mardi 25 février 2025

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Un chat noir, chanteur de blues, pour raconter la vie de Jesse Owens… Signe de malheur ou de bonne fortune ?

🏃 Plutôt de bonheur, même si l’époque est difficile quand on nait dans une famille noire, en Alabama en septembre 1913, qu’on connaitra la crise de 29 et la montée du fascisme allemand avec les jeux de Berlin où Jesse s’est brillamment illustré.

Donc, c’est notre ami, Essej, le chat noir qui parle de Jesse avec beaucoup d’amour et d’humour, et souvent, le tire des pires situations.

Un petit garçon qui marche à 5 mois, toujours en train de courir car il a peur des animaux de la ferme : le campagnol, l’oie, le bouc…

Un petit garçon qui porte les lourds souvenirs de son grand-père, esclave dans les champs de coton du sud, des agressions du KKK contre les maisons des noirs.
« Ce furent les souvenirs les plus terrifiants de l’enfance de Jesse… Des souvenirs auxquels il ne parviendrait jamais à s’échapper. »

La crise de 29 aux USA fait partir les Owens dans l’Ohio.  « Dans le sud, l’extrême pauvreté provoqua des vagues de migration vers le nord du pays… Cleveland, capitale de l’Ohio, était l’une des villes où trouver du travail, dans les usines automobiles. »

Un gamin, un adolescent, un jeune homme toujours en train de courir, même quand il doit fuir le lit de sa future femme, menacé par le papa de celle-ci.

Un policier, Larry, entraineur d’athlétisme, discerne le formidable potentiel de Jesse et l’entraîne alors régulièrement.

Il est sélectionné pour les jeux de Berlin en 1936, et fin prêt… Il battra tous ses concurrents. Quatre médailles d’or qui suscitent l’horreur du führer : le champion allemand, Luz, un aryen, vaincu par un noir…

C’est aussi le départ d’une belle amitié avec Luz, admiratif et sincère quand il lui serre la main : « Félicitations, Jesse, du plus profond de mon cœur ! Personne n’est aussi grand que toi ! »

Comme quoi le sport peut vraiment rapprocher des êtres sincères.

🏃 En arrière- plan, la politique raciale des USA n’a rien à envier aux nazis. Quelques détails significatifs : Jesse, lors de la traversée vers Berlin, devra loger dans les ponts inférieurs contrairement aux athlètes blancs. Franklin Roosevelt, a son retour victorieux, refusera de le recevoir…  

🏃 J’ai aimé aussi la personnalité de Jesse : toujours positif, humble, amical et sincère.

🏃 Le graphisme est somptueux, inoubliable. Un travail d’impressionniste qui fait de chaque page, une aquarelle.

🏃 Précision de la biographie, humour et tendresse, dessin impressionnant : un gros coup de cœur ! 

 

Extraits

🏃 « Nous chantons pour ne pas pleurer. »

 🏃 « Ce furent les souvenirs les plus terrifiants de l’enfance de Jesse… Des souvenirs auxquels il ne parviendrait jamais à s’échapper. »

 🏃 « Dans le sud, l’extrême pauvreté provoqua des vagues de migration vers le nord du pays… Cleveland, capitale de l’Ohio, était l’une des villes où trouver du travail, dans les usines automobiles. »

 🏃 L'allemand Luz mourra en 1943 en Sicile et il a écrit cette très belle phrase dans une lettre à J. Owens :

" Une fois la guerre finie, va voir mon fils et dis-lui qui était son père, je t'en prie, Jesse, raconte-lui comment deux hommes, sur cette terre, peuvent être amis "

 

 

 


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Ce magnifique roman traite avec beaucoup d’efficacité les thèmes de la guerre et de l’amitié et questionne à propos du courage :

En cas de menace physique, serais-je courageuse ou lâche ?

Est-ce que le courage et la lâcheté sont innés ?

Est-ce qu’ils dépendent de notre éducation, comme le pense le narrateur ? Peut-on changer sa nature profonde et se sublimer face au danger ? Ou au contraire, se trouver de bonnes raisons d’avoir agi comme un couard ?

📌 L’auteur illustre son propos avec l’histoire de quatre amis d’enfance qui vont se réfugier dans le Vercors, chez la tante de l’une d’entre eux, durant la seconde guerre mondiale.

Chacun est attachant, et bien typé :

- Le narrateur, Pierre, ou « Petit Pierre » comme le surnomment ses amis qui le connaissent bien : « A presque vingt ans, je découvrais le vrai visage de mon père, fanfaronner devant les faibles, les petits, les soumis et s’écraser le jour où l’on avait besoin de lui." Le personnage de Petit Pierre est particulièrement émouvant car le lecteur se projette en lui et s’interroge.

