samedi 11 mars 2023

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Comment réagir lorsque l’on se rend compte que son grand-père est mêlé aux exactions des nazis durant la dernière guerre mondiale ?

 

C’est ce qui arrive à Paul Breitner, écrivain allemand à succès, en constatant que son aïeul a subitement quitté sa maison après avoir reçu une lettre en provenance des États Unis. Alors que lui-même éprouve une certaine difficulté pour présenter son dernier manuscrit à son éditrice, il saisit l’opportunité de ce fil d’Ariane pour d’une part, comprendre pourquoi son « Opa » à disparu et d’autre part, fouiller le passé de son grand-père, ce dernier étant toujours resté très silencieux sur ce sujet. Il choisit donc de raconter la jeunesse et la vie de son papy, Viktor, non pas durant la guerre mais dans cette après-guerre qui a vu tant de bouleversements en Allemagne mais aussi dans toute l’Europe.

 

C’est ainsi que va apparaître Hors Schumann, médecin et commandant SS, désigné comme criminel de guerre en 1946, mais jamais condamné. Il a participé activement à l’extermination d’un grand nombre de handicapés, le programme Aktion T4, au nom d’une pseudo-théorie darwiniste, et par la suite, s’est illustré dans les camps de concentration en procédant à des expériences de stérilisation sur les hommes et les femmes internés.

 

C’est un roman. Même si Horst Schumann a bien existé et si la majorité des faits et gestes de ce SS sont vrais, Frédéric Couderc précise dans son avant-propos que « les choses ont pu se dérouler ainsi, ou (un peu) autrement. »

 

C’est un roman mais aussi trois livres différents et un fil rouge.

Il y a le travail de l’écrivain, sa recherche de la vérité historique, ses doutes sur la sincérité de ses écrits. On suit à ses côtés, sa progression et son travail de recherche dans les différentes archives accessibles aux historiens.

 

Avec beaucoup d’humour, Frédéric Couderc nous entraîne dans les méandres de la création. Sans oublier d’être critique sur le travail d’écriture et l’image de l’écrivain - page 86 : « j’ai très vite identifié le premier des mérites que l’on accorde aux gens de plume : délimiter une seigneurie tournée sur son nombril. (…) Autrement dit, je suis très fort pour me comporter comme un bel égoïste. ». Mais un romancier n’est pas un historien et Paul se rendra compte que son imagination a supplanté la vérité historique.

 

Il y a l’après-guerre en Allemagne. La presque impossibilité de punir tous les responsables nazis, pour des raisons économiques, pour permettre une reconstruction plus rapide du pays, pour gommer de la mémoire collective, le plus vite possible, cette période génocidaire.

Il y a l’existence de Viktor, chamboulée après les horreurs de la guerre, et qui la passera à vouloir assouvir une vengeance qui l’empêchera de vivre pleinement sa vie.

Il y a enfin, une histoire d’amour, bien sûr contrariée…

 

Frédéric Couderc a fait un énorme travail de recherche historique pour écrire son roman. Nous apprenons toujours quelque chose au fil des pages. Les ventes aux enchères des objets spoliés en Allemagne et dans toute l’Europe occupée, la dureté de la vie dans une ville comme Hambourg, rayée de la carte à la fin de la guerre, la manière dont certains nazis sont passés entre les mailles du filet, pour se réfugier en Amérique Latine ou en Afrique.

Mais le plus étonnant, c’est cette « omerta » mise en place officiellement après le procès de Nuremberg, comme si, une fois le procès terminé, il fallait passer à autre chose. Mais, n’accablons pas l’Allemagne, et souvenons-nous qu’en France, toutes les autorités judiciaires et policières ont continué de fonctionner  avec les mêmes personnes, avant, pendant et après le régime de Vichy.

 

C’est un excellent roman historique, qui mériterait d’être plus mis en valeur. Il a le mérite de parler de cette période grise de l’après-guerre, et rappelle les ouvrages de Philip Kerr sur la même époque.

Grâce à une écriture fluide et intelligente et malgré ses cinq cent pages, le lecteur ne lâche pas l’histoire. Il navigue entre l’Allemagne et le Ghana, entre les années quarante, les années soixante et la période contemporaine avec facilité.

 

Loin d’être hors d’atteinte, ce livre vous emmène au cœur de sa cible !

 

Chronique établie par Gérard G

Lu dans le cadre du prix Orange 2023.

Je remercie la Fondation Orange et les éditions Les Escales  de nous avoir permis de découvrir ce pan de l’histoire aussi passionnant.

 

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