jeudi 30 décembre 2021

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Chargé du reportage de Klaus Barbie par Libération en 1987, Sorj Chalandon  raconte chronologiquement les étapes de ce procès historique.

A l’intérieur de ce récit précis et journalistique, mais non dépourvu d’émotion, l’auteur va juxtaposer deux histoires en jouant sur la temporalité. Celle de Klaus Barbie, la grande histoire, et celle, personnelle et intime de Sorj Chalandon, à propos de son père. Son père, qui était « du mauvais côté », comme lui a confié un jour son grand-père.  De l’enfant de héros qu’il était, selon les dires de son père, il passe à un « enfant de salaud ». D’où sa recherche de la vérité. Et entendre enfin la vérité par la voix de son père.

Klaus Barbie et le père de l’auteur, chacun à leur niveau, ont de nombreux points de ressemblance : le déni, l’orgueil, l’arrogance, le mensonge, le mépris des victimes, la fuite.

La recherche de sens, de vérité est présente d’un bout à l’autre. Tant pour les magistrats, le public et bien sûr les victimes.

L’auteur retranscrit magnifiquement l’ambiance et la tonalité du procès : beaucoup d’émotion devant les témoignages des victimes, ou plutôt de ceux qui les ont connus. L’émotion est encore plus forte quand les enfants d’Izieu sont évoqués, notamment par Serge Klarsfeld : « Serge Klarsfeld n’avait pas plaidé. Il n’avait pas jeté ses manches vers les moulures du plafond, n’avait usé d’aucun effet de voix. Il avait parlé avec tristesse. Ce n’était plus un avocat. Lui, le gamin qui avait échappé à une rafle, masqué par le mince rempart d’une armoire à double fond. Lui, l’historien, le militant, le chasseur de nazis hanté par les enfants juifs d’Izieu, n’avait fait que prononcer leurs noms. 44 noms sanctifiés l’un après l’autre, récités dans un silence de mort. De mort, vraiment. Le calme noir du tombeau. Et aussi, plus douloureux encore, il avait lu quelques unes des lettres qu’ils avaient écrites à leurs parents, avant le 6 juillet 1944. levé, droit face au box vide de l’assassin, il avait fait entrer ces enfants dans la grande salle. En file, les uns avec les autres, les petits donnant la main aux plus grands. (…) Serge Klarsfeld avait obligé chacun à baisser les yeux. Il a tassé Jacques Vergès derrière son pupitre. Il a transformé ton visage orgueilleux (celui de son père qui assiste au procès) en figure inquiète et pitoyable. »

On comprend vite aussi que le père de Chalandon est un coupable de petite envergure. Cinq fois déserteur de cinq armées différentes. Un opportuniste stupide qui prend à chaque fois le mauvais train et essaie de s’en sortir par des mensonges et de la bravache. Mythomane et violent quand on pousse devant lui, ses mensonges :  « Alors que des milliers d’autres avaient comparu les yeux baissés devant les juges d’une France libre, mon père leur avait tenu tête en racontant des histoires pour enfants. (… ) il n’avait pas payé et je lui en voulais. Payer, ce n’était pas connaitre la prison, mais devoir se regarder en face. Et me dire la vérité. Il a comparu devant des juges, pas devant son fils. Face à eux, il a hurlé à l’injustice. Face à moi, il a maquillé la vérité. Comme s’il n’avait rien compris, rien regretté jamais. »

Malgré les mensonges répétés de son père, l’amour de Sorj Chalandon pour lui, est immense. Sa souffrance aussi. Il ne souhaite qu’une seule chose : la vérité.

Qu’il s’agisse de la grande histoire ou de l’histoire personnelle, la conclusion est identique. Pour se construire, ou se reconstruire, il est essentiel d’entendre la vérité énoncée par le coupable. Sinon, il manquera toujours quelque chose aux victimes qui attendent cette reconnaissance.



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