mardi 6 septembre 2022

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Quand je pense qu’adolescente, j’idolâtrais Charles Baudelaire, l’homme et la poésie.…  Je le   percevais comme un poète romantique maudit et passais complètement à côté de certains de ses poèmes.

Merci à Jean Teulé pour cet excellent roman biographique sur la vie de Baudelaire, mais aussi – et c’est toute la force de cet ouvrage – sur son œuvre.

Charles Baudelaire est un petit garçon amoureux de sa mère et il perd tout quand elle se remarie. « Un intrus a pris sa place. (…) le second mariage de sa mère impose au petit garçon sensible, la pire des épreuves. Un chaos roule en son intelligence. Il lui semble qu’il reçoit un coup de pioche dans l’estomac. »

Cette blessure demeurera toujours béante.

Sa courte vie durant, il recherchera sans cesse la provocation, la rébellion, la recherche du plaisir et de la débauche sans contrainte ni tabou d’aucune sorte.

Baudelaire est profondément misogyne et perçoit toutes les femmes – y compris sa mère – comme des gaupes (des prostituées). A propos de Georges Sand, il écrira : « Elle est bête, elle est lourde, elle est bavarde. Que quelques-uns aient pu s’amouracher de cette latrine, c’est bien la preuve de l’abaissement des hommes de ce siècle. »

Pour mieux comprendre son œuvre, il suffit de citer Delacroix quand il dit à Baudelaire ( et c’est la clef d’accès à toute son œuvre ) : « Dans la trame de ce que vous rimez, vous mêlez des fils de soie et d’or à des fils de chanvre rudes et forts comme en ces étoffes d’Orient à la fois splendides et grossières, où les plus délicats ornements courent avec de charmants caprices sur un poil de chameau  ou sur une toile âpre au toucher comme la voile d’une barque. »

La charogne enchâssée de fils d’or et de perles…

Baudelaire est également très lucide quant à la construction de ses poèmes : « la recherche de la perfection de la forme et de la violence du propos m’aura coûté vingt années de soirs malsains et de nuits fiévreuses. »

Dans cette quête exigeante, il perdra la santé et la vie.

Deux bémols : 

- Teulé fait quelquefois parler Baudelaire de façon trop moderne. Par exemple, je ne suis pas sûre que l’expression « j’me casse » (page 50) soit connue et utilisée au 19ème siècle. Idem pour le « cocktail dinatoire » qu’organise la mère de Baudelaire…

- Les commentaires personnels et fréquents de Jean Teulé à propos de l’action qu’il raconte, n’apportent rien. Au contraire, ils font sortir le lecteur du contexte.

Exemple, le beau-père parle de Charles : « Encore un simulacre destiné à ajouter une ligne romantique à sa légende ! commente le beau-père en tenue de général (décidément, il ne cesse de monter en grade celui-là). »

Hormis ces deux remarques, ce livre a le mérite de rattacher sans cesse l’œuvre à sa personnalité et sa vie. Un éclairage très bien documenté  sur l’auteur des Fleurs du mal.

Désormais, j’apprécie davantage ses poèmes, son génie, la perfection de certains vers, tout en restant bien lucide sur le personnage.

 

 

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Prudes et Tartuffes, s’abstenir ! Car il s’agit d’une BD en mode Rabelais !... Ou plus précisément, d’une tragi-comédie en quatre actes. Un peu surprenant au départ, et puis les auteurs embarquent le lecteur pour un récit plein d’humour.

Le comte de Dardille est impuissant et ne peut satisfaire sa femme. Celle-ci convoque donc le « Congrès » pour le constater et annuler leur mariage. Le comte appelle à l’aide, son ami,  le Marquis, pour le stimuler là où il y a besoin, car il aime sa femme Amélie.

« Le CONGRES, c’est bien cette épreuve sous l’œil de Dieu où vous devez prouver votre adresse à contenter bibliquement votre aimée ? »

Il faut savoir que le Congrès a bel et bien existé au 17ème siècle et l’histoire part d’un fait authentique : les déboires du marquis de Langey, accusé par sa femme d’impuissance.

Le récit, sous forme de road-movie,  est très simple : trouver LA solution efficace et radicale pour satisfaire la Comtesse.  Il serait long et fastidieux sans le ton lucide et cocasse, et surtout sans les vers, qui accompagnent le récit et apportent beaucoup de gaité et fluidité au texte. Surprenant et très agréable, cette musique…

Exemple : « Alors, en fait, c’est assez simple, rien de bien compliqué !

Madame s’est vite aperçue que pour les choses du sommier,

Monsieur n’était pas un canonnier !

Ni même un fantassin, à part un troupier ! »

Les dessins sont simples également, caricaturaux mais tellement expressifs qu’on oublie immédiatement le trait un peu forcé. J’ai adoré les dessins des villes traversées par nos deux héros. Ils sont saisissants de réalité et fourmillent de détails.

Un thème et un traitement inhabituels, très réussis !

Je remercie Babélio et les Editions Delcourt de m’avoir permis de découvrir cette BD atypique et truculente.