vendredi 30 juin 2023

                                                                     💙💙💙💙


 

Quand le silence et la colère des opprimés(es) s'expriment différemment selon les milieux, les sensibilités et les genres. 

Suite et sans doute pas « fin » des aventures de la famille Pelletier, au début des 30 Glorieuses.

Je ne vais pas détailler les membres du clan que tout les amoureux du « Grand monde » connaissent parfaitement, mais simplement insister sur ce qui m’a paru passionnant.

 Avec Pierre Lemaitre, l’analyse sociale n’est jamais très éloignée.

- La condition des femmes, et leur seule responsabilité quand elles sont enceintes sans le vouloir. C’est le cas d’Hélène « la Fille »,  qui veut avorter. Les angoisses, les moyens farfelus, dangereux, dramatiques pour parvenir à leurs  fins.

Ce sentiment de culpabilité des femmes :

« Qui est responsable quand on fait les choses ensemble ? Est-ce que ce n’était pas à elle de compter les jours, de prendre sa température, faire ses petits calculs ? »

Sans oublier la parenthèse historique qui replace le dossier dans l’histoire :  

« Le plus sur moyen de réprimer l’avortement consistant à décourager ceux qui le pratiquaient, les médecins, les sages-femmes risquaient des peines de prison ferme, des amendes considérables, et la suspension, voire l’interdiction définitive d’exercer. Étonnamment, ce n’est pas sous le régime de Vichy que la répression de « ce fléau social »  avait été la plus vive, mais à la Libération. En 1946, on comptait mille comparants de plus qu’en 1943. »

- Toujours avec Hélène, le lecteur côtoie maintenant « l’ogre de béton ». Le barrage destiné à recouvrir le village de Chevrigny.  La population s’accroit, les besoins en électricité aussi.

Ça, c’est la théorie économique. Que se passe-t-il quand il s’agit de sa maison, de son village, de son passé, que tout va être ennoyé ? 

Comme toujours, et c’est la grande force de Pierre Lemaitre, c’est l’histoire vue au niveau de chacun. Celle qui nous intéresse, nous touche, nous permet de comprendre les réactions de nos ancêtres ou de nos contemporains.

Avec Jean, « Le Fils ainé », personnage falot mais serial killer, et entrepreneur visionnaire, on va découvrir l’ouverture des grands magasins, les petits prix afin de favoriser le volume d’affaire et permettre la rentabilité. Un vrai défi à l’époque du solide, de la qualité. La consommation autorisée pour tous.

C’est aussi les colères des femmes salariées et exploitées par les patrons… 

Un livre riche de rebondissements, même si je n’ai pas accroché les personnages. Je ne les ai pas trouvés attachants, et même quelquefois, peu crédibles, notamment celui de Jean. Peut-être car je n’ai pas lu « le Grand monde » et partais « à froid » sur la suite. Peut-être aussi pour cette raison que le contexte social m’a bien plus intéressée que les personnages.

Les seuls qui m’ont touchée sont ceux de Raymonde et de son fils handicapé mental « Petit Louis. »

 Malgré cette réticence, cela demeure un excellent moment de lecture.

 

mercredi 28 juin 2023

                                                                   💙💙💙💙

Un roman original, décalé : quand le jubilatoire flirte avec l’existentiel…. Une fable philosophique et surréaliste.

L’histoire :

Tugdual Laugier, un crétin « pur sucre » est embauché dans un cabinet d’affaires international ( quelles affaires ? ) : Michard et Associés, pour un salaire faramineux de 7000 € mensuel.

L’essentiel, il l’a compris et  le répète d’ailleurs, à longueur de journée : « la stricte confidentialité ». Ne rien dire des dossiers en cours. Et cela tombe bien, car Laugier brassera du vide durant trois longues années.

Si Laugier est stupide, inconsistant en général, c’est aussi un insupportable donneur de leçons envers sa femme Mathilde qui l’aime sincèrement et l’admire.

