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Comme un exercice de style, l’autrice décline la relation amoureuse à travers six nouvelles. Chacune propose un trait bien particulier et le pousse jusqu’au paroxysme.
Néanmoins, il existe trois marqueurs communs parfaitement analysés : l’absence totale d’empathie, la solitude et la condition féminine.
📘Dans la 1ère nouvelle, Aziz Bey, musicien talentueux et centré sur lui-même, n’éprouve aucune considération, encore moins de l’amour pour sa femme. Quand il en prend conscience, c’est trop tard.
📘Dans la 2ème nouvelle, un pauvre tailleur souffre de ne pouvoir raconter ses conquêtes féminines comme ses pseudo-amis. Qu’à cela ne tienne, il va s’inventer un personnage de séduction pour la seule personne qui le considère vraiment, sa femme. Comme une araignée, il va l’enfermer dans sa toile de mensonges avec cruauté et sadisme. Il va y parvenir bien plus qu’il ne l’escomptait.
« Tandis que cette femme chétive, sans charme, au corps osseux, ses gros yeux couverts d’un voile de larmes et son air affligé, maigrissait de jour en jour, je m’évertuais à écrire la fin d’une inexistante histoire de femmes, en oubliant même de me montrer affectueux envers mes enfants. »
📘Dans la 3ème nouvelle, l’autrice prend résolument le contre-pied des deux précédentes : « Sémavi Bey, cherche à se démarquer de son père, en vouant un amour absolu à se femme, qui ne voit d’autre issue pour lui échapper que de s’immoler par le feu »
Un sentiment qui prend la forme d’un amour d’absolu, mais qui n’est que la volonté d’un prédateur de régner sur la vie de sa femme.
📘Dans la 4ème, « La passagère des neiges » Esber est aiguilleur de chemins de fer. Un solitaire, isolé la plupart du temps par la neige, cerné par les loups durant la nuit. Sa vie change en recueillant Fidan, une jeune femme tombée du train.
Elle va devenir son adoration, mais surtout son bien. Le bien le plus précieux qu’il possède et qu’en aucun cas, il ne veut laisser partir. D’autres hommes ou animaux vont se charger de lui…
C’est la plus belle nouvelle car dense, profonde, très visuelle également. La plume porte les hurlements sauvages des loups, le souffle de la bise, le poids de la neige, mais aussi et surtout la solitude.
📘Le cœur de Mikail s’est arrêté dans la cinquième nouvelle. Deux hommes et une femme, une histoire à trois plutôt classique. Mikail est l’homme rejeté par Sémiramis, et celle-ci aime le narrateur. Celui-ci trouvant simplement bien pratique d’avoir un gite et de la chaleur.
📘La sixième nouvelle, trop courte à mon gré, est la plus originale. « Nous étions trois personnages attendant impatiemment dans la tête de notre autrice que nos destins soient tracés. Le notaire, le Jeune Homme et moi-même. »
Impatience d’exister, hiérarchie, lutte d’influences et de pouvoir se déchaînent au fur et à mesure de la naissance des personnages….
💙Une autrice turque que j’ai découverte avec grand plaisir pour son talent de conteuse et pour sa maîtrise à traiter le même thème du sentiment amoureux et de la place de la femme, dans des histoires et des milieux bien différents.
Merci à Sylvain Cavaillès, dont la traduction permet de bien apprécier ces nouvelles.
Extraits :
📘« La plus grande consolation à la solitude mortelle qui lui rongeait l’âme telle une tumeur maligne, (…) c’était cette chose qui avait fait de sa vie un jeu, cette relation avec les loups. »
📘« Fidan décida alors que le temps était venu de partir. (…) Ce blanc interminable qui lui était désormais une torture, la neige qui tombait parfois si dru qu’elle semblait devoir avaler la maison, les loups qui chaque nuit les cernaient en hurlant et dont elle commençait à entendre l’appel du sang, la passion d’Esber qui devenait de plus en plus mortifère et les jours qui se ressemblaient tous l’effrayaient désormais plus que les sombres individus qui la traquaient. »
📘« Ses pensées relevaient d’un tel égoïsme qu’il ne pensait pouvoir vivre qu’avec une femme telle que Vuslat, calme, effacée, invisible tant qu’on ne la regardait pas avec attention, qui ne se manifestait que lorsqu’on avait besoin d’elle, qui l’écouterait quand il parlerait, qui répondrait lorsqu’il lui poserait des questions, bref, qui lui faciliterait la vie autant que faire se peut. »
📘« Quand je suis arrivé dans ma rue, du linge usé, du linge de pauvre, se balançait tristement sur les fils tendus entre les immeubles. »
📘« Tandis que cette femme chétive, sans charme, au corps osseux, ses gros yeux couverts d’un voile de larmes et son air affligé, maigrissait de jour en jour, je m’évertuais à écrire la fin d’une inexistante histoire de femmes, en oubliant même de me montrer affectueux envers mes enfants. »
📘« Il lui avait bien proposé de tout lui racheter d’un coup, mais Sémavi Bey ne voulait pas se priver du plaisir de vendre l’un après l’autre ces objets qui avaient appartenu à son père dont la cruauté et l’incapacité d’aimer avaient empoisonné sa vie. »
📘« Semavi Bey avait passé la journée à se promener avec sa femme dans l’espoir de la divertir, mais il n’avait pas réussi à faire sourire ce visage assombri par un étrange sentiment de captivité. »
📘« Avec quelle identité allions-nous investir l’esprit de ceux qui liraient notre histoire ? Quelles émotions allions-nous faire vibrer, quelles pensées allions-nous faire naître en eux ? »
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