mercredi 12 février 2025

💙💙💙💙

Un bel hommage sobre et sincère.

« Au décès de ma mère en septembre 2016, j’ai songé à ses paroles des derniers mois : « Tu devrais écrire, pourquoi ne pas commencer par un récit, celui de ton père. Il a parfois été incompris, y compris de nous-même et ce serait bien que l’on sache qui il était mais, aussi ce qu’était la médecine dans les années cinquante et suivantes. Être médecin de campagne était un sacerdoce, j’y ai contribué en tant qu’épouse. Transmettre cet engagement et montrer comment il a réussi à devenir médecin malgré les nombreux obstacles. »

🩺 Un récit très vivant car l’autrice laisse parler son père. Il raconte sa vie, ses difficultés, sa famille et surtout son dévouement auprès de ses patients.

Une famille marquée par le décès d’une première enfant. Un père médecin traumatisé de n’avoir pu la sauver. Il aura besoin des anxiolytiques pour continuer de vivre…

Un médecin généraliste et légiste. Un homme idéaliste, très empathique, qui a consacré sa vie à la Médecine, au détriment quelquefois de sa famille et de sa propre santé.

« A l’époque, un médecin de campagne c’est sept jours sur sept. »

🩺 Raoul Antoine est né en 1924, la guerre l’a marqué : « J’en suis certain, sans la guerre, je n’aurais rien fait, j’aurais été un être sans ambitions, sans idéaux, sans conviction. (…) S’occuper des autres sera une fin en moi, et la médecine sera ma porte d’entrée. »

🩺 Tu m’as fais sourire, Ghislaine, car j’ai compris en te lisant d’où te venait ton amour pour nos chers chevaux : « Et si par hasard, il y avait un cheval ou un mulet, j’en connaissais une qui piaffait de contentement ! Dommage qu’elle ne soit pas née avant 1955, car j’ai eu un patient qui venait avec sa charrette en consultation et attachait son cheval à l’anneau qui restait encore sur la façade de la maison des années plus tard. »

J’ai aussi mieux compris ton amour pour l’Iliade et l’Odyssée.

🩺 Le docteur Antoine meurt à 69 ans dans la tristesse et le regret.

« En quelques mois, je revois défiler mon parcours et ma tristesse ne fait qu’augmenter. J’ai pourtant réussi ma vie professionnelle et ma vie intime, mais trop de blessures se sont accumulées. (…) Il y a quelque chose en moi dont je n’ai jamais pu me défaire : mon extrême sensibilité. C’est un fardeau, je prends tout à cœur, je ne supporte plus la détresse, la misère, les gens qui souffrent, la mort des autres. A l’heure de partir, j’ai même un regret qui me ronge : celui d’avoir été médecin. Je n’étais pas fait psychiquement pour endurer la vision de la souffrance et l’agitation sournoise de la grande faucheuse. »

🩺 L’autrice reprend la plume et complète les propos de son père. Une narration indispensable car elle explique les impressions de la famille, de leur incompréhension quelquefois,  devant l’attitude du Docteur Antoine.

« La médecine correspondait à son sens de l’humanité mais à force d’avoir une empathie gigantesque, il finissait par épouser toutes les misères et touts les chagrins. Une sensibilité à fleur de peau, le moindre reproche le marquait profondément, lui qui aurait traversé les flammes pour sauver son prochain. Ma mère était également très sensible mais elle savait penser un peu à elle et connaissait parfaitement les limites de la compréhension humaine. Pas mon père. Par cette attitude taciturne lorsqu’il peinait à masquer une contrariété, nous n’avions pas toujours la finesse de déterminer la cause. Aujourd’hui avec le recul, j’en suis profondément peinée car je mesure la douleur morale et les efforts pour montrer toujours autant d’amour à son entourage. »

🩺 Ne croyez pas que je suis élogieuse car je connais un petit peu, l'autrice. C’est même plutôt le contraire. J’ai hésité à le lire car je craignais la nostalgie et le lyrisme. Pourtant, dès les premières pages, le ton sincère mais pudique m’a embarquée immédiatement ainsi que l’écriture posée, précise et fluide.

🩺 Une belle analyse psychologique remplie d’amour et de retenue.