Oui, oui, on sait, l’amour est aveugle…. 😀

Tout se corse quand son patron, un illuminé puissance 10,  lui demande un rapport pour un gros client chinois qui souhaite investir en France. Sans plus d’explications…

Complètement à l’aveugle, Laugier se lance et « pond » un rapport de 1084 pages, en majorité, « pompé » sur internet… Persuadé d’avoir réalisé le document du siècle.

Le seul problème, c’est que ce rapport vide de sens questionne ceux qui le parcourent, le feuillettent.  Personne n’arrive à le lire en totalité et à comprendre l’objectif de ce rapport volumineux …. Quel en est le sens caché ? La justice et la police s’en mêlent… En tous cas, c’est du lourd…

Et Laugier va se retrouver dans le tumulte. Aussi nul dans la tempête que dans une mer d’huile.

Bien sûr, les traits sont caricaturaux, bien sûr l’auteur s’est amusé à forcer les traits. Comme dans une bande dessinée.

 Mais sous la farce, apparaissent des thèmes philosophiques essentiels.

- La nature a horreur du vide, il faut trouver un sens. Quitte à se torturer le cerveau, quitte à imaginer le pire, le sensationnel. C’est arrivé dans quelques affaires judiciaires, un dossier vide, que le juge remplit à charge. Cela arrive aussi et fréquemment dans les médias : quelques infos vides de sens, et le journaliste brode dessus pendant 3 heures…. Dans des spectacles, dans des séries… Et… le spectateur reste scotché.

- C’est aussi un des aspects les plus marquants de notre société qui est démonté ici, avec beaucoup d’humour : le souci de l’apparence, la forme au détriment du fond. Les belles phrases ronflantes dépourvues de sens et bien évidemment de sincérité. Les rapports en tous sens, les réunions de pseudo concertation pour définir des pseudos objectifs…

- Et bien sûr, un roman sur la stupidité, où il est vital de se croire intelligent, débordé de travail, en un mot, supérieur aux autres. Servile envers les supérieurs, méprisants et autoritaires envers ceux que l’on considère comme des subordonnés. On en connait tous, dans la vie courante, dans les médias, la politique…

 

Quelques longueurs, mais on s’amuse en comprenant très vite que l’humour est  grinçant et qu’il nous renvoie à notre miroir…

 


 

 

dimanche 25 juin 2023

                                                                      💙💙💙💙

« Vendredi 21 aout 2020

A l’ombre de ta colère, mon père, je suis née, j’ai vécu, j’ai fui.

Aujourd’hui, me voici de retour. J’arrive et je suis nue. Seule et les mains vides. »

Isabelle revient dans son village natal des Alpes à la demande de son frère, Olivier, pour leur père : « Il a 80 ans, il est en excellente forme physique, étonnante même. C’est la mémoire qui commence à lâcher. Il a la maladie de l’oubli ».

Le roman commence par la narration d’Isabelle et elle s’adresse à son père.

 

Le retour est douloureux, poignant. Elle se rappelle la violence de son père, les mille exemples où il l’a blessée, meurtrie, son désespoir de s’en faire aimer. Un être dur qui semblait ne trouver le sourire qu’en montagne. Il était d’ailleurs guide et partait souvent pour des courses.

Elle évoque  également la mort de son compagnon, Vincent,  et les mots pour en parler sont bouleversants, tellement simples et sensibles : « Je ne peux pas te rappeler que Vincent est mort il y a un an et demi, ni que chaque matin, je m’éveille dans son absence, en guettant le poids, la chaleur de sa main sur ma peau. »

Le père reprend la narration et on comprend mieux sa sécheresse, sa cruauté, sa méchanceté qui paraissent  si souvent gratuites. Sa souffrance aussi. Quelqu’un qui, comme le dira Olivier ( le frère) dans les pages suivantes, est « dévoré par ses monstres ». Une personnalité complexe.

Je ne vous en révèle rien.

 

Puis, Olivier reprend la plume : « Vendredi, 1er janvier 2021. Je suis le fils, celui qui n’est jamais parti.(…) Celui qui vient d’enterrer un père. Celui demeuré près d’un homme près de chuter, près d’un silence que j’ai fini par accepter. »

C’est aussi Olivier qui comprend le mieux les souffrances, les failles de son père et sa sœur.

