mardi 26 mars 2024

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Fanaux incontournables des côtes, les phares, surtout ceux en pleine mer, ont toujours fasciné les promeneurs et les amoureux de la mer.

Comment peut-on vivre dans de tels endroits, coupés de (presque) tout pendant huit semaines consécutives ? Et lorsque le bateau de la relève accoste au phare, pour remplacer un des trois gardiens, les marins constatent, sidérés, qu’il n’y a plus personne…

Pourtant,  le matériel est en place. La grande porte métallique de l’entrée est fermée de l’intérieur, les cirés sont accrochés aux porte-manteaux, la table est dressée pour le repas, etc. Étrange cadeau de Noël, en cette fin décembre 1972.

Vingt ans plus tard, un auteur à succès de romans de marine décide d’écrire sur cette histoire et ainsi résoudre cette énigme. Pour ce faire, il va contacter les compagnes des trois gardiens, Helen, Jenny et Michelle. Il faudra attendre les toutes dernières pages pour savoir ce qui s’est réellement passé, ainsi que les motivations de l’écrivain.

Mais l’intérêt du roman n’est pas que dans la résolution du mystère.

S’inspirant d’un fait réel, la disparition de trois hommes qui gardaient un phare sur un îlot au nord de l’Écosse en décembre 1900, Emma Stonex nous livre deux récits en un, en passant de l’année 1972 à 1992 au fil des chapitres.

💦 En compilant les témoignages d’anciens employés des Phares et Balises, elle restitue le quotidien de ces hommes coincés sur ce bateau immobile, sur cet ennui combattu à coups de nettoyages incessants du phare ou de menus travaux artisanaux, sur cette solitude brisée par la présence d’oiseaux marins qui, attirés par la lumière, viennent se cogner aux verres de la lanterne. Elle met surtout en évidence, les relations, les tensions qui existent entre les trois hommes.

💦 L’autre partie se concentre sur les ressentis des compagnes, restées à terre, prisonnières elles aussi, d’une sorte de confinement puisque les familles des gardiens sont logées dans un lotissement appartenant à l’entreprise qui emploie leurs époux. Là également, les tensions apparaissent, sur fond de jalousie, ainsi que l’aigreur vis-à-vis d’un employeur qui ne cherche qu’à minimiser cette disparition.

Au fil des pages, on s’aperçoit que chacun des protagonistes a quelque chose à cacher ou paie le prix d’actions passées.

Les puissantes descriptions qui sentent l’iode nous font  naviguer au-delà de la raison. Peut-être quelques longueurs par moment, peut-être dues aux rares périodes de calme plat de l’océan...

A remarquer une forme d’écriture intéressante lors des entrevues entre chacune des femmes et l’écrivain. Ces dernières répondent à des questions qui ne sont pas formulées. Un peu déroutant au début mais le lecteur s’y fait très facilement.

Aujourd’hui, il n’y a plus d’hommes dans les phares en mer. Fini l’image du guetteur fouetté par les embruns, secoué par des paquets de mer, œil vigilant et salutaire pour nombre de bateaux. Mais, en les automatisant, le romantisme a perdu ce que la santé psychique des gardiens a gagné…

Un bon moment de lecture !

 

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Magistral !

Bouleversée, bluffée par le talent de Marie Vareille dans ce roman. Par la maîtrise d’un thème aussi difficile que la violence conjugale, et par le scénario dont  le dénouement m’a complètement surprise.

Une famille et 2 enfants, Gabriel et Abigaëlle, victimes, spectateurs et complices – malgré eux - de cette violence.

Gabriel, le frère ainé  protège du mieux qu’il peut sa petite sœur des violences que fait subir son père  à sa mère. Ils sont très proches l’un de l’autre.

L’autrice alterne avec fluidité deux périodes : Maintenant, quand les enfants sont devenus adultes et en 1990 avec les extraits du cahier de la fillette

Maintenant – Abigaëlle raconte. Elle a 27 ans, habite à l’abbaye Sainte Marie de la Saône. On comprend vite qu’elle se débat dans ses souvenirs, contre les arbres d’un vitrail, qu’elle perd la mémoire, sans aucun doute la conséquence d’un événement traumatique.

