mercredi 7 juin 2023

                                                              💙💙💙💙💙


 

Jubilatoire !

Jubilatoire et intelligent car  il suscite de nombreuses réflexions.  

L’histoire : Baptiste est un jeune imitateur, spécialisé dans la contrefaction des voix. Talentueux sans doute, mais quasiment inconnu.

Pierre Chozène est un écrivain de renom, qui aime sa tranquillité et déteste les mondanités et les opportuns.

Le romancier commence un nouveau livre, beaucoup plus intimiste et a besoin d’un calme total, et surtout ne plus être dérangé par son téléphone.

Il engage Baptiste pour répondre à sa place, 24 h sur 24 h, 7jours sur 7. Il lui a préparé des notes pour l’informer de tous les interlocuteurs susceptibles de l’appeler. Il lui laisse carte blanche et exige une paix totale pour se consacrer à l’écriture.

Chozène se défausse de sa vie sociale, familiale et même amoureuse et Baptiste endosse la personnalité de l’auteur….

L’alchimie fonctionne bien et personne ne s’aperçoit de la supercherie.

« Pendant un temps donné, quelqu’un vous déchargeait de votre vie, de vos relations, explorait vos habitudes et inventait des chemins. C’était risqué bien sûr, mais Chozène avait-il quelque chose à perdre ? (…)Baptiste lui permettait de relancer les dés, de redonner sa chance au hasard. Pour un homme ordinaire, c’est une aventure, pour un romancier, une manne. »

Baptiste, imitateur  confidentiel, se sent avec cette confiance et cette responsabilité sur les épaules, soudain légitime, utile.

Il comprend mieux aussi son travail d’imitateur. «On ne conçoit l’imitation que comme une caricature. Des clowneries. Mais pourquoi, ne pas y voir une sorte de portrait sonore ? Un art véritable ? »

Attention à ne pas aller trop loin….. En se déchargeant complètement pour Chozène, qui veut  la paix, le silence, et surtout pas de compte-rendu.

Et pour Baptiste, qui se prend au jeu, prend des initiatives, heureuses et malheureuses, en se prenant pour Chozène.

A quoi tient, la notion d’identité de chacun ?

 

Le milieu de l’écriture est bien décrit, par petites touches mordantes et ironiques. Chozène prête des romans à Baptiste et lui dit : «  Ils sont très bien, je vous les prête. Déprimants bien sûr, mais très bien. On comprend mieux comment et pourquoi, on va disparaître. »

J’ai adoré les mots inconnus (pour moi) dont Luc Blanvillain parsème le récit, comme s’il nous disait : Lecteur, va donc chercher la signification. 😉 Je ne l’ai pas du tout perçu comme une sorte de pédantisme mais plutôt comme un clin d’œil vers son lecteur.

« Transsuder, raboudinage, anamnèse, concaténation…. »  Je vous laisse chercher comme je l’ai fait…. Des mots sonores…

L’écriture est précise, simple, parfaitement adaptée à chaque personnage. Les phrases sont courtes et accompagnent bien l’action.

Une vraie réussite.  👍 Et surtout, un sujet original, magistralement traité, qui change des tonalités actuelles.

 

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