- Gontran ou « Bouboule » qui se découvre altruiste et empathique grâce à son maître d’école et ses leçons de morale adaptées aux écoliers.

- Radek, l’immigré polonais, arrivé en France avec sa famille dans les années 30. Il trouve une amitié indéfectible avec quatre camarades de classe. Une personnalité forte et empathique. Celui qu’on aimerait avoir comme ami.

- Eugénie, la seule fille du groupe. Un caractère bien marqué, qui perd son frère Auguste durant l’exode et secourt un bébé dont elle va s’occuper.

📌Le thème de l’amitié est superbement traité. Celle qui ne juge pas, qui, toujours, soutient et réconforte.

📌 Le thème de l’horreur de la guerre est particulièrement convaincant car les scènes à propos de l’exode, notamment, sont dures car très évocatrices.

« Nous étions le 16 mai 1940, nous croisions la mort pour la première fois. La guerre n’était pas un jeu, plus un mot quelconque ni une idée abstraite faite de bravoures et de défis, de colère et de vengeance. La guerre s’écrivait en rouge, couleur de sang. »

📌 Les mots sont forts, percutants, le scénario tendu, les pages se tournent toutes seules, quelquefois même au détriment de la fatigue de la journée.

Un vrai coup de cœur !

 

Extraits

📌 Gontran (« Bouboule ») : « Aider, juste pour aider et le plaisir que cela donne.

📌 Pierre :  : « A presque vingt ans, je découvrais le vrai visage de mon père, fanfaronner devant les faibles, les petits, les soumis et s’écraser le jour où l’on avait besoin de lui. Je réalisai devant sa faiblesse que j’agissais de même. »

📌 La sagesse d’Eugénie, qui a perdu son frère Auguste durant l’exode :

« Sauf si chaque jour est comme une nouvelle page du livre de ta vie et que tu parviens à trouver du bonheur entre ses lignes. Se satisfaire de peu, c’est mon secret et chaque matin je bénis la vie de me permettre d’ouvrir les yeux encore une fois. »

 « Nous étions le 16 mai 1940, nous croisions la mort pour la première fois. La guerre n’était pas un jeu, plus un mot quelconque ni une idée abstraite faite de bravoures et de défis, de colère et de vengeance. La guerre s’écrivait en rouge, couleur de sang. »

 📌 La mère de Radek, retournée en Pologne: « Mon fils, mon fils ainé, c’est le cœur meurtri que je te demande de combattre de toutes tes forces ces barbares d’Allemands. Ton père s’est montré courageux en défendant cette pauvre enfant. (…) Une fois au sol, les allemands ont continué de le frapper. (…) Que ta main soit ferme et ne tremble jamais, n’oublie pas, le loup est en toi. »

📌Radek et Petit Pierre

_ Tu parles d’un courage ! Maintenant, tout le monde sait que je suis une merde de trouillard.

_ Détrompe-toi ! Mon gars, tu as gagné des points auprès de tous les maquisards, on se raconte ton histoire dans tous les camps. Les camarades, ils te respectent. Donner sa vie pour ne pas trahir, tu connais mieux comme exemple d’héroïsme ? »

📌Eugénie :  « Tu me répugnes, ta lâcheté me répugne, ton amitié, ta tête de pleurnichard, Radek doit se retourner dans sa tombe, en a-t-il une seulement, le pauvre ? C’est bien le moindre de tes soucis ! »

 

 

 

 


dimanche 23 février 2025

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Avez-vous déjà entendu parler de la loi de Murphy ?

« La loi de l’emmerdement maximal. Ça dit que si une catastrophe peut arriver, alors elle finira forcément par arriver. Par exemple, si une tartine beurrée tombe, la loi de Murphy annonce qu’elle s’écrasera inévitablement du côté beurré. C’est ce que ma femme a voulu tester cette nuit. Sauf que la tartine n’est pas retombée. C’est drôle, non ? »

🍞C’est le sujet principal de ce roman traité comme une pièce de théâtre : « Unité de lieu, unité de temps, unité d’action : la méthode a fait ses preuves. »

Un salon bobo, « votant à gauche, vivant à droite. ».  Et « au milieu de la pièce, il y a une tartine beurrée collée au plafond. »

Une crémaillère bien arrosée, un réveil difficile, très difficile, puisque les « emmerdements » vont se cumuler pour les deux personnages, Jean-Luc Godart (avec un T comme un des Dupont dans Tintin ) et sa femme Anna.

Un plombier, des toilettes bouchées, des livreurs, des déménageurs… Pourtant, ni JL, ni Anna ne se rappellent les avoir appelés… Puis la police, le voisin de palier…

🍞 Un récit efficace et humoristique sur le thème de l’Emmerdement, presque au sens philosophique du terme :   « Il faut considérer que l’emmerdement n’est qu’un ressenti subjectif. Il faut s’appliquer non pas à nier l’existence de l’emmerdement, mais à réévaluer son importance dans notre vie. »

🍞 Sur le thème du couple, illustré par Jean-Luc et Anna : le contraste entre leurs relations volontairement agressives et la réalité de leur attachement l’un à l’autre.

