vendredi 3 mai 2024

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Décidemment, la rentrée littéraire 2024 est favorable au thème de la violence conjugale. En même temps que le beau roman de Marie Vareille (« La dernière allumette »), Tiffany Tavernier choisit le même sujet et le traite également de façon passionnante.

L’histoire : Alice est sous l’emprise de son mari. Quelle que soit la façon dont il la traite, elle lui trouve des excuses, et même des raisons, et demeure persuadée que leur amour, pardon, leur Amour, est plus fort que les craintes, les avis de ses proches et même de sa médecin. Une Foi invincible en leur amour réciproque.  Un déni amoureux parfaitement bien analysé, comme le montrent les monologues d’Alice, quelquefois lucides, plus souvent erratiques  : « Nous nous aimons si fort, pourquoi cet acharnement à démolir notre union, n’y a-t-il pas assez de désespoir dans le monde ? »

La situation va évoluer quand son fainéant et alcoolo de mari ordonne à Alice de chercher un travail. Il s’est fait licencier par son entreprise.

Par hasard, (est-ce vraiment le hasard ?),  elle trouve enfin un poste  au diocèse de Paris. Elle doit préparer les dossiers favorables à la canonisation  des saints, « des serviteurs de Dieu » ou  « des bienheureux ». Sauf qu’elle ne comprend rien à ce qui lui est demandé….

Sa névrose s’amplifie en même temps que la pression de son mari qui comprend qu’en allant à l’extérieur, elle lui échappe. Malgré les sollicitations bienveillantes de ses collègues, elle dégringole… Pas facile non plus, d’aider quelqu’un qui se noie et qui persiste dans son geste.

Jusqu’au moment, où des éléments extérieurs vont la solliciter :« Partout dans le monde, des centaines d’enfants se sont brusquement endormis à 16 heures, heure française, dans des rues, dans des écoles, dans des hôpitaux. »

Retours sur la petite enfance d’Alice au Guatemala. Une enfance sauvage et épanouie. Mais ses parents la jugent trop proche d’une nounou chamane et choisissent de repartir en France. Elle se referme  alors sur elle-même et sa timidité extrême fait fuit les autres. « Sauvage… A son retour du Guatemala, la maîtresse de son école primaire lui avait collé cette étiquette et, très vite, tous les élèves de son école. » Une enfant solitaire, timide, déracinée.

Ce que j’ai aimé dans ce roman, c’est les deux expertises de la vision conjugale. Celle de la victime au fond du trou, et celle du recul de l’extérieur.

J’ai aimé aussi le contraste entre les deux milieux : celui de l’obscurité où l’une se laisse enfoncer la tête, et celui de la lumière avec les collègues d’Alice, rayonnants  de bonté et d’attentions.

Cela aurait pu être caricatural, ce n’est pas le cas. Et j’ai adoré la fin où Alice, après avoir jugulé sa peur, trouve enfin sa voix.

Un beau roman bien maîtrisé, juste et sensible.

Lu dans le cadre du Prix Orange 2024. Je remercie Lecteurs.com et les éditions Wespieser de m’avoir permis cette belle découverte.

En présentation photo : l’image de ND de Paris après l’incendie.

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