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Sacré challenge ! J’avoue que j’étais dubitative quant à l’intérêt d’un nouveau roman sur le Rwanda, par le même auteur…
Et pourtant Gaël Faye m’a embarquée dès les premières pages, par ses mots sobres et saisissants de vérité. Poétiques aussi avec la présence rassurante du jacaranda : « Stella a grandi auprès de son arbre mystique, son ami et confident, une présence rassurante dans une époque tourmentée, une balise fixe dans les remous du temps qui passe. »
🌱 Il crée tout de suite, une forte relation de proximité avec son lecteur, grâce au personnage de Milan. Comme nous, il a besoin de comprendre.
Milan est le narrateur, un jeune versaillais, dont le père est français et la mère rwandaise. Sa mère est mutique quant à son passé : « Le passé de ma mère est une porte close. ». Il a besoin de savoir et retourne à plusieurs reprises au Rwanda. « J’étais perturbé, écrasé par la densité de l’histoire, la petite et la grande, celle de Claude et celle du Rwanda. Leurs douleurs me semblaient incurables. Dans quel marécage intérieur les gens de ce pays pouvaient-ils bien vivre ? »
🌱 Un récit passionnant pour la compréhension historique, car il reprend sur quatre générations (avec l’histoire de Rosalie) le passé du Rwanda, les conséquences du colonialisme jusqu’au génocide, jusqu’à aujourd’hui. Sans oublier les responsabilités de l’Occident.
J’avoue aussi que j’ai compris combien, malgré la violence de la guerre civile, il était nécessaire, possible mais tellement douloureux de rapprocher les deux populations.
🌱 Un récit passionnant et
bouleversant pour l’analyse des répercussions sur la population rwandaise :
- Tout d’abord, les dommages psychiques et physiques du passé, l’impossibilité de résilience car le silence emprisonne la douleur, le ressentiment. « Et puis, en 1994, en plus de nous massacrer, les tueurs ont détruit nos photos. Il fallait nous effacer à jamais, faire disparaître jusqu’au dernier souvenir de nos existences. (…) Tout a disparu, et parfois je crains d’oublier même leurs visages. »
- Puis, le besoin vital de comprendre pour les jeunes générations.
🌱 Dans ce magnifique roman, Gaël Faye parle à notre cerveau mais aussi à nos tripes. Comprendre par le cœur, un passé, un génocide, ses conséquences sur la population.
🌱 Une profonde et belle réflexion sur « l’après » : « L’indicible ce n’est pas la violence du génocide, c’est la force des survivants à poursuivre leur existence malgré tout »
Jacaranda prolonge et approfondit « Petit pays » dans une langue simple, précise et émouvante.
Chapeau l’artiste !
Merci à Imane Doineau ( Les belles lettres) et aux éditions Grasset pour cette belle lecture
Extraits :
🌱 Stella, une jeune rwandaise est internée : « Stella se claquemure. Le cœur est un secret. Comment confier à cet homme que c’est à cause de l’arbre. Son ami, son enfance, son univers. Son jacaranda. »
🌱 « Le passé de ma mère est une porte close. »
🌱 « Tu viens ici en touriste et tu repartiras en pensant avoir passé de bonnes vacances. Mais on ne vient pas en vacances sur une terre de souffrances. Ce pays est empoisonné. On vit avec des tueurs autour de nous et ça nous rend fous. Tu comprends ? Fous ! »
🌱 Eusébie : « Et puis, en 1994, en plus de nous massacrer, les tueurs ont détruit nos photos. Il fallait nous effacer à jamais, faire disparaître jusqu’au dernier souvenir de nos existences. (…) Tout a disparu, et parfois je crains d’oublier même leurs visages. »
🌱 Claude : « Le 7 avril 1994, nous avons appris par la radio que l’avion du président Juvénal Habyarimana avait été abattu. La radio a aussitôt accusé les Tutsi et encouragé la population à se venger. J’ignorais que nous étions Tutsi. On n’en avait jamais parlé à la maison, mais je pouvais déceler la peur dans les yeux des adultes. »
🌱 Milan : « J’étais perturbé, écrasé par la densité de l’histoire, la petite et la grande, celle de Claude et celle du Rwanda. Leurs douleurs me semblaient incurables. Dans quel marécage intérieur les gens de ce pays pouvaient-ils bien vivre ? »
🌱 Eusébie : « Tu sais, l’indicible ce n’est pas la violence du génocide, c’est la force des survivants à poursuivre leur existence malgré tout »
🌱 Milan : « Je repensais à ces villageois qui avaient commis des crimes ou y avaient assisté et qui étaient venus aujourd’hui observer l’ouverture de la fosse avec une curiosité morbide. Ce pays me troublait, m’effrayait, me répugnait. Partout, il y avait ces visages banals, ces gens normaux, ces hommes et ces femmes ordinaires capables d’atrocités inimaginables et qui étaient parmi nous, autour de nous, avec nous, vivant comme si rien de tout cela n’avait jamais existé. »
🌱 « Cinq années sans que je retourne au Rwanda, car ce soir-là, j’avais pris peur. Là-bas, j’étais plongé dans un monde de douleur inouïe et de violence extrême qui me donnaient le vertige. J’avais grandi dans un pays en paix, protégé de toute part, ignorant la brutalité du monde, excepté celle qui arrivait par la télévision. »
🌱 Claude : « Ils m’ont reconnu. Ils voient bien la cicatrice sur mon crâne. C’est pour ça que je me rase la tête. Pour rappeler qui je suis. »
🌱 Milan : « Si placides le jour, les gens devenaient déraisonnables la nuit venue, buvaient jusqu’à la folie, jusqu’à l’indécence, pour s’oublier, pour se fuir. (…) la conscience des bourreaux, la conscience des victimes. La conscience d’un peuple, inguérissable. »
🌱 Eusébie raconte ( enfin) son histoire : « Pendant onze ans, j’ai eu la chance de vivre aux côtés de Rosalie qui m’a transmis l’histoire de ma famille et de mon pays. (…) Avant de s’éteindre paisiblement sur la terre de ses ancêtres, elle m’aura enseigné que l’on ne peut pas comprendre qui on est si l’on ne sait pas d’où l’on vient. Elle est la racine de mon arbre de vie. »
🌱 Le Chat – le chef des tueurs en face à face avec Claude : « Le cycle de la violence est sans fin, petite frère. »
🌱 Milan : « Stella a grandi auprès de son arbre mystique, son ami et confident, une présence rassurante dans une époque tourmentée, une balise fixe dans les remous du temps qui passe. »
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