samedi 6 janvier 2024

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La couverture suggère immédiatement le récit et suscite la curiosité.

Une femme shérif, sur la défensive, mais déterminée et  prête à tirer.

Car il s’agit bien d’un western dur en huit clos, dans une nature hostile.   

XIXème siècle - Promesa –  une bicoque perdue au milieu de nulle part, dans l’hiver, à la frontière du Canada.

La rencontre violente de deux anti-héros, Zacharie et Perla. Ils ont échoué à Promesa, ils fuient leur passé, leur futur en attendant l’arrivée des Marshalls, qui les ramèneront vivants pour les pendre, ou morts pour la fosse commune.

On comprend tout de suite au fond des images qu’il n’y aura pas de rédemption. Que des morts resteront à Promesa

Un scénario mené de main de maître. Pas de temps morts, pas de relâchement.

Il ne s’agit pas de héros. Tous les deux ont des failles. Pour preuve, ces cauchemars qui reviennent les hanter. Une grande part est faite à ceux de Zacharie. Cela fait penser à « il était une fois dans l’Ouest ». Sauf que dans le film, le héros se nourrit de ses cauchemars pour se venger. Zacharie, lui n’aspire qu’à la paix.

Le personnage fort, c’est Perla. Elle a subi les mêmes traumatismes que Zacharie mais elle est plus forte...

Perla incarne la révolte de la femme face à des conditions d’obéissance et de soumission, le choix assumé et douloureux d’une vie choisie.

Elle explique à Zacharie : « Ce qu’on apprend aux petites filles, c’est qu’une fois devenues femmes, elles n’auront pas le choix… »

Le passé revient les hanter, cette souffrance les rapproche. En miroir l’un de l’autre, ils comprennent mieux que certaines situations deviennent  insupportables. Car c’est aussi une belle histoire d’amour, sincère et salvatrice.

 

 Dans ce récit sans manichéisme, chacun est en zone grise, ou plutôt bleue-gris, comme les couleurs de la BD. Y compris les Marshalls. Pierce fait froid dans le dos, toujours à invoquer Dieu pour justifier sa violence, face à Perla  : « j’entends que tu armes ton fusil, Diablesse, mais le nom de l’Éternel est une tour forte. Le juste s’y réfugie et s’y trouve en sécurité.

C’est pourquoi, les méchants ne résistent pas au jour du jugement car l’Éternel dicte la voie des justes…Et la voie des pêcheurs mène à la ruine. »

 

Ce magnifique roman graphique est construit tel un film. Avec des gros plans comme celui de la page 38, où Perla attaque Zacharie. Comme dans un film, le lecteur sursaute en face d’une action violente et brutale.

Les tons sont souvent en bichromie – noir et bleu – noir et rouge – grands traits noirs. Les flashbacks, les cauchemars de Zacharie, les souvenirs de la violence de son père,  se reconnaissent immédiatement aux palettes de rose, rouge-violet saturés.

Tout dans le graphisme tend l’atmosphère et rend  le récit addictif.

La couleur bleue y tient une grande place. Le bleu  de la glace, du froid, de la souffrance du froid qui s’ajoute à tout le reste, devient oppressant. Surtout quand l’action est à peine visible, comme dans une grande tourmente de neige, avec des traits bleus flous.

 

J’ai adoré ce graphisme, ces gros plans, ces couleurs très travaillées. Il y a du Blueberry dans les dessins et Anthony Pastor indique d’ailleurs que les Blueberry ont bercé sa jeunesse

Certaines planches évoquent  aussi certains peintres  impressionnistes : traits par petites touches, notamment les scènes dans la forêt.  D’autres me font penser à Goya, comme les gros plans sur les expressions de terreur.

Mention spéciale pour les chevaux, excessivement bien dessinés, tant dans les expressions que les postures.

Un réalisateur et un peintre !

 

Un récit tendu, un graphisme somptueux. J’ai adoré !

 

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