit d’une traite.

Quatre personnes accompagné des deux domestiques, en vacances dans un chalet grand luxe de montage. Ils se retrouvent isolés et bloqués par des chûtes de neige apocalyptiques… 

On attend une invitée qui ne viendra jamais.

Que  se passe-t-il quand les conditions de vie se dégradent inexorablement et fortement ? Plus d’hygiène, plus rien à manger… Comment survivre ?

 « Trop de neige dehors, plus de flotte dedans, elle est pas belle la vie ? Et plus de quoi bouffer pour tout le monde ! (…) Putain, Eric, tu en es encore là ? A croire à ce système de merde qui nous a tous conduits au désastre ? A croire encore à cette fuite en avant suicidaire qui a tout dévoré, tout épuisé, tout écrasé sur son passage ? »

Les personnalités de chacun sont tracées à grands traits percutants, sans indulgence, beaucoup de cynisme pour appuyer fortement sur le message de l’auteur. La nature ne s’est pas déréglée toute seule. C’est de votre faute, vous, qui en voulez toujours plus, qui avez épuisé l’environnement au mépris de toutes les règles de bon sens.

 « Mais bordel, ça fait quarante ans ! Quarante ans que des types nous disent qu'un jour ça va vraiment chauffer, que la mer va monter, que ça va mal finir et qu'on les prend pour des tarés ! Quarante ans qu'on nous dit de faire attention...
Mais non, c'est plus fort que nous, il a fallu qu'on continue à se servir comme si de rien n'était ! On s'est goinfré, tous ! Enfin quand je dis tous, je parle de ceux qui sont du bon côté de la planète... et attention, moi le premier ! Seulement maintenant, voilà où on en est ! »

 Que fait l’homme civilisé face à l’absence de nourriture et d’eau, quand la nature se venge ? Le vernis craque sous l’obsession de la survie.

 « Il y a des situations où la vie est dans la mort. C’est à cette condition sine qua non que l’on survit. Quitte à lutter sans fin contre sa conscience et sa raison. »

J’ai beaucoup aimé ce roman car il répond à une de mes demandes essentielles et primaires en littérature : que l’auteur nous raconte une histoire, qu’il nous embarque dans son univers.

François d’Epenoux est un excellent conteur, et cela je l’avais déjà constaté à la lecture de son dernier roman : « Le roi nu-pieds. »