Un très beau roman sur l’enfance qui marque à jamais nos vies, sur les sentiments de culpabilité qui entravent et rendent violents, mais aussi sur la résilience. Comprendre, apporter le pardon, et retrouver la vie, ou du moins l’accepter telle qu’elle est.

En harmonie avec l’écriture de Gaëlle Josse : simple, précise, efficace.

Une belle réussite ! 

 


 

                                                                 💙💙💙💙💙

 


 

Alchimie parfaite entre une satire sociale, un conte fantastique et un graphisme somptueux.

Dans les années 1920, le Baron est un notable campagnard, rustre, tyran violent de tout son environnement, y compris de ses enfants. Nul ne doit s’opposer à ses volontés et surtout pas une domestique qu’il étrangle après avoir essayé d’abuser d’elle. Il maquille le crime en pendaison, aux yeux de tout le village.

Maya, la petite fille de la jeune femme, s’enfuit dans la forêt.

On la retrouvera 8 ans plus tard, en parfaite symbiose avec les animaux et notamment les loups. Maya est désormais une adolescente, elle défend les animaux, détruit les pièges du Baron, invente des systèmes afin de ne pas être surprise. Le Baron décide d’en finir avec elle. Son intendant, son fils Eugène, sans cesse méprisé par son père et Louison, sa fille qui a le même âge que Maya, l’aideront. Même si Maya est soutenue par Markus, qui a toujours vécu dans le domaine, qui a joué avec les enfants du Baron, les évènements vont se précipiter.

Le suspens demeure haletant  jusqu’à la fin.

Au début de la lecture, j’ai craint la caricature, la facilité. Les planches travaillées, magnifiques m’ont fait poursuivre le récit. Les dessins sont tellement beaux ! Les traits simples, dépouillés des personnages, y compris ceux des loups, accentuent leurs expressions. Les fonds sont différents selon les environnements, bleu froid pour les loups, bleu sombre pour la forêt, plus clair pour la vie dans le domaine et au village. De véritables tableaux ! On n’en finit pas de les détailler, de découvrir d’autres détails.

Les relations entre les personnages sont plutôt complexes et bien mises en valeur. Comme l’indiquera la fin….

La violence est permanente, verbale et physique. Le seul moment d’humour est celui où le Baron consulte une hypnotiseuse (pétrie de psychanalyse) qui libèrera la boîte de Pandore.

Extraits :

_ « C’est ça qui vous inquiète, que vos ennemis disent que vous êtes fou ?

_ Non, m’dame, j’ai surtout peur qu’ils aient raison. »

 

Une vraie réussite pour les amoureux des dessins travaillés, puissants et pour le plaisir d’une histoire  où les pages se tournent toutes seules.

Merci aux Éditions Dupuis, à Netgalley de m’avoir fait découvrir Paul Reynès et Valérie Vernay.

 

 

 

mercredi 21 juin 2023

                                                                    💙💙💙💙

Coup de cœur pour  ce roman de Frédéric Couderc

A travers une trame policière et romanesque parfaitement maîtrisée, l’auteur nous  propose une analyse politique et sociale de Cuba, et plus particulièrement des arcanes du régime castriste en 1959 mais aussi de la situation cubaine en 2009.

Littéralement scotchée par l’histoire, je n’ai refermé le livre qu’à la dernière page. Pour immédiatement, rechercher sur internet les infos me permettant de satisfaire ma curiosité aiguisée par ce personnage central  de Camilo Cienfuegos, que je découvrais. Numéro deux de la « Revolucion » à l’égal du Ché.

Que demander de plus à un livre ? Le plaisir d’aller au bout d’une histoire pleine de rebondissements, et la compréhension d’un état dont mes connaissances étaient plutôt primaire. Je suis admirative de cette belle réussite : un vrai  talent d’écrivain et une réelle expertise d’un état  complexe et torturé.

Quelques mots pour situer le récit où deux périodes vont se croiser. 