Son frère, devenu artiste, la visite une fois par semaine. Elle l’admire et l’aime infiniment : « Il sait évoquer l’enfance dans toute son innocence et sa brutalité. A partir de la boue nauséabonde qui a englouti nos premières années, il a appris à fabriquer de la poésie. »

Elle,  a fait vœu de silence, alors il lui raconte  sa nouvelle compagne, Zoé Boisjoli. Elle voudrait ne pas l’entendre, le fuir car elle a peur. Elle aime passionnément son frère et s’inquiète, n’est il pas en train de marcher dans les traces de leur père ?...

Pour le lecteur, qui va suivre également  la narration du Docteur Garnier, psychiatre,  qui reçoit Madame Boisjoli, le schéma de reproduction de la violence paraît bien tracé pour Gabriel…

La compréhension, l’empathie, le souci du psychiatre de sortir sa patiente de la maltraitance sont émouvants, mais surtout,  son discours éclaire d’une vision beaucoup plus juste, les ressorts de la maltraitance pour la victime : « Il n’y a pas que l’homme qui lui a cassé une côte qu’elle protège. Elle se protège elle-même, ses illusions, l’idée qu’elle se fait de leur relation et de leur amour qu’elle n’a pas envie de voir abimé par le regard que je porterais sur eux. »

 

1990 – les extraits du cahier d’Abigaëlle. Elle a 12 ans.

Le récit sans filtre de cette petite fille où l’autrice analyse avec beaucoup de justesse et d‘émotion, les mécanismes de la violence conjugale.

Au niveau des parents, l’isolement progressif de la femme, sa soumission et surtout son sentiment de culpabilité. S’il crie, s’il me frappe, c’est que je l’ai mérité.

Au niveau des enfants aussi, avec l’incompréhension, le déchirement entre les deux parents. Mon papa est gentil avec moi, peut-il être méchant avec ma maman ? La violence des altercations submerge l’enfant même si son frère, plus âgé, la protège au maximum. Et surtout la loi de l’omerta. Ne pas raconter à l’extérieur, bien  laisser la violence confinée aux quatre murs de la maison. Même quand une psychiatre bienveillante, le Docteur Hassan,  sollicite Abigaëlle.

 

J’ai tout aimé dans ce roman :

- les deux thèmes principaux : la violence conjugale, et toutes ses conséquences,  traitée avec beaucoup de réalisme, de sensibilité sans voyeurisme ni pathos.  La force du lien entre frère et sœur qui résiste à toutes les séparations

- le scénario qui m’a bluffée. Car Marie Vareille nous mène sur un chemin bien balisé où la fin s’envisage sans surprise. Ne vous y fiez pas !...

- et l’écriture, simple, précise et juste.

« Un oiseau né en cage pense que voler est une maladie. »

 

Lu dans la cadre du prix Orange 2024.

Je remercie Lecteurs.com et les éditions Charleston

 

 

lundi 25 mars 2024

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Un bel hommage, raconté avec sobriété et précision, à Angélique du Coudray, sage-femme au 18ème siècle.

Difficile d’être sage-femme à cette époque. Même quand l’expérience et les compétences sont avérées. A Paris, où elle habite, elle est dénigrée par les chirurgiens. Et on les comprend… C’est une concurrente bien plus expérimentée que la plupart d’entre eux. Et surtout, c’est une femme dans un milieu exclusivement masculin…

En province, où elle va bientôt résider, c’est pire. Les femmes font appel aux « matrones ». Principale compétence : elles savent faire puisqu’elles ont déjà enfanté !...Comme preuves, ces quelques façons de mettre les enfants au monde par ces matrones :

« Comme faut qu’il sorte vite, le p’tiot, moi, je fais sauter la mère tant qu’elle peut. Ça décroche son fruit… »

« Moi, j’appuie bien fort sur l’ventre d’la femme pour qu’il sorte, mais je n’ai plus autant de force qu’avant. »

Le résultat est catastrophique : la mortalité infantile est un vrai fléau.  

