mardi 18 octobre 2022

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Se retrouver après s’être entièrement occupé des autres. Trop sans doute et au détriment de soi même.

Simon Lhumain (un patronyme symbolique) est un psychanalyste investi et complètement immergé dans son métier. 

Un matin, il casse le bol de son petit déjeuner, celui de son ami d’enfance. Ce geste anodin ouvre pourtant une brèche  dans la mécanique bien huilée de sa routine de vie. Déclenche la quête d’autre chose. Besoin de se retrouver, de revenir sur les fêlures et les émotions enfouies de l’adolescence, de faire le point, de comprendre sa vie, de s’apaiser.

« Toute sa vie à écouter les autres. Il n’écoute plus personne. Il y a là une paix profonde et une tristesse. Aussi profonde l’une que l’autre. Il vient de déposer l’habit. Pas défroqué, non, parce que sur sa route, il n’y a ni dieu ni vœu éternel. Il s’éloigne simplement et il se sent de plus en plus nu. Parfois, une question le saisit. Ecouter et parler, n’est-ce pas ce qui rend humain, chaque être ? Est-ce qu’il n’est pas en train de trop s’éloigner ? »

Il décide  alors de partir sur une île japonaise  où le recevront Madame Itô et son mari Daisuke. Elle collectionne les tissus anciens, et lui est  spécialiste de l'art du Kintsugi. Il répare les céramiques en saupoudrant les fêlures de poudre d’or. Geste bien symbolique : ne pas dissimuler les cassures, mais les accepter et les embellir.

C’est aussi une ode au geste, à l’activité manuelle, au corps qui existe dans l’eau et permet d’apaiser et laisser les pensées affleurer, questionner, sans violence.

Simon passera de longs moments avec Daisuke. Ils ne parlent pas la même langue, mais se comprennent par l’échange du silence, du calme, de la recherche de la beauté dans la céramique sublimée. 

Le charme de l’écriture de l’auteure. Simple, dépouillée et pourtant si précise et si riche. Elle a cette qualité rare de faire ressentir en quelques mots patiemment choisis, la profondeur des sentiments, les questionnements de ses personnages. Aussi profonds, l’un que l’autre.

Le temps de la pause, de la sincérité, de la résilience. Comme souvent, avec Jeanne Benameur, son personnage se cherche, se questionne mais elle nous questionne également.  On avance, on s’enrichit toujours avec cette auteure.

« On n’est maître de rien. On peut juste accepter et mettre tout son art, toute sa vie, à comprendre ce qu’est le fil de l’eau, le sens du bois, le rythme des choses sans nous. Et c’est un travail et c’est une paix que de s’y accorder enfin. La seule vraie liberté. »

 


 

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La condition des femmes au Japon au 20ème siècle à travers 5 générations.

Le récit est surtout centré sur Hana et sa fille Fumio, mais on comprend mieux son évolution avec  les premières pages où figure la grand-mère d’Hana ( Toyono ) et, dans les dernières pages, sa petite fille ( Hanako).

Une construction puissante et subtile des contrastes, tant pour les personnages que les symboles : Hana intelligente, instruite, et en même temps, silencieuse, soumise et dévouée à son mari, à sa famille. L’acceptation et le respect des traditions pour la mère, la rébellion et l’incarnation de l’indépendance et de la modernité pour la fille.

Un récit tout en douceur, qui saisit pourtant admirablement les oppositions et le fil du temps : les deuils, la seconde guerre mondiale, la condition féminine, la force des traditions.

Le trait de Cyril Bonin est maitrisé et accompagne harmonieusement l’histoire : les couleurs pastel suggèrent la mélancolie et la douceur,  les traits expressifs des personnages illustrent la tristesse, les questions et les tempéraments contrariés.

 

 

lundi 17 octobre 2022

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Un roman d’ambiance. Se laisser porter par le charme des mots, la singularité des personnages, sans chercher l’intrigue ou le suspens car sinon on décroche très vite.

Dans le Massif Central, la rencontre de deux septuagénaires : Ada, une galloise installée en France depuis une quarantaine d’années et Graff, un ancien funambule tzigane, qui doit laisser partir la troupe en tournée car il se blesse. Ada est restée en France, après le décès de son mari, car elle espère toujours le retour de sa fille, Becca, embrigadée dans une secte d’illuminée, appelée « les Simples ».

Cela pourrait être le roman très classique de deux « vieux », que tout paraît opposer qui se rencontrent et s’aiment, c’est bien plus que cela : deux caractères entiers et sincères, secrets, singuliers et qui se fichent du quand dira t’on.

Deux personnages en attente de plus grand-chose et qui se remettent à vivre, à espérer. Un bel hymne à l’amour aussi, à la bienveillance, à la tolérance.

La nature est toujours infiniment proche, un personnage à part entière. Elle se fait entendre à qui veut bien l’écouter : « Ferme les yeux, Becca, écoute les pieds des nuages danser sur le toit. Ecoute la pluie… ou la neige… ou la grêle…. Qu’est ce que tu entends ? »

Une nature sublimée par la poésie et la grâce.

Une belle écriture : « le passé était un pays étranger, une saison lointaine qu’il fallait ignorer. Elle n’a su lui léguer que la magie des orties et la musique de la pluie. » Dans les premières pages du roman, je suis restée scotchée par le charme de l’écriture et j’ai bien fait.

Roman sensible, délicat, tout en nuances. Poésie, finesse, tolérance et résilience incarnée par ces deux personnages. Triste et lumineux à la fois, plein d’espoir.

Je remercie « lecteurs.com » et les Editions Liana Lévi (que j’apprécie pour le choix exigeant de ses auteurs) de m’avoir permis de découvrir Dany Héricourt.