🍞 Le ton de l’auteur volontairement sentencieux est jubilatoire.  Il accompagne admirablement cette série d’embrouilles incompréhensibles pour nos deux personnages centraux.

Souvent, l’auteur interpelle « son maigre lectorat », créant ainsi une véritable proximité avec son lecteur.

Caricatural, juste ce qu’il faut pour sourire et rire.

C’est drôle et souvent grinçant. Une lecture agréable, qui change de nos récits souvent bien graves et dramatiques !

Une belle récréation littéraire ! 

Merci à NetGalley  et aux éditions Buchet-Chastel. 💙

 

Extraits :

🍞« Les emmerdements sont la force noire qui régit l’univers, et le petit récit qui va suivre se propose d’en être la plaisante illustration »

🍞« Unité de lieu, unité de temps, unité d’action : la méthode a fait ses preuves. »

🍞 « votant à gauche, vivant à droite. »

🍞« Jean-Luc Godart, psychologue clinicien. Son visage au sourire détartré de frais… »

🍞 « Il faut considérer que l’emmerdement n’est qu’un ressenti subjectif. Il faut s’appliquer non pas à nier l’existence de l’emmerdement, mais à réévaluer son importance dans notre vie. »

 🍞 « _ Tu te serais vue, ma pauvre. Orgasme floral.

_ Pitoyable

_ Pas autant que ta réaction »

 🍞 « On l’appelle la loi de Murphy (La loi de Murphy est parfois exprimée par l'adage « Tout ce qui est susceptible de mal tourner, tournera mal, et au pire moment) ou encore la loi de l’emmerdement maximal. Ça dit que si une catastrophe peut arriver, alors elle finira forcément par arriver. Par exemple, si une tartine beurrée tombe, la loi de Murphy annonce qu’elle s’écrasera inévitablement du côté beurré. C’est ce que ma femme a voulu tester cette nuit. Sauf que la tartine n’est pas retombée. C’est drôle, non ? »

 🍞 « C’est quoi, ça ? grimace Anna

_ un hamster, fait JL, le regard perdu. Il m’a mordu, il est méchant, je l’ai appelé Josette.

_ Comme ma mère ? »

🍞 « Pour les lecteurs et les lectrices qui ne posséderaient pas la référence, et que ne juge pas, car je ne peux pas me permettre de vexer qui que ce soit dans mon maigre lectorat… »

🍞 « Comme disait l’autre, le couple, c’est résoudre à deux, les problèmes qu’on n’aurait jamais eu tout seul. »

 

 

 

 


samedi 22 février 2025

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Sacré challenge ! J’avoue que j’étais dubitative quant à l’intérêt d’un nouveau roman sur le Rwanda, par le même auteur…

Et pourtant Gaël Faye m’a embarquée dès les premières pages, par ses mots sobres et saisissants de vérité. Poétiques aussi avec la présence rassurante du jacaranda : « Stella a grandi auprès de son arbre mystique, son ami et confident, une présence rassurante dans une époque tourmentée, une balise fixe dans les remous du temps qui passe. »

🌱 Il crée tout de suite, une forte relation de proximité avec son lecteur, grâce au personnage de Milan. Comme nous, il a besoin de comprendre.

Milan est le narrateur, un jeune versaillais, dont le père est français et la mère rwandaise. Sa mère est mutique quant à son passé : « Le passé de ma mère est une porte close. ». Il a besoin de savoir et retourne à plusieurs reprises au Rwanda. « J’étais perturbé, écrasé par la densité de l’histoire, la petite et la grande, celle de Claude et celle du Rwanda. Leurs douleurs me semblaient incurables. Dans quel marécage intérieur les gens de ce pays pouvaient-ils bien vivre ? »

🌱 Un récit passionnant pour la compréhension historique, car il reprend sur quatre générations (avec l’histoire de Rosalie) le passé du Rwanda, les conséquences du colonialisme jusqu’au génocide, jusqu’à aujourd’hui. Sans oublier les responsabilités de l’Occident.

J’avoue aussi que j’ai compris combien, malgré la violence de la guerre civile, il était nécessaire, possible mais tellement douloureux de rapprocher les deux populations.

