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Oui, bien sûr, on connaissait la Jungle de Calais. Le dernier « pont » avant de peut-être, embarquer pour la destination rêvée : l’Angleterre.
On en connaissait la misère, les déploiements des forces de l’ordre pour contenir les migrants sur le sol français, les multiples reportages sur les ONG en place et ceux consacrés aux calaisiens. On se rappelle aussi les migrants morts sur l’autoroute pour avoir tenté d’entrer dans les camions.
Un statut particulier (du fait de l’accord bilatéral du Touquet en 2004) pour cette population : « Avec cette appellation de réfugiés potentiels, ni on ne les arrête, ni on ne les aide. On les laisse juste moisir tranquilles, en espérant qu’ils partiront d’eux-mêmes. »
📌 Le scénario
Adam est un policier syrien, intègre, impliqué dans son travail. Il se réjouit du Printemps arabe : « un vent de démocratie avait soufflé sur la Syrie »
Mais il comprend vite aussi les dérives : « Il y eut dès lors, pour deux bourreaux, une seule et même victime. La dictature de Bachar el-Assad et la folie de Daech, contre le peuple syrien désarmé. »
Il décide de fuir avec Norah, sa femme et sa petite fille de 6 ans, Maya. Mais elles doivent partir d’abord, il les rejoindra ensuite.
Quand il arrive à Calais, elles ne sont pas arrivées, personne ne sait où elles sont, ou ne veut parler…
Calais, une vraie jungle en effet, où les groupes ethniques les plus puissants font régner la terreur. Adam se fera tout de suite un ennemi mortel des Afghans en sauvant un enfant du viol. Un gamin venu tout seul en France, qui ne peut parler après avoir eu la langue tranchée. Il ne quitte plus Adam qui le protège et dénomme Kilani. Le personnage le plus attachant…
Pour bien expliquer la complexité de la situation, Olivier Norek fait intervenir tous les intervenants de la zone. Les associations caritatives qui gèrent au mieux une situation bloquée, les différents services de police, parmi lesquels, Bastien, nouvellement arrivé. Il ne comprend pas comment on peut laisser pourrir des gens dans un ghetto ou exposer leurs vies sur l’autoroute…
« _ Mais, s’ils la veulent, leur Angleterre, de quel droit, on les retient ici ?
_ Les accords du Touquet ( 2004) . Le texte place la frontière de l’Angleterre en France, à Calais, et pas à Douvres. Et pour que ça reste comme ça, les britishs paient cher. »
Tant de souffrances, d’injustice, de morts pour tout rayer d’un coup de plume en « octobre 2016. Le gouvernement, en fin de mandat, avait décidé du démantèlement complet de la Jungle. Une tâche sur la carte du pays, devenue trop visible, trop gênante pour une ré élection »
📌 Olivier Norek mène son scénario de main de maître (comme d’habitude) mais en même temps, il explique, il interroge, il émeut, il dérange…
- Il démontre avec force que l’être humain n’est jamais un tout-gentil ou un tout-méchant. L’enfance, le besoin de survie forcent son histoire. Même les gentils ont de grosses parts d’ombre et du sang sur les mains… Difficile de se défendre contre la violence sans y avoir recours quand on est dans un pays en guerre.
- Il démontre aussi l’injustice du monde : notre société riche et paisible, et de l’autre côté, la guerre et la misère. Calais représente bien cet « entre deux mondes. »
📌 Un roman éblouissant et magnifiquement documenté.
Olivier Norek est un vrai conteur mais aussi un pédagogue.
Se passionner pour une histoire, s’attacher à des personnes et en même temps, s’ouvrir, s’interroger, se grandir ! Que demander de plus à un auteur ?
Deuxième roman que je lis après « Les guerriers de l’hiver » et là encore il force mon admiration !
Gros coup de cœur ….
Merci à tous ceux et toutes celles qui me l’ont conseillé.
Extraits
📌 « Sous les yeux de Bastien, des dunes à perte de vue, sur près d’un millier de km2, entourées d’une forêt épaisse. De là, où il se trouvait, personne n’aurait pu dire de quoi était fait le sol, chaque espace libre étant occupé par des tentes et des baraquements fragiles, faits de métal rouillé par la pluie, de morceaux de bois et de bâches en plastique. Toutes ces habitations suivaient la courbe des dunes et donnaient l’impression d’un océan agité de vagues de détritus. »
📌 « _ Mais, s’ils la veulent, leur Angleterre, de quel droit, on les retient ici ?
_ Les accords du Touquet (2004) . Le texte place la frontière de l’Angleterre en France, à Calais, et pas à Douvres. Et pour que ça reste comme ça, les britishs paient cher. »
📌 Ousmane, le chef soudanais dans la jungle
« Tu ne sais pas grand-chose de moi, Adam, et c’est bien comme ça. J’étais soldat. J’ai tué des hommes, et d’autres qui ne l’étaient même pas encore. Je n’ai pas eu le choix. Mais eux aussi avaient un père qui doit me haïr, ou me chercher. Ça n’a pas de fin. Nous sommes tellement de personnes différentes dans notre vie. Père, assassin, ami. »
📌 La difficulté pour un flic aussi de travailler sur la jungle. Laisser les migrants dans leur ghetto pour protéger les gens, les transports et l’économie
« C’est notre ville qu’on essaie de tenir à flot. On joue aux épouvantails, je vous ai jamais dit que c’était du bon boulot de police. »
📌 « A partir de ce jour-là, je suis devenu son chien, toujours collé à sa cuisse. J’étais bien traité. Je mangeais à ma faim. Sans avoir à échanger tous ces bienfaits contre du sexe. »
📌 « Octobre 2016
Le gouvernement, en fin de mandat, avait décidé du démantèlement complet de la Jungle. Une tâche sur la carte du pays, devenue trop visible, trop gênante pour une ré élection »
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