Un premier roman et une vraie réussite !💙

 

Extraits

🩺 « Au décès de ma mère en septembre 2016, j’ai songé à ses paroles des derniers mois : « Tu devrais écrire, pourquoi ne pas commencer par un récit, celui de ton père. Il a parfois été incompris, y compris de nous-même et ce serait bien que l’on sache qui il était mais, aussi ce qu’était la médecine dans les années cinquante et suivantes. Être médecin de campagne était un sacerdoce, j’y ai contribué en tant qu’épouse. Transmettre cet engagement et montrer comment il a réussi à devenir médecin malgré les nombreux obstacles. »

 « A l’époque, un médecin de campagne c’est sept jours sur sept. »

🩺  Raoul Antoine est né en 1924, la guerre l’a marqué : 

« J’en suis certain, sans la guerre, je n’aurais rien fait, j’aurais été un être sans ambitions, sans idéaux, sans conviction. (…) S’occuper des autres sera une fin en mois, et la médecine sera ma porte d’entrée. »

🩺 « La fébrilité d’un patient qui s’impatiente est proportionnelle à la tranquillité du médecin qui l’examine. » Pierre Dac

🩺 « Mes peurs et craintes sont réapparues face à la montée de l’intolérance, la liberté menacée même dans nos démocraties, la course effrénée vers on ne sait quoi, l’argent comme seule motivation alors que la misère augmente. Et pourtant, paradoxalement, cette tendance à ne plus savoir apprécier sa richesse. Celle de vivre dans un pays en paix, celle de pouvoir circuler librement, celle de la modernité avec ses inconvénients mais aussi des nombreux avantages. »

🩺 « Je vous parle d’un temps, où le médecin de famille ne comptait pas ses heures.

Je vous parle d’un temps où le médecin de famille ne pensait pas loisirs.

Je vous parle d’un temps où le médecin dédiait plus de trente minutes à ses patients.

Je vous parle d’un temps où le médecin passait des nuits sans dormir.

Je vous parle d’un temps où le médecin pratiquait les accouchements à domicile.

Je vous parle d’un temps où le médecin participait à la toilette du défunt.

Je vous parle d’un temps où le médecin réconfortait autant les âmes que les corps. »

 🩺 « Et si par hasard, il y avait un cheval ou un mulet, j’en connaissais une qui piaffait de contentement ! Dommage qu’elle ne soit pas née avant 1955, car j’ai eu un patient qui venait avec sa charrette en consultation et attachait son cheval à l’anneau qui restait encore sur la façade de la maison des années plus tard. »

🩺 « Mais le diplôme dont il était le plus fier est sans aucun doute celui de médecine légale. Il considérait qu’être médecin était une vocation, un sacerdoce. Ajouter la branche de la justice et c’était l’aboutissement d’une fin en soi. »

 🩺 Le docteur Antoine meurt à 69 ans.

« En quelques mois, je revois défiler mon parcours et ma tristesse ne fait qu’augmenter. J’ai pourtant réussi ma vie professionnelle et ma vie intime, mais trop de blessures se sont accumulées. (…) Il y a quelque chose en moi dont je n’ai jamais pu me défaire : mon extrême sensibilité. C’est un fardeau, je prends tout à cœur, je ne supporte plus la détresse, la misère, les gens qui souffrent, la mort des autres. A l’heure de partir, j’ai même un regret qui me ronge : celui d’avoir été médecin. Je n’étais pas fait psychiquement pour endurer la vision de la souffrance et l’agitation sournoise de la grande faucheuse. »

 🩺 « Avec ma naissance, mes parents vont retrouver le sourire. Mon frère Dominique aussi. La blessure ne se refermera pas mais je suis un anesthésiant à effet prolongé. Et mon père restera, non pas un héros, ce terme étant trop galvaudé, mais un exemple, un socle où on puise ses ressources, ses références à l’instar de l’histoire contemporaine pour l’antiquité. »

 🩺 « La médecine correspondait à son sens de l’humanité mais à force d’avoir une empathie gigantesque, il finissait par épouser toutes les misères et touts les chagrins. Une sensibilité à fleur de peau, le moindre reproche le marquait profondément, lui qui aurait traversé les flammes pour sauver son prochain. Ma mère était également très sensible mais elle savait penser un peu à elle et connaissait parfaitement les limites de la compréhension humaine. Pas mon père. Par cette attitude taciturne lorsqu’il peinait à masquer une contrariété, nous n’avions pas toujours la finesse de déterminer la cause. Aujourd’hui avec le recul, j’en suis profondément peinée car je mesure la douleur morale et les efforts pour montrer toujours autant d’amour à son entourage. »

 

 


 

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