dimanche 30 janvier 2022

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Le procès de Mathilde en cours d’assises. Elle est jugée pour s’être vengée des deux agresseurs qui l’ont violée. Le jury doit délibérer et trancher sur trois questions essentielles :

- Est-elle coupable d’actes de torture et de barbarie ?

- Est-elle coupable d’actes de violence volontaire avec préméditation ayant entraîné une mutilation ou une infirmité ?

- Quelles peines infliger à Mathilde ?

On suit le récit grâce à un découpage en deux parties. Tantôt, il s’agit du journal de Mathilde, qui revient sur ce qui s’est passé et ce qu’elle éprouve. Tantôt il s’agit de la chronologie du procès.

De nombreux thèmes sont traités dans ce court roman dense et puissant :

- Peut-on faire justice soi-même quand on estime que les violeurs seront à peine condamnés ? Mathilde est médecin gynécologue et le lecteur comprend vite qu’elle sait à quoi doit s’attendre une victime de viol.

- Comment après avoir subi, peut-on faire subir  ? Est-ce que la vengeance apporte la paix ? « Je suis remontée dans ma voiture, consciente que je laissais derrière moi, une scène de crime. (…)  J’étais soulagée d’avoir accompli les gestes proprement, mais je n’éprouvais aucune joie. (…) Je constatais que cette vengeance ne rendait ma douleur ni plus sage, ni plus tranquille. Je n’étais pas envahie par la mauvaise conscience, ni par le remords, mais je ne me sentais pas plus accomplie qu’avant ce commettre cette « barbarie ». (… ) Mon crime serait qualifié de choquant, à n’en pas douter. Voulais-je marquer les esprits ? Telle n’était pas mon intention. Je voulais les faire payer, eux. (…) Je réglais mes comptes et cela ne concernait qu’eux et moi.

- Durant le procès, Mathilde est l’accusée.  Qui est victime ? Mathilde ou les deux hommes ? Ceux-ci seront-ils jugés également ?

- Le rôle du jury et la lourde responsabilité qui pèse sur ses  épaules.

Félicitations à l’auteur car il s’agit de portraits tout en nuances. Mathilde n’est la Gentille et les violeurs, les Méchants. Elle reconnait dans son journal qu’elle a été imprudente et que sa quête de plaisirs sexuels l’a menée au pire.

Félicitations aussi à Menegaux qui rend parfaitement crédible le déroulé du procès et surtout sur le fonctionnement d’un délibéré. Le lecteur est vraiment présent dans cette cour, et « petite souris » dans le délibéré.

Le dénouement est inattendu, une pirouette.

Une réussite, comme d’habitude avec Matthieu Menegaux : « Femmes en colère » s’ajoute à  « Je me suis tue » et  « Le fils parfait ». Des petits bijoux d’intelligence, d’émotion, de puissance et de densité.

 

samedi 15 janvier 2022

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La marche de l’auteur entre la grotte  préhistorique de Pech Merle, dans le Lot et Bure, dans la Meuse, où il est question d’enterrer les déchets nucléaires. Son objectif : "comprendre ce qui sépare et ce qui relie ces deux lieux, ces deux dates".

Deux événements  opposés et symboliques   : dans les grottes de Pech Merle, les sapiens ont laissé une magnifique fresque de 25 animaux, il y a 22.000 ans. A Bure, quels souvenirs allons-nous laisser aux générations suivantes ?

800 km à pied où Etienne Davodeau partage la beauté de la nature, livre ses réflexions et invite le lecteur à partager ses rencontres avec des experts dans leur domaine. Ces derniers,  très pédagogues, permettent de découvrir et mieux comprendre les différents thèmes abordés. Exemple, l’intervention de Bernard Laponche, ancien ingénieur au CEA (commissariat à l’énergie atomique) et opposant farouche à l’énergie nucléaire, qui en explique bien le principe, à moi, pauvre littéraire, ignare en la matière. 😊

« Le réacteur nucléaire est en fait la cocotte minute où on va mettre un combustible à uranium et un corps ralentissant les neutrons , ce qui permet d’avoir plus de fissions et un fluide, ( gaz ou eau ) qui récupère la chaleur. »

J’ai pris un infini plaisir à lire cette BD. Tout d’abord, car nous sommes tous concernés.  Relier physiquement et  symboliquement les dessins de Pech Merle aux futurs enfouissements de Bure m’a semblé très symptomatique de l’évolution de l’humanité. Et cela peut susciter une prise de conscience pour les indifférents au destin de la planète et au sort des futures générations. .

Ensuite, car j’ai appris beaucoup de choses. Tant sur la frise de Pech Merle, que sur l’agronomie, le nucléaire. Une vulgarisation claire, simple, et surtout pas simpliste. Davodeau jouant le rôle du Candide et posant les bonnes questions.

Ensuite car j’aime la marche et je sais qu’elle suscite les réflexions. Je l’ai accompagné durant 800 km sans ressentir la fatigue de la route, hormis les ampoules aux pieds des 1ers jours. 😊 J’ai ressenti la beauté des paysages, grâce aux dessins monochromes de Davodeau, dépouillés et chargés de sens.

