lundi 20 octobre 2025

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📙Pour ne pas oublier toutes ces femmes tuées ou menacées de l’être par leur conjoint violent. Les rendre vivantes le temps d’un roman et peut-être plus longuement dans la mémoire du lecteur…

« Une personne ne meurt véritablement qu’à partir du moment où personne n’évoque plus son souvenir, ne dit plus son nom. »

📙 Pour ne pas oublier la honte, le peu de confiance et d’estime en soi-même qu’on a en subissant l’emprise d’un mari manipulateur sadique.

Le foyer violent est un monde à part et ceux qui n’y sont pas disent des phrases telles que : Pourquoi elle n’est pas partie ? Pourquoi elle n’en a parlé à personne ? pourquoi elle n’a pas été à la police ? Pourquoi elle s’est remise avec lui ? »

📙 Pour ne pas oublier qui est la victime et qui est l’assassin. Pour que les femmes menacées soient prises au sérieux et qu’elles-mêmes sachent qu’elles ne sont pas responsables de ce qui arrive.

Toutes celles à propos de laquelle on a entendu : « Elle me fatiguait, j’ai voulu m’en débarrasser. L’accusé a raconté le calvaire de son quotidien. Son épouse le torturait, l’assurant qu’elle avait des amants. Après une énième dispute, il décide de la supprimer. »

📙Pour ne pas oublier la fréquente infantilisation médiatique après ce genre d’horreurs.

« La petite Chahinez. » Ou encore « une petite maman ». L’éclairage des médias est infantilisant. Sa mort violente, barbare et humiliante la réduit, en à peine 48 heures, en une femme qui a vécu comme un être vulnérable et fragile. L’émotion collective la dessine uniquement en mère, levant ses trois enfants, s’occupant de son foyer et organisant des « gouters d’anniversaire avec des ballons. »

📙Pour comprendre, se pardonner l’asservissement subi, l’engrenage de la terreur, de l’humiliation, de la résignation.

📙 Pour revivre et faire revivre les autres femmes. Celles qui ne parlent plus car elles sont mortes, celles qui ont trop honte de leur attitude passive et asservie.

Emma incarne pour moi toutes les femmes tuées et oubliées.

« Sur le chemin du retour, dans la voiture de Maya, je pense à l’effacement de l’existence d’Emma. Elle est devenue cette femme tuée par son mari. (…). Le silence de sa famille après sa mort, le peu de photos qui existent d’elles, la confusion sur la date même de son anniversaire, ce procès de l’accusé qui devient en réalité le procès de la victime puisque le tueur ne cesse de pointer les manquements de son épouse, la honte ressentie par quelques membres de sa famille du fait de cette fin horrible. »

📙 Ce que j’ai le plus apprécié est la sincérité, la recherche de vérité, de justesse de l’autrice afin de bien saisir Emma et Chahinez et sa propre histoire.

Ce n’est pas seulement une analyse, c’est bien plus. Une plongée dans le monde de l’asservissement, avec ses codes et ses chaînes.  

Pour faire comprendre à tous ceux, toutes celles, qui comme moi, compatissaient, s’en révoltaient, mais ne le comprenaient pas avec leurs tripes.

📙 Une écriture à l’os, empreinte de cris, de souffrance, de sincérité.

📙 Une vraie claque salutaire, indispensable et je remercie Nathacha Appanah pour ce magnifique et terrible roman.

 

Extraits

📙 « Il a fallu rêver cet éternel rêve d’un NOUS et d’un récit commun tressé de trois voix, mais toujours se réveiller seule. Il y a l’impossibilité de la vérité entière à chaque page mais la quête désespérée d’une justesse au plus près de la vie, de la nuit, du cœur, du corps, de l’esprit.

Des ces trois femmes, il a fallu commencer par la première, celle qui vient d’avoir 25 ans quand elle court et qui est la seule à être encore en vie aujourd’hui.