Angélique du Coudray comprend bien vite qu’elle est rejetée par la population et tente alors de former les matrones. En vain. D’abord, c’est une parisienne, et de plus : elle n’a jamais eu d’enfant…

Mais c’est une femme déterminée, opiniâtre, et surtout intelligente et créative. Elle sait qu’elle peut sauver des vies avec son savoir et son expérience.

Alors, elle conçoit un « abrégé de l’art des accouchements » ainsi qu’une « machine à accouchements », figurant le bassin de la femme, les organes et les orifices, dans lequel on peut insérer un poupon et ainsi apprendre concrètement.

« Je reconstitue ainsi tous les organes de la reproduction aussi bien externes qu’internes. Les femmes apprendront ainsi l’autonomie et s’entraîneront sans blesser, ni la mère, ni l’enfant. La poupée se glisse dans la matrice avec son placenta dans la position choisie par l’enseignante, en fonction de la situation à travailler »

Elle va devoir maintenant faire valider ses innovations par un jury de médecins spécialistes….

Pourra-t-elle enseigner l’art d’accoucher ?

Pourra-t-elle contribuer à diminuer la mortalité infantile ?

Moins d’enfants, c’est moins de bras, et la monarchie en a besoin…

 

Une belle découverte avec Angélique du Coudray, humaniste, féministe et véritable pionnière engagée pour la vie des femmes et des enfants.

C’est simple, c’est efficace, c'est passionnant ! C’est également bien dessiné, en harmonie parfaite avec le texte. Mention spéciale pour les expressions des personnages et les paysages.

Tout ce que j’aime ! 💙

 

 

 

vendredi 22 mars 2024

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Une BD en hommage aux enfants d’Izieu. En commémoration aussi car la BD sort le 3 avril 2024, 80 ans après le drame.

Première page : un paysage bucolique, apaisant, des vignes et des collines, Izieu, près de Chambéry.

Pages suivantes : des soldats allemands brutalisent deux hommes  et embarquent avec une violence inouïe,   44 enfants et 7 adultes de la colonie d’Izieu. Une maison d’accueil pour les enfants juifs, de 4 à 17 ans,  où , jusque là, ils étaient en sécurité.

C’était sans compter le gouvernement de Vichy, « Depuis l’été 1942, la France de Vichy livre les juifs de la zone sud aux nazis et obtient même des allemands l’autorisation de déporter les enfants juifs, jusqu’alors exclus des convois. », sans compter  la fin de l’occupation italienne qui laisse le champ libre aux allemands, et sans compter Klaus Barbie…

« Le 13 avril 1944, 34 premiers enfants et 4 de leurs éducateurs sont déportés de Drancy vers Auschwitz-Birkenau par le convoi n°74. Les enfants ne parlaient pas, ne criaient pas. Ils étaient murés dans le silence. »

Grâce au dessin, la souffrance et la sidération des enfants sont perceptibles et particulièrement émouvantes. L’arrivée au camp de concentration, où les enfants sont arrachés à leurs éducateurs pour être conduits dans les chambres à gaz, est même difficile à supporter tant elle est réaliste.

Aucun enfant ne survivra.

Les auteurs alternent avec beaucoup de fluidité, le présent et « l’après ».

Léa Feldblum accompagnera  les enfants jusqu’au bout. C’est la seule rescapée d’Auschwitz. Elle raconte leur parcours inéluctable vers la mort, l’impuissance des adultes. Son récit simple nous prend aux tripes.

En 1987, Quatre témoins seront présents au procès de Klaus Barbie défendu par Serge Klarsfeld : Léa Feldblum, Gabrielle Perrier, l’institutrice, absente lors de la rafle, Léon Reifman, qui a échappé aux Allemands, Sabine Zlatin, la créatrice et directrice de la maison d’accueil. Elle avait pourtant bien mesuré le risque d’arrestation, recherchait une solution plus préservée. Trop tard…

Lors de ce procès, Ils n’obtiennent aucune réponse, rien que le mépris à la question : pourquoi les enfants ? Comment peut-on s’attaquer à des innocents ?  Plus de 40 ans plus tard, c’est toujours la même incompréhension des témoins rescapés face au responsable sourd, aveugle et dépourvu d’humanité.