New-York  2009 – Léonard, enterre sa mère Dora Parker  dans le  cimetière cubain du Bronx. Pourquoi Dora a-t-elle choisi ce lieu ? Qui est son père ? Sa mère célibataire a toujours été terriblement secrète sur son passé.

La Havane 1959 – Le journal de Dora ( Dolorès) reprend les évènements de sa vie au jour le jour. Ses parents proches  du dictateur Batista, sa passion partagée  avec Camilo Cienfuegos. Un héros de légende, idéaliste, généreux et courageux.  Ils s’aiment passionnément dans les tumultes et les difficultés de La Revolucion 

On apprend aussi à mieux connaître Léonard.  Un obstétricien engagé envers ses patientes. Il consacre une partie de sa vie au planning familial, contesté violemment par les activistes de Pro-life.  Agressé par ces derniers, il plonge dans le coma.

Sa convalescence va être la source de multiples interrogations. Enfouir le passé, comme le suggère sa femme ou chercher ses sources et les comprendre ?

« Qu’est ce qui nous empêche d’aller voir et de régler son compte au passé si tout est là, à portée de connexions entre neurones ? A nous protéger ? Le cerveau enfouirait-il des scènes douloureuses dans les tréfonds de la mémoire pour nous permettre d’avancer cahin-caha sur  le chemin de l’existence ? »

Léonard se sépare de sa femme, de ses enfants et part pour la Havane à la recherche de son histoire, de la vérité et de son père. A priori, il s’agit de Camilo Cienfuegos. Cette quête ne sera pas sans risques.

 

Les thèmes traités sont riches :

- La quête d’identité, vitale pour comprendre et poursuivre sa vie.

- La figure de Camilo

« Camilo n’aurait jamais accepté une révolution communiste, l’alliance avec l’URSS qui se profilait. On l’a appelé « le Christ des humbles », rappelez-vous. (…) Vu son tempérament, jamais Camilo n’aurait laissé la révolution trahir son idéal démocratique ».  

- Et surtout les luttes intestines et cruelles  entre les dirigeants de la Revolucion, et ce qu’il en a  résulté. Un constat d’échec de la Revolucion, parfaitement exprimée par un cubain en contact avec léonard :

« La vérité ? Mais tu es tombé dans le mauvais pays, companero. Ceux de ma génération ont été trompés depuis le berceau. (…) On a vécu dans les restrictions et les frustrations, payés en malheureux pesos officiels. Mais le pire, tu vois, ce sont les mensonges. J’ai grandi sans la moindre idée des massacres de Staline, sans même imaginer les trahisons de l’internationalisme prolétarien, les persécutions partout dans les régimes communistes... Nous sommes des ignorants et toi, tu veux la vérité ?

J’ai beaucoup aimé aussi l’utilisation de l’espagnol dans le récit qui l’ancre encore plus dans la réalité.

 

Une écriture précise et juste, des personnages bien campés, une meilleure compréhension de Cuba, avec le plaisir d’une intrigue et d’un amour passionnel.

Une vraie réussite !

 

 

 


lundi 19 juin 2023

                                                        💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙


 

Attention  ! Charme addictif pour ce roman graphique original, puissant, somptueux, poétique !  Tout simplement BEAU !

Pourtant, en découvrant un texte en alexandrins, un graphique très coloré, très contrasté,  je suis sceptique…  Il ne correspond pas du tout à ce que j’apprécie habituellement.

Et….  😀 Je me suis laissée embarquée par la musicalité du texte, par les dessins inspirés des miniatures persanes et de l’iconographie orthodoxe.

Séduite, subjuguée par cette harmonie parfaite entre poésie et graphisme.

Le portrait de Leïli :

« Leïli, quant à elle, avait en héritage

Des paupières battant comme ailes de colombe,

Des lèvres de rubis, la lune pour visage,

Des collines pour seins, un val au creux des lombes. »

L’histoire  est inspirée d’un poème persan du 12ème siècle de Nizami

Qaïs, appelé Majnoun (celui qui devient fou par amour) et Leïli s’aiment passionnément. Leurs familles respectives vont s’opposer à cet amour.