Cette femme, c’est moi. »

📙 « En anglais, il existe un mot parfaitement exact pour dire ce qui m’est arrivé : j’ai été GROOMED. C’est une technique de manipulation où un ou une adulte gagne la confiance d’un ou d’une adolescente en lui donnant une attention quasi exclusive, en le ou la flattant, en lui offrant des cadeaux, en lui faisant croire que ce qu’ils partagent est exceptionnel, rare et n’arrive qu’une fois dans la vie. L’adulte instaure lentement une atmosphère de secrets et de mensonges par laquelle cette relation est préservée, conservée, protégée. Bientôt, l’adolescent(e) ne sait plus vivre ailleurs que dans cette bulle et il n’y a que dans ce lieu clos, à l’air vicié, qu’il ou elle croit trouver la vérité dans sa vie. »

📙 « C’est étrange comment après la peur vient la colère envers celle que j’ai été. Où est passée l’éducation que j’ai reçue, où est passée ma capacité à réfléchir et à penser ? »

📙« J’entendais, en sous-texte : qu’est-ce qu’elle a fait pour le pousser à bout ? Est-ce vraiment uniquement sa faute à lui ? »

📙 « La petite Chahinez. » Ou encore « une petite maman ». L’éclairage des médias est infantilisant. Sa mort violente, barbare et humiliante la réduit, en à peine 48 heures, en une femme qui a vécu comme un être vulnérable et fragile. L’émotion collective la dessine uniquement en mère, levant ses trois enfants, s’occupant de son foyer et organisant des « gouters d’anniversaire avec des ballons. »

📙Emma –

Son mari, lors du procès : Elle me fatiguait, j’ai voulu m’en débarrasser. »

L’accusé a raconté le calvaire de son quotidien. Son épouse le torturait, l’assurant qu’elle avait des amants. Après une énième dispute, il décide de la supprimer. »

📙« S’il y a dans ces descriptions une part des stéréotypes qui accompagnent une femme voilée et étrangère, s’il y a aussi dans ces adjectifs l’ombre de cette infantilisation soudaine qui tombe sur les femmes mortes sous les coups de leur mari, il faut surtout y voir l’emprise oppressante d’un mari violent qui, en quelques années, a écrasé la quasi-totalité de son libre arbitre. »

📙« Quel drôle de monde aux valeurs inversées où ce sont les victimes qui ont honte ! »

📙 « A chaque fois, j’abandonnais le peu de détermination qui me restait – cette détermination qui m’avait servi à le quitter et qu’il rognait avec expertise et succès. Et à chaque fois, j’abandonnais un peu un peu d’estime de moi-même jusqu’à me dire, jusqu’à me persuader, qu’en réalité, je n’étais pas bonne juge de ma propre vi, que je ne pouvais pas prendre mes propres décisions, que je n’étais bonne qu’à être sa compagne, qu’en réalité je ne pouvais exister que dans ce monde-là, un monde toxique et tordu, habité de lui et de moi, de son génie violent, de son emprise et mon asservissement »

📙 « Est-ce qu’une personne m’aurait préservée vivante dans son cœur ? »

📙« Une personne ne meurt véritablement qu’à partir du moment où personne n’évoque plus son souvenir, ne dit plus son nom. »

📙 « Sur le chemin du retour, dans la voiture de Maya, je pense à l’effacement de l’existence d’Emma. Elle est devenue cette femme tuée par son mari. (…). Le silence de sa famille après sa mort, le peu de photos qui existent d’elles, la confusion sur la date même de son anniversaire, ce procès de l’accusé qui devient en réalité le procès de la victime puisque le tueur ne cesse de pointer les manquements de son épouse, la honte ressentie par quelques membres de sa famille du fait de cette fin horrible. »

📙« Il faut être à l’intérieur d’un foyer violent pour comprendre ses codes et ses rouages spécifiques : la notion du temps y est élastique, les règles changent selon les humeurs, les paroles et les gestes sont sujets à interprétation constante. La peur de son conjoint s’accompagne d’un développement d’un sixième sens : on sait, on sent, on peut rester immobile, jouer à la morte, on peut bondir et se mettre à courir.

Le foyer violent est un monde à part et ceux qui n’y sont pas disent des phrases telles que : Pourquoi elle n’est pas partie ? Pourquoi elle n’en a parlé à personne ? pourquoi elle n’a pas été à la police ? Pourquoi elle s’est remise avec lui ? »

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