« Lyon, palais de justice, 17 mai 1987. Nous étions une petite colonie heureuse et ne demandant qu’à le rester. Puis un jour, des êtres qui n’étaient pas des hommes sont venus nous éclabousser d’une tâche de sang. »

Une BD passionnante, car elle interroge la barbarie et souligne la réaction des  proches de la colonie. Tous ceux, qui pour des raisons affectives ou humanitaires, y étaient attachés.

Qui a dénoncé les enfants juifs d’Izieu ? Comment peut-on rester insensible à la souffrance d’enfants et les mener sciemment vers la mort ?

Comment se débarrasser de la culpabilité d’être sain et sauf alors que ses élèves sont tous morts ?

Des émotions qui nous touchent.

Le graphisme accompagne parfaitement le récit : alternance de scènes douces et apaisantes dans la campagne, et celles du cauchemar des enfants. Couleurs claires et plus sombres. Éclairage sur les expressions tout en restant juste et retenu.

 

Impossible de ne pas être touchée par cette BD parfaitement maîtrisée,  en hommage aux innocents. A lire et à faire lire, pour ne pas oublier.

 

 



 

mardi 19 mars 2024

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Est-ce un roman ? Une autobiographie ? Un scenario ? Impossible de répondre à cette question.

Maria est la fille de Victoria et de Julian, des enfants perdus de Bilbao, venus en France pour essayer de vivre une autre vie que celle qu’ils ont connue avant de se rencontrer.

A vingt sept ans, Maria apprend, par le truchement d’une cartomancienne, qu’elle n’est sans doute pas la fille unique de ses parents, mais une enfant adoptée à la naissance. Le livre retrace sa quête, entre Paris et Bilbao, pour connaître  la vérité sur sa génitrice et les raisons de son abandon.

Thème souvent traité, avec plus ou moins de réussite. Dans ce récit, Maria Larrea n’arrive pas à nous impliquer. Peut-être que cela la touche de trop près…

A vouloir hésiter entre le récit détaillé d’une enquête en maternité et l’histoire d’une petite fille qui a le sentiment d’être rejetée par les autres enfants de son entourage, sa jeunesse tumultueuse, sa propre maternité, sa vie de couple, etc… le lecteur se perd complètement dans le fil de l’histoire.

Pourtant, la première partie qui traite en fil rouge des conditions de vie des basques démunis dans ce nord de l’Espagne, pendant la période franquiste, apportait une vision réaliste de la misère organisée par ce régime. Mais le trafic d’enfants, la corruption nécessaire pour l’appropriation de ce nouveau-né manquent sérieusement d’approfondissement.

La seconde partie du livre, la recherche de sa génitrice, est intéressante sans être captivante. Le coup de théâtre de la voyante qui lui affirme qu’elle n’est pas la fille de ses parents puis plus tard, qu’elle est née en même temps qu’un autre enfant (un jumeau ?) est, même si c’est réel, peu crédible. De plus, quel dommage que la narratrice laisse une grande partie du travail d’enquête à une officine de détective privé. Là aussi, on peut se poser la question de savoir s’il s’agit d’un roman ou du journal de ses questionnements.

 

Malgré une écriture quelque peu chaotique et parfois abrupte, ce livre a été moult fois récompensé. Sans doute, ne suis-je pas rentrée dedans…

 

Lu dans le cadre du prix des lecteurs 2024. Merci au Livre de Poche.

 

En arrière-plan de la présentation : le port de Bilbao.

 

 

dimanche 17 mars 2024

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C’est la vie de Missak Manouchian, depuis son enfance en Arménie, en 1915, le génocide, son exil et installation à Paris. Son engagement dans le communisme et la résistance.