« Mais les deux tribus, d’un avis unanime,

Séparèrent la rose de son rossignol,

Tranchèrent violemment entre racine et cime,

Cachèrent le soleil aux yeux du rossignol. »

Majnoun se réfugie alors dans le désert pour chanter son amour et sera sauvé de la mort par les animaux sauvages qui l’entourent et le protègent. Cri de l’amour, de la vérité que les animaux perçoivent.

« La compassion de l’homme envers les malheureux

N’est souvent qu’un fardeau, un joug supplémentaire,

L’animal, lui, sait être un ami silencieux

Parfois, pour consoler, il faut d’abord se taire. »

Le thème de la condition de la femme est exprimé de façon très juste et sensible. Car Majnoun exprime son amour, mais Leïli ne peut que se taire, qu’obéir à ses parents, et souffrir en silence :

« Et elle aussi souffrait, mais d’une autre manière.

Sa détresse restait enclose dans son âme.

Car pudeur et honneur sont une muselière

Dont l’homme a recouvert la bouche de la femme ».

 

Thème intemporel de la mort, de l’amour que rien ne peut endiguer.

Et d’ailleurs, j’ai trouvé que Yann Damezin le sublimait de la même façon qu’un roman pourtant très moderne, de 2023 : « le soldat désaccordé » de Gilles Marchand, prix des Libraires. Les contextes sont complètement différents et la puissance du sentiment est également démontrée parfaitement.

Un roman graphique difficile à résumer car il est très riche, tant au niveau du texte, que du graphisme. En le reprenant, je m’aperçois que je n’ai pas bien retransmis la beauté de la calligraphie et des planches. A chaque relecture, je découvre autre chose. Chaque page est un tableau.

 

J’avais adoré « Hoka Hey » de Neyef, un autre finaliste du prix Orange de la BD, mais Yann Damezin m’a accrochée dans ses filets poétiques et colorés, pour mon plus grand plaisir.

A lire, à offrir pour un trop bon moment de lecture !

 

BD lue dans le cadre du prix BD Orange 2023.

Merci à la fondation Orange pour ce moment de bonheur ! 💗

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                                                                         💙💙💙

J’ai tout de suite été séduite par cette magnifique couverture !
Elle évoque une traversée, un huit clos dans des circonstances dramatiques.
L’expression idéale de l’univers de Simenon.

Février 1930.
Première partie, très courte. La police cherche à éclaircir les circonstances de la mort d’une jeune femme retrouvée morte, après une surdose de morphine.
Deuxième partie : embarquement à Hambourg sur le cargo Polarlys en direction de la Norvège. Le capitaine comprend immédiatement que la traversée va être difficile, car un des passagers est sans doute celui qui a tué la jeune femme.

Je suis partagée en refermant la BD.
Le huit clos pesant est bien perceptible au fil des pages, les personnages complexes provoquent un certain malaise, le lecteur ne sait pas comment les situer.
Du bon Simenon retransmis en graphisme et en texte. Les dessins de la mer, du bateau sont somptueux et infiniment évocateurs.

Mais… J'ai trouvé l'intrigue confuse, et je n’ai pas du tout aimé les dessins des personnages, tous, crées sur le même moule : silhouettes longues et sèches, visage ovale, pommettes hautes….

Cela dit, cette BD m’a donné envie de me plonger dans ce roman de Simenon, que je ne connais pas.
L’hommage à Simenon est donc réussi d’autant plus que les dernières pages expliquent parfaitement la genèse de ce premier « roman dur » ( roman difficile à écrire ) de l’écrivain.

Merci à Lire Magazine et aux éditions Dargaud de m’avoir permis de découvrir ce roman graphique

 


 

samedi 10 juin 2023

                                                                 💙💙💙💙

La Réunion, les vacances, les plages paradisiaques. Que du bonheur, que du plaisir, sauf que…

Martial Bellon appelle la gendarmerie car sa femme, Liane a disparu. Il devient très vite le principal suspect, pour la capitaine Aja Purvi et choisit alors de fuir avec sa petite fille de 6 ans. Une chasse à l’homme aux multiples rebondissements commence.

