Durant la dictature militaire brésilienne, dans la moitié du XXème siècle.
Presque un huit clos en plein ciel, dans un petit avion au-dessus des forêts brésiliennes, entre le père et son fils.
✈ Leurs relations sont complexes et parfaitement analysées. Le gamin de 11 ans souffre de la séparation de ses parents, subit la tyrannie de son père mais recherche sa présence. Le père aime son fils comme sa chose et le rejette en même temps. Comme une attraction / répulsion amoureuse.
« Il luttait contre la conscience de cet amour ambigu qu’il ressentait envers l’enfant, à la fois un fils et un adversaire, et qui rendait la paternité aussi instable qu’une relation amoureuse. Il voulait être avec lui, il lui manquait, il voulait le toucher, sentir son haleine, le voir grandir, l’entendre parler de ce qu’il aimait, (…) il était fier de son fils en même temps qu’il était agacé parce qu’il ne correspondait pas à ses attentes. Là commençaient les contradictions. Il nourrissait des désirs incompatibles. Par une étrange inversion, son fils incarnait la loi. »
Un bonhomme stupide, mégalo, cupide qui magouille avec les militaires en achetant des pans entiers de la forêt amazonienne.
« Les militaires bradaient la forêt à la loterie. Avec pour seule contrepartie (ou plutôt pour seul bonus) que les gagnants du gros lot occupent les terres en principe vierges, occuper signifie ici dévaster d’immenses zones de forêt pour y planter du fourrage et élever du bétail, le tout copieusement financé par l’état. »
✈ En même temps que leur survol, l’enfant lit et raconte un récit dystopique où les hommes les plus brillants dans leur domaine ont été choisis et envoyés dans l’espace pour trouver une autre planète, susceptible d’accueillir les rescapés de la terre. Tous sont des sommités, sauf un enfant banal, amnésique, qui cherche à comprendre son utilité dans cette mission vitale.
« Il trouve qu’il ne sert à rien. Mais au fond, et c’est surement la grande révélation de l’histoire, il est sûrement exceptionnel, il y a sûrement une raison pour qu’il soit là. »
Cette réflexion existentielle résonne et résonnera chez lui jusque dans l’âge adulte. Questionnement sur la mémoire, sur la légitimité de chacun... Et si ce passé vierge était une qualité sur laquelle on peut bâtir sa vie, sans entrave familiale, sans se faire manipuler par l’affectif et les aprioris ?
✈ Adulte, et toujours marqué par ce récit et la disparition de certaines ethnies, il revendique une vision exempte de tout préjugé, où chacun expérimente, se trompe et ainsi avance. Surtout pas un monde parfait, normé, où tout est connu et acquis d’avance.
« Il essayait de faire l’éloge de l’erreur en tant qu’issue pour un monde qui se rétrécissait et se déshumanisait, un monde duquel l’illogique, l’absurde et l’inconscient seraient bannis par l’intelligence artificielle. »
✈ Le parallèle est saisissant - et convaincant - entre la dystopie du récit (un monde remplacé par un autre) et les conséquences de la disparition d’une bonne partie de la forêt et des indigènes. Comme les Okano, et leur représentation si particulière de la vie. Disparue à jamais…
✈ Un roman exigeant qui interroge sur notre futur et celui de la planète.
Extraits :
✈ « Les militaires bradaient la forêt à la loterie. Avec pour seule contrepartie (ou plutôt pour seul bonus) que les gagnants du gros lot occupent les terres en principe vierges, occuper signifie ici dévaster d’immenses zones de forêt pour y planter du fourrage et élever du bétail, le tout copieusement financé par l’état. »
Page 15
✈ « Il souffrait de crises de vertiges depuis la séparation de ses parents. Il embarquerait le lendemain pour une aventure en enfer avec son père, celui-là même qui avait l’habitude de se vanter que les saints sortaient de l’église quand il y entrait. »
✈ « Il trouve qu’il ne sert à rien. Mais au fond, et c’est surement la grande révélation de l’histoire, il est sûrement exceptionnel, il y a sûrement une raison pour qu’il soit là. »
Page 22
✈ « Il luttait contre la conscience de cet amour ambigu qu’il ressentait envers l’enfant, à la fois un fils et un adversaire, et qui rendait la paternité aussi instable qu’une relation amoureuse. Il voulait être avec lui, il lui manquait, il voulait le toucher, sentir son haleine, le voir grandir, l’entendre parler de ce qu’il aimait, (…) il était fier de son fils en même temps qu’il était agacé parce qu’il ne correspondait pas à ses attentes. Là commençaient les contradictions. Il nourrissait des désirs incompatibles. Par une étrange inversion, son fils incarnait la loi. »
Page 60
✈ « Il projetait sur son fils le contraire de lui-même, comme une rédemption. Plutôt que d’être avec lui et de l’accompagner dans ses conquêtes, il désirait réaliser en son fils son opposé. Jusqu’à ce que le réel commence à l’exaspérer. Comme dans l’idéalisation de l’amour, ils n’étaient presque jamais ensemble et une semaine suffisait pour qu’il ne le supporte plus, ne puisse plus le voir en peinture, ne veuille plus passer même une seconde de plus à côté de lui. »
Page 61
✈ « C’étaient des cobayes. Ils ont été créés pour préparer le terrain, confirmer si la planète était habitable. »
Page 129
✈ « Il essayait de faire l’éloge de l’erreur en tant qu’issue pour un monde qui se rétrécissait et se déshumanisait, un monde duquel l’illogique, l’absurde et l’inconscient seraient bannis par l’intelligence artificielle. »
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