Je connais déjà bien la vie de Manouchian, et j’espérais mieux découvrir ou mieux comprendre sa personnalité et son parcours. D’autant plus que Didier Daeninckx a écrit une biographie romancée : « Missak »

C’est une vie mouvementée, engagée, riche et pourtant le ton est plat. Comme s’il s’agissait d’une commande… C’est peut-être le cas, car le Ministère des Armées est partie prenante dans la parution de cette BD.

En moins de 75 pages, car il y a beaucoup d’affiches de l’époque (certaines justifiées, d’autres, pas du tout…) tout est dit. 😞

La partie historique qui suit est beaucoup plus intéressante, avec la reproduction de photos, de lettres  et de documents.

Mention spéciale néanmoins, pour le dessin et la colorisation. La précision des détails reconstitue parfaitement l’époque. Voir la planche de la page 18 – Paris en 1925 – L’usine Citroën – en arrière-plan, la Tour Eiffel.

Les couleurs sont travaillées et superbes.

Par la grâce du dessin, le lecteur revient au début du XXème siècle.

A ma connaissance, c’est la seule BD scénarisée par Didier Daeninckx.  C’est plutôt un romancier. Or, le roman graphique est exigeant... 

 

 

 

 

mardi 12 mars 2024

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Automne 2023. Une famille exilée au Liban en ayant fui la Syrie.

Une adolescente de 12 ans, Nermine, s’interroge sur le secret de sa naissance après avoir surpris un message de son oncle Aïssa sur le portable de sa mère, Fulla

1995 - Daraya en Syrie. Retour sur Aïssa, sa famille, sa sœur Fulla et son ami Majed, amoureux de Fulla. Les deux garçons, Aïssa et Majed participent activement à la révolution contre Bachar AlAssad.

Hélas ! Utiliser le réel et le soulèvement en Syrie n’est pas suffisant pour faire un bon roman.

L’intrigue fait « pschitt » et l’écriture est plate, peut-être trop journalistique…

De plus, les dialogues, ponctués de « hurla t’elle. », « le houspilla t’il », « couina t’il », « éructa t’il » m’ont fait complètement sortir du maigre scénario. Sans oublier les trop nombreux « glapit-elle » (Baba, où es tu ? glapit-elle).

Camille Neveux est grand reporter. C’est son premier roman.J’attendrai et lirai le suivant.😊

 

samedi 9 mars 2024

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Frédéric Lemaître nous propose une analyse tout en nuances, très argumentée par cinq années de présence en Chine. Une vision beaucoup plus large, beaucoup moins réductrice, que les reportages habituels.

En ce sens où elle présente toute la complexité chinoise, et son évolution depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping :  

« Sa réalité est infiniment plus complexe que la phrase de Xi Jinping ( « le Parti dirige tout ») le laisse supposer. Non, le Parti Communiste ne dirige pas tout dans l’Empire du Milieu. Non la Chine n’est pas une vaste prison à ciel ouvert. Non, la censure n’a pas lobotisé les chinois. Si le pays doit faire face à d’immenses problèmes aussi bien politiques, économiques, démographiques qu’environnementaux, les progrès qu’il réalise depuis une trentaine d’années sont stupéfiants et sautent aux yeux, y compris au fin fond des campagnes. »

 

Les étrangers en Chine.

L’auteur souligne la méfiance naturelle des chinois envers l‘étranger. Pourtant les étrangers sont 800.000 en Chine, deux fois moins qu’en Ile de France…

« La politique zéro Covid a renforcé la méfiance des chinois envers les étrangers. (…) Durant ces trois ans (mars 2020 à janvier 2023), l’immense majorité des chinois ont été convaincus que le virus avait été amené par les étrangers. Résultat : entre les enfants d’expatriés non admis dans un parc de jeux, ou des chinois qui mettent précipitamment  leur masque à la vue d’un étranger, la plupart d’entre nous avons été témoins de comportement de crainte, de méfiance ou d’hostilité à notre égard »

Il n’oublie pas le cas des journalistes. Chinois, ils sont au service du pouvoir. Étrangers, il est compliqué d’avoir un visa de séjour.