 

C’est un polar classique au suspens bien maîtrisé, à l’action rondement menée.

J’ai trouvé très intéressant l’utilisation fréquente du parler local qui fixe bien l’action dans son contexte, et l’envers du décor de l’ile de rêves avec ses "kartiés" où la misère est souvent présente.

Surprenant et bouleversant également, la petite fille qui pense que son père est un assassin.

 

Une belle réussite même si je ne suis pas rentrée dans le graphisme : les personnages et leurs expressions sont dessinés sur le même moule. Et même si j’ai trouvé les « flics » un peu trop convenus.

C’est néanmoins, un excellent moment de détente, où « on ne lâche pas » 😉 le récit…

Merci à Netgalley et aux éditions Dupuis de m’avoir permis de découvrir en BD, ce polar bien ficelé. 

 




 

mercredi 7 juin 2023

                                                              💙💙💙💙💙


 

Jubilatoire !

Jubilatoire et intelligent car  il suscite de nombreuses réflexions.  

L’histoire : Baptiste est un jeune imitateur, spécialisé dans la contrefaction des voix. Talentueux sans doute, mais quasiment inconnu.

Pierre Chozène est un écrivain de renom, qui aime sa tranquillité et déteste les mondanités et les opportuns.

Le romancier commence un nouveau livre, beaucoup plus intimiste et a besoin d’un calme total, et surtout ne plus être dérangé par son téléphone.

Il engage Baptiste pour répondre à sa place, 24 h sur 24 h, 7jours sur 7. Il lui a préparé des notes pour l’informer de tous les interlocuteurs susceptibles de l’appeler. Il lui laisse carte blanche et exige une paix totale pour se consacrer à l’écriture.

Chozène se défausse de sa vie sociale, familiale et même amoureuse et Baptiste endosse la personnalité de l’auteur….

L’alchimie fonctionne bien et personne ne s’aperçoit de la supercherie.

« Pendant un temps donné, quelqu’un vous déchargeait de votre vie, de vos relations, explorait vos habitudes et inventait des chemins. C’était risqué bien sûr, mais Chozène avait-il quelque chose à perdre ? (…)Baptiste lui permettait de relancer les dés, de redonner sa chance au hasard. Pour un homme ordinaire, c’est une aventure, pour un romancier, une manne. »

Baptiste, imitateur  confidentiel, se sent avec cette confiance et cette responsabilité sur les épaules, soudain légitime, utile.

Il comprend mieux aussi son travail d’imitateur. «On ne conçoit l’imitation que comme une caricature. Des clowneries. Mais pourquoi, ne pas y voir une sorte de portrait sonore ? Un art véritable ? »

Attention à ne pas aller trop loin….. En se déchargeant complètement pour Chozène, qui veut  la paix, le silence, et surtout pas de compte-rendu.

Et pour Baptiste, qui se prend au jeu, prend des initiatives, heureuses et malheureuses, en se prenant pour Chozène.

A quoi tient, la notion d’identité de chacun ?

 

Le milieu de l’écriture est bien décrit, par petites touches mordantes et ironiques. Chozène prête des romans à Baptiste et lui dit : «  Ils sont très bien, je vous les prête. Déprimants bien sûr, mais très bien. On comprend mieux comment et pourquoi, on va disparaître. »

J’ai adoré les mots inconnus (pour moi) dont Luc Blanvillain parsème le récit, comme s’il nous disait : Lecteur, va donc chercher la signification. 😉 Je ne l’ai pas du tout perçu comme une sorte de pédantisme mais plutôt comme un clin d’œil vers son lecteur.

« Transsuder, raboudinage, anamnèse, concaténation…. »  Je vous laisse chercher comme je l’ai fait…. Des mots sonores…

L’écriture est précise, simple, parfaitement adaptée à chaque personnage. Les phrases sont courtes et accompagnent bien l’action.

