vendredi 29 décembre 2023

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Un roman intimiste aussi doux que fort et percutant.

1977 – Au bord du lac Pekuakami,  ( le lac St Jean au nord est du Québec ). Une vielle dame se souvient et raconte. Un retour très lucide sur sa vie parmi la population innue.

 « Venir me réfugier au lac, comme ce matin, m’apaise, car il me rappelle qui nous avons été et qui nous sommes toujours. Pekuakami : ta surface lisse se mêle à l’horizon, le soleil s’y mire comme dans une glace, et ce miroir me renvoie à tous mes souvenirs. »

Une histoire vraie puisqu’il s’agit de l’arrière grand-mère (Kukum en langue innue), de l’auteur. 

Almanda, jeune orpheline, née en 1882, est élevée par les « blancs ». Amoureuse à 15 ans de Thomas, jeune innu, elle adopte alors leur culture et leur vie nomade. « J’arrivais d’un monde où l’on estimait que l’humain créé à l’image de Dieu trônait au sommet de la pyramide de vie. La nature offerte en cadeau devrait être domptée. Et voilà, que je me retrouvais dans un nouvel ordre des choses, où tous les êtres vivants étaient égaux et où l’homme n’était supérieur à aucun autre. »

 

La première partie de ce beau roman est consacrée au rythme de cette vie de liberté. Chasseurs en hiver et nomades, vente des peaux en été aux blancs. Chacun y trouve son compte.

La vie est rude, mais en parfaite harmonie avec la nature et les autres populations. Paradoxalement dans cette nature hostile, c’est un monde de douceur et de poésie. Et surtout de liberté.

 

La seconde partie, à partir du chapitre « La nausée », relate l’exclusion progressive  du peuple innu de son territoire. Car les colons blancs les ont dépossédés de leur territoire, donc de leurs moyens de subsistance, de leur langue, de leur culture. 

«Ils  ne se contentent pas de couper les arbres, «(…), c’est toute la vie qu’ils détruisent, les oiseaux, les animaux, ils abattent l’esprit même de la forêt. Comment des hommes peuvent-ils se montrer aussi cruels ? »

Sans leurs moyens de subsistance habituels, « les innus sont passés de l’autonomie à la dépendance »

Une vie qui paraît confortable matériellement, mais qui est surtout violente et oppressante. A l’opposé de leur vie  nomade, difficile mais paisible.

 

La fracture entre les générations est particulièrement bien analysée et elle se rapporte aussi à toutes les populations migrantes ou exclues.

« Mes enfants sont nés dans le bois. Mes petits-enfants ont grandi sur une réserve. Les premiers ont reçu leur éducation en territoire, les seconds en pensionnat. Les pères blancs leur interdisaient de parler l’innu-aimun et punissaient même ceux qui le faisaient. Et en revenant, les enfants s’exprimaient en français. Un autre pont a été coupé entre les générations. Ils ont pensé qu’en les dépossédant de leur langue, ils en feraient des Blancs. Mais un Innu qui parle français reste un Innu. Avec une blessure de plus. »

 

J’ai beaucoup aimé le portrait d’Almanda, une femme au caractère volontaire, bienveillante et lucide.

Ainsi que l’expression de la nature, un personnage à part entière. Bienveillante et hostile, capricieuse et généreuse. La forêt, le climat et surtout l’élément de l’eau, avec le lac Pekuakami et son affluent, la rivière Péribonka  sont particulièrement bien décrits, tellement vivants que le lecteur partage le paysage et le voit vivre sous ses yeux.

A l’opposé de nombreux récits sur les amérindiens, mièvres, voire niais et angéliques, celui-ci dégage une grande sobriété, ce qui fait sans doute toute sa force et sa densité.

 

L'arrière plan du livre est le lac Pekuakami. Le troisième plus grand lac du Québec.

Date de parution : septembre 2019

 

 

 

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