🌱 Un récit passionnant et bouleversant pour l’analyse des répercussions sur la population rwandaise :

- Tout d’abord, les dommages psychiques et physiques du passé, l’impossibilité de résilience car le silence emprisonne la douleur, le ressentiment. « Et puis, en 1994, en plus de nous massacrer, les tueurs ont détruit nos photos. Il fallait nous effacer à jamais, faire disparaître jusqu’au dernier souvenir de nos existences. (…) Tout a disparu, et parfois je crains d’oublier même leurs visages. »

- Puis, le besoin vital de comprendre pour les jeunes générations.

🌱 Dans ce magnifique roman, Gaël Faye parle à notre cerveau mais aussi à nos tripes. Comprendre par le cœur, un passé, un génocide, ses conséquences sur la population.

🌱 Une profonde et belle réflexion sur « l’après » : « L’indicible ce n’est pas la violence du génocide, c’est la force des survivants à poursuivre leur existence malgré tout »

Jacaranda prolonge et approfondit « Petit pays » dans une langue simple, précise et émouvante.

Chapeau l’artiste !

Merci à Imane Doineau ( Les belles lettres) et aux éditions Grasset  pour cette belle lecture

 

Extraits :

🌱 Stella, une jeune rwandaise est internée : « Stella se claquemure. Le cœur est un secret. Comment confier à cet homme que c’est à cause de l’arbre. Son ami, son enfance, son univers. Son jacaranda. »

🌱 « Le passé de ma mère est une porte close. »

🌱 « Tu viens ici en touriste et tu repartiras en pensant avoir passé de bonnes vacances. Mais on ne vient pas en vacances sur une terre de souffrances. Ce pays est empoisonné. On vit avec des tueurs autour de nous et ça nous rend fous. Tu comprends ? Fous ! »

 🌱 Eusébie : « Et puis, en 1994, en plus de nous massacrer, les tueurs ont détruit nos photos. Il fallait nous effacer à jamais, faire disparaître jusqu’au dernier souvenir de nos existences. (…) Tout a disparu, et parfois je crains d’oublier même leurs visages. »

🌱 Claude  : « Le 7 avril 1994, nous avons appris par la radio que l’avion du président Juvénal Habyarimana avait été abattu. La radio a aussitôt accusé les Tutsi et encouragé la population à se venger. J’ignorais que nous étions Tutsi. On n’en avait jamais parlé à la maison, mais je pouvais déceler la peur dans les yeux des adultes. »

🌱 Milan :  « J’étais perturbé, écrasé par la densité de l’histoire, la petite et la grande, celle de Claude et celle du Rwanda. Leurs douleurs me semblaient incurables. Dans quel marécage intérieur les gens de ce pays pouvaient-ils bien vivre ? »

🌱 Eusébie :  « Tu sais, l’indicible ce n’est pas la violence du génocide, c’est la force des survivants à poursuivre leur existence malgré tout »

🌱 Milan :  « Je repensais à ces villageois qui avaient commis des crimes ou y avaient assisté et qui étaient venus aujourd’hui observer l’ouverture de la fosse avec une curiosité morbide. Ce pays me troublait, m’effrayait, me répugnait. Partout, il y avait ces visages banals, ces gens normaux, ces hommes et ces femmes ordinaires capables d’atrocités inimaginables et qui étaient parmi nous, autour de nous, avec nous, vivant comme si rien de tout cela n’avait jamais existé. »

🌱 « Cinq années sans que je retourne au Rwanda, car ce soir-là, j’avais pris peur. Là-bas, j’étais plongé dans un monde de douleur inouïe et de violence extrême qui me donnaient le vertige. J’avais grandi dans un pays en paix, protégé de toute part, ignorant la brutalité du monde, excepté celle qui arrivait par la télévision. »

🌱 Claude :  « Ils m’ont reconnu. Ils voient bien la cicatrice sur mon crâne. C’est pour ça que je me rase la tête. Pour rappeler qui je suis. »

🌱 Milan :  « Si placides le jour, les gens devenaient déraisonnables la nuit venue, buvaient jusqu’à la folie, jusqu’à l’indécence, pour s’oublier, pour se fuir. (…) la conscience des bourreaux, la conscience des victimes. La conscience d’un peuple, inguérissable. »

🌱 Eusébie raconte ( enfin) son histoire :  « Pendant onze ans, j’ai eu la chance de vivre aux côtés de Rosalie qui m’a transmis l’histoire de ma famille et de mon pays. (…) Avant de s’éteindre paisiblement sur la terre de ses ancêtres, elle m’aura enseigné que l’on ne peut pas comprendre qui on est si l’on ne sait pas d’où l’on vient. Elle est la racine de mon arbre de vie. »

🌱 Le Chat – le chef des tueurs en face à face avec Claude  : « Le cycle de la violence est sans fin, petite frère. »

🌱 Milan : « Stella a grandi auprès de son arbre mystique, son ami et confident, une présence rassurante dans une époque tourmentée, une balise fixe dans les remous du temps qui passe. »