Une vraie réussite.  👍 Et surtout, un sujet original, magistralement traité, qui change des tonalités actuelles.

 

mardi 6 juin 2023

                                                                    💙💙💙💙💙

Un superbe album de plus de 200 pages, au papier épais, à la couverture soignée et attractive. Hoka Hey ! En avant !

Embarquement immédiat dans le milieu des Lakotas parqués dans des réserves et plus particulièrement dans le road-movie de Little Knife, qui veut  venger sa mère.  Il est accompagné de No Moon, une jeune squaw mutilée par son mari et un irlandais, Sully. Au passage, ils vont recueillir un enfant, Georges, qui comme son nom ne l’indique pas, est également d’origine indienne, mais éduqué par un pasteur.

J’ai adoré la construction du récit : un western classique et chronologique où on chemine au pas des chevaux et au rythme des aventures et des dangers. Quelques flash-back permettent de comprendre le passé de chacun et on s’attache aux quatre protagonistes. Pourtant, la pitié a depuis longtemps quitté leurs cœurs ( hormis Georges ) et la violence est très souvent présente. L’Ouest américain n’est pas fait pour les faibles et les sensibles.

 

Les thèmes traités sont intemporels :

- Le racisme banal et institutionnalisé avec le refus de certaines cultures et leur exclusion géographique et sociale.

- Les injustices et les souffrances qui rapprochent  des peuples différents comme les irlandais et les indiens, avec ce même sentiment d’injustice et d’exclusion.

- Malgré les passés douloureux et les blessures, l’humanité et la bienveillance sont toujours bien vivantes chez les trois comparses, qui protègent et s’attachent à Georges.

- La vie ne vaut rien, même pas celle d'un enfant. C'est  bien illustré par le chasseur de primes pour qui seuls les 2500 dollars comptent.

- Quel est le poids de nos origines, de notre enfance ? Peut-on les oublier, les occulter  pour devenir médecin parmi les blancs pour Georges ?

Le graphisme accompagne admirablement le texte. Précis, minutieux et en même, somptueux et coloré. Une mention spéciale pour les paysages que traversent Georges et ses compagnons. Également pour le sens du mouvement et notamment les galopades des chevaux. Pour les attitudes particulièrement justes des personnages.

Un tout petit (petit) bémol pour la forme des visages : tous semblables, tous ovales.

 

Neyef, aux manettes du récit et du dessin : un régal des yeux, du suspens, une vraie réussite !

Un excellent moment de lecture et cette BD est mon chouchou dans le Prix Orange de la BD.

Je remercie d’ailleurs la Fondation Orange et les Éditions Label 619 de m’avoir permis de découvrir Neyef et Hoka Hey.

 


 

                                                                💙💙💙💙


Une excellente BD, pour les grands et les plus jeunes,  à lire ou à raconter.

 

Louis, sa compagne et leurs trois enfants habitent à Paris. Un jour, les animaux sauvages envahissent et menacent la ville. Ordre est donné de se confiner. Un marcassin arrive à pénétrer dans l’appartement et sur les supplications des 2 ainés : « s’te plait, s’te plait, s’te plait », 😀 les parents cèdent et gardent le marcassin qui multiplie les bêtises.

L’animal, plus les enfants, plus la promiscuité inhabituelle, tout est chamboulé et devient vite insupportable pour les parents.

Ils décident donc de partir à la campagne chez les grands-parents en train, avec le marcassin, mais là encore, les mésaventures vont se répéter.

Le ton est rapide, drôle et les rebondissements s’enchaînent. L’observation du milieu familial est également très fine ainsi que les travers de chacun, surtout des adultes. Le graphisme est en parfaite harmonie, simple ( dans le bon sens du terme), dépouillé, très coloré et en même temps infiniment précis. Tant sur les expressions des visages, que les attitudes au niveau des humains et des animaux.

Un moment très agréable de lecture, seul ou avec les enfants.

Je remercie Netgalley et les Editions Dupuis de m’avoir permis de découvrir cet auteur et graphiste complet et talentueux.