Comme ceux de la double page 70 et 71, sans textes où on voit simplement un petit bonhomme ( Etienne Davodeau à l’échelle de la nature ) qui marche et découvre l’immensité des paysages. Des planches très simples, en noir et blanc comme le reste, mais très évocatrices. La beauté, le calme… Le sentiment d’appartenance de l’homme à la nature, bien décrit dans une période de repos de Davodeau :

« Allongé sur le dos, contempler la course de la voute étoilée, tout en percevant, aux confins de son champ visuel, le tour du cratère dans son intégralité. S’en trouver à la fois abrité du tumulte et exposé à l’immensité. Sur le sol, dans le sol, sur terre. »

Une BD docu qui met bien à plat les problèmes. Notre humanité déjà créative, il y a 20.000 ans, capable de laisser des frises aussi belles et émouvantes. Et notre devenir, notre capacité à préserver la planète, à conserver cette humanité.

Tout n’est pas perdu à partir du moment où l’homme d’aujourd’hui est conscient du danger, se soucie et cherche des solutions afin de laisser à nos descendants, une planète intacte.

 

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Un portrait tout en nuances de Mozart. Depuis sa plus tendre enfance de musicien prodige, jusqu’à sa mort, quasiment solitaire à 35 ans,  

Mathieu Mégevant  évoque particulièrement bien cet homme qui résonne « musique ». Il démontre  parfaitement ses  capacités et  facultés innées de création, sa foi également dans son génie musical.

En même temps, par petites touches, comme un peintre, il souligne les traits de caractères de Mozart : léger, emporté, ingrat, fantasque. Sans oublier son physique : « sa grosse tête, sur son petit corps ».

A notre époque, en s’appuyant sur son image extérieure, on dirait qu’il s’agit d’un homme peu crédible et sans aucun charisme. En tous cas, les contemporains de Mozart ne l’ont pas fait non plus, et il est mort tout seul ou presque, sans une note de musique.

D’où l’intérêt de bien dissocier l’objet du génie en matière de création, de la personne en elle-même. « Tout ce qui est beau » sans accorder de l’importance aux apparences.

mardi 4 janvier 2022

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Une magnifique BD « poivre et miel ».

Poivre car le sujet est grave : une vieille dame, Yvonne,  se résout à intégrer un EPHAD, en connaissant tous les renoncements qu’elle va devoir accepter. 

Miel car c’est un mélange subtil et harmonieux de sacrifices, mais aussi de tendresse d’humour et d’espoir.


J’ai adoré l’humour d’Yvonne : sa lucidité qui donne une tonalité originale à la BD. Par exemple, elle dit en se regardant le matin dans la glace de la salle de bains en petite tenue : « De beaux volumes, mais y a tout à refaire ». Sans oublier l’émotion toujours perceptible quand elle est triste et angoissée.
Beaucoup d’observations tout en finesse et de  réflexions dans cette BD : l’approche de la dégradation et de la mort, l’apprentissage d’une nouvelle vie, le quotidien des résidents en maison de retraite, la confiscation de la liberté, de l’amitié et de l’amour.
Un message d’espoir : après la vie normale, une autre aventure peut commencer, heureuse et douce, même si elle marquée par le mot « fin ».  

J’ai beaucoup aimé le graphisme car il privilégie les expressions, les rides, les corps déformés par l’âge. Il contribue largement au réalisme du propos et rend les personnages particulièrement attachants.

Réalisme et douceur dans cette jolie BD qui reste très présente dans ma mémoire.

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Une histoire réelle, celle de Nellie Bly, première journaliste d’investigation américaine, à la fin du 19ème siècle. Elle se fait interner à l’asile de Blackwell, pour réaliser un reportage sur l’enfermement des femmes.

C’est précis, juste, on sent que les auteures ont effectué un travail important de recherches.

J’ai beaucoup aimé le caractère bien trempé, l’engagement politique fort de Nellie, son combat pour la condition des femmes, mais aussi sa sensibilité, ses émotions.

Et par-dessus tout, le bâtiment de réclusion, un personnage à part entière avec ses traumatismes gravés sur les murs, la misère et la souffrance qui y règnent, et la folie (les spectres) qui circule librement.

Pour le graphisme, les traits sont simples, mais particulièrement expressifs, les couleurs de fond accompagnent les sentiments et émotions. J’ai beaucoup aimé les variations de tons : froids et  bleutés pour retranscrire l’insalubrité de l’asile de Blackwell, colorées et agréables lors des flashes back, de l’historique de Nellie Bly, ou des retours en enfance des patientes.  Ruptures graphiques parfaites.

Une belle maitrise de l’ensemble : texte et graphisme.

 

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Un suspens parfaitement maîtrisé. L’histoire commence par la fin, Fanny est arrêtée pour le meurtre de sa mère et de sa jumelle, Tania. Fanny va expliquer à son avocat les causes de ce délit. Une mise en scène de grande qualité pour une auteure dont c’est le premier ouvrage.

J’ai beaucoup aimé le portrait de la mère. Personnalité toxique qui choisit délibérément de privilégier Tania au détriment de Fanny. Ou comment des adultes névrosés peuvent décider de la vie d’un enfant en usant de manipulation, de sadisme et d’injustice.

J’ai beaucoup aimé aussi le traitement du thème de la gémellité. L’aspect fusionnel des jumelles est parfaitement décrit, et accentué par ce qui s’est passé à leur naissance.

J’ai bien aimé le graphisme aussi : les fonds de différentes couleurs, les tons froids et pastel, en contradiction avec la souffrance et la violence des événements. Il indique ainsi, l’inéluctabilité de ce qui va se passer.

Un drame psychologique qui interroge sur l’importance de l’éducation dans la construction de la personnalité.