mardi 10 octobre 2023

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Quelle belle écriture ! Simple, précise, juste. Elle accompagne parfaitement l’histoire de René Blum, le frère de Léon.

Le frère oublié, quasiment inconnu, auquel l’auteur rend un juste hommage.

« J’ai voulu rendre hommage à la mémoire de René Blum, mais aussi à tous ceux qui ont disparu avec lui. Ce récit leur est dédié. »

12 décembre 1941 : la rafle de l’élite intellectuelle des hommes juifs de nationalité française. René Blum a 63 ans, il  en fait partie.

« René ne demanda pas non plus la raison de son arrestation, il en connaissait le motif. Il était juif. Coupable d’être juif. (…) Il entra français et juif et en ressortit juif et français. Cette simple mention lui attribuait désormais un statut et une race et lui ôtait ses droits et ses libertés. Il avait cette impression singulière de devenir étranger dans son propre pays. Un pays qu’il ne parvenait plus à reconnaître. »

Deux temporalités pour ce récit :

- Le destin tragique de René Blum à compter de décembre 1941.

- Sa personnalité et sa vie à partir de 1893.

La partie la plus émouvante se situe dans les différents camps d’internement français où René Blum a été « baladé » durant 9 mois, avant d’être déporté à Auschwitz.

A deux reprises, on lui fait même croire qu’il va être libéré.

Il raconte la tentative de survivre, de rester des hommes. L’organisation des soirées où pendant quelques heures, les détenus oublient leur statut. Je pense notamment  aux soirées à thèmes, comme celle de la présentation du fonctionnement de l’aiguillage des trains : « Ce soir là, peut-être pour la première fois depuis leur arrestation, on vit quelques hommes sourire. Entre ces quatre murs, aussi sinistres soient-ils, on apprenait, on interrogeait, on plaisantait, on s’évadait. »

Il évoque ses souvenirs, ses regrets : « les échecs, la déception, la peur avaient été présents. Il aurait souhaité allé chercher au plus profond de lui ce qu’il avait à dire mais il n’en avait rien fait. Lui dont le métier est d’exprimer et de retransmettre, quel paradoxe…

Il y évoque la peur : « René restait dans l’obscurité. (…) Il savait que s’il ouvrait les yeux des hommes lui feraient face. Des hommes comme lui. Comme dans un miroir, il y verrait la peur sur leurs visages, la douleur dans leurs yeux, la colère sur leurs bouches. Il y verrait des humiliés, effrayés par l’idée de la mort. »

Le désespoir aussi, surtout à partir du moment où les enfants sont déportés : « Mais où était l’humanité ?  L’humanité n’existait plus à Drancy. Elle avait laissé place à l’immonde. »

L’autre partie du récit est consacré à « sa vie d’avant ». A partir de 1893, où il est critique pour le journal Gil Blas ( un quotidien français à forte tonalité littéraire). On comprend vite qu’il a envie de s’engager plus loin, toujours plus loin au service de l’art. Il devient alors directeur du théâtre de Monte-Carlo. Il finira par la reprise de la Compagnie des Ballets russes de Diaghilev.

Sacré challenge que de reprendre après Diaghilev ! Il y laissera d’ailleurs des plumes, au niveau financier et personnel.  Quelqu’un qui s’engage jusqu’à se mettre en danger, pour ce en quoi il croie. Ce qui a porté sa vie d’un bout à l’autre.

Il aime le Beau. Qu’il s’agisse des livres, de l’art, de la danse.

« René dédia sa vie à promouvoir la représentation artistique. L’art permettait de traduire la conscience, de retranscrire des époques, de révéler, des peurs et contribuait à réduire l’ignorance. René s’était battu jusqu’à sa ruine pour donner aux artistes  les moyens d’exprimer leur art. Une vie passée auprès d’eux. Pour eux. »

Un très beau portrait tout en retenue pour évoquer les émotions, les peurs de René Blum. Je pense d’ailleurs que l’auteur a parfaitement saisi sa personnalité, et l’a bien restituée. Un homme qui ne s’épanche pas, qui garde pour lui ses émotions, les refoule même, si elles gênent son projet.

Merci Aurélien Cressely d’avoir rendu hommage à ce passionné, cet homme de valeurs. Quelqu’un de bien.

Et félicitations, pour un premier roman ! Récit maitrisé, bien documenté et plume magnifique !

Merci à lecteurs.com et aux Editions Gallimard de m’avoir permis de découvrir cette biographie et cet auteur.

 

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