 

La population chinoise fait avec…

C’est une dictature dont les chinois, sans illusion sur le régime, s’accommodent

Car, paradoxalement, ils n’ont jamais eu autant de libertés : la liberté d’épouser qui ils veulent, la liberté de travailler et de vivre où ils veulent, la liberté de voyager. Ils se satisfont de cette vie d’autant plus que le régime se présente comme le gage de stabilité d’une vie plus facile. Avec les caméras à reconnaissance faciale, toutes les conditions sont réunies pour Big Brother mais ce n’est pas encore le cas actuellement : les chinois soucieux de leur stabilité économiques et sociale sont dociles et silencieux.

Mao gérait par le chaos, Xi Jinping gère par l’ordre absolu.

 

Où sont les femmes ?

Totalement absentes de la sphère politique. De toute façon, ceux qui entourent Xi Jinping font partie de son cercle restreint de connaissances.

 

« L’empereur rouge » et le temps…

« Il ne se contente pas de régenter le présent et de préparer  l’avenir, il entend également maîtriser le passé. »

Une bonne partie de la population, et surtout les plus jeunes, ignore totalement le massacre de  Tiananmen en juin 1989.

« Si les pékinois, témoins des manifestations ou des déplacements de troupe dans la capitale, sont plus ou moins au courant, ceux qui habitent en province confient souvent, avec réticence, qu’ils croient savoir que des manifestants ont tué des militaires !  »

Xi Jinping est en poste depuis mars 2013. Avant le 11 mars 2018, le pouvoir collectif des dirigeants s’exerçait sur une durée déterminée : 2 mandats de 5 ans. Y compris Mao.  Avec l’arrivée de Xi Jinping,  et sa modification unilatérale des mandants, le pouvoir est individuel et à durée indéterminée…

D’où l’inquiétude des élites chinoises.

Un conflit contre Taïwan ?

L’auteur ne pense pas qu’il y aura un conflit armé pour récupérer Taïwan. Déjà, car les chinois n’ont aucune envie d’aller se battre, ils sont trop contents de la stabilité de leur situation et de la sécurité qu’ils ont récupérées.

De plus, Xi Jinping n’est pas un « va t’en guerre ». A Hong Kong, la répression est féroce, elle est même devenue légale, mais il n’a pas envoyé les chars.

Autre raison : il est impossible de s’appuyer sur l’armée chinoise qui est un foyer de corruptions majeures.

Il est autoritaire, mais pas belliqueux.

Cela ne l’empêche de coloniser les ilots en mer du sud en toute violation des droits. Il s’appuie alors sur l’augmentation des effectifs de la marine.

La Chine, un pays « émergent » ?

Toujours aussi paradoxal et complexe, la Chine veut concurrencer les USA, c’est même son « challenge » essentiel, mais en même temps, elle souhaite rester du côté des pays émergents, avec un discours du type : « On est des opprimés comme vous, par les pays occidentaux. » Ce type de discours est particulièrement bien perçu en Afrique.

La Chine des villes et la Chine des campagnes

Les campagnes évoluent plus rapidement depuis 2018, mais cela demeure quand même « l’autre Chine » même si la lutte contre la grande pauvreté est effective.

L’écologie : bilan excellent et catastrophique…

Encore le même paradoxe : elle est la championne internationale de l’énergie renouvelable (voitures électriques, éoliens voltaïques) mais poursuit en même temps  le culte du charbon : autant de centrales à charbons que les USA et l’Inde réunies.

Les minorités et la force de la propagande.

Les chinois insistent sur  les attentats qu’ont commis Ouïghours et ne connaissent l’étendue de la sinisation du gouvernement dans les provinces plus reculées.

Déjà, pour eux, « le Xinjiang est un monde à part. (…) On dirait des afghans… »

Pour le gouvernement, il s’agit d’assimiler, de gré ou de force, toutes les minorités au sein de  la grande nation chinoise. »

 

En conclusion : 

Un livre facile à lire : le journaliste est pédagogue et il peut se lire en « picorant » les chapitres qui intéressent le plus le lecteur.

Merci à Babélio et aux éditions Taillandier pour cette ouverture sur une nation bien hermétique.