dimanche 16 mars 2025

💙💙💙💙💙

Un « cold case » vieux de 35.000 années, expliqué par une paléontologue.

📌Une histoire pourtant bien banale à l’origine : la construction d’une piscine.

Mais elle révèle une grotte dont les parois sont couvertes d’empreintes de mains de femmes. La plupart, amputée d’un ou plusieurs doigts. Ainsi que deux squelettes : le premier a succombé à de nombreux coups, l’autre est intact, plus âgé et autour de lui, plusieurs objets.

Adrienne Célarier, paléontologue brillante et ambitieuse, présente sa découverte en tentant de reconstituer ce qui a pu se dérouler il y a 35.000 années.

Une narration sur deux temporalités : dans le présent avec Adrienne qui explique, et un retour dans le passé avec Oli, une jeune femme sapiens au caractère fort et déterminé. Intelligente aussi, car elle a prolongé la javeline habituelle de façon à percuter plus fort et surtout, plus loin, la cible visée.

Sauf qu’elle n’a pas le droit de chasser. Seuls les hommes ont ce droit. Ils ont droit aussi de garder les meilleurs morceaux, de pénétrer les femmes selon leur gré, et de couper un ou plusieurs doigts quand elles désobéissent à « Oncle-aîné », le père, le chef de la tribu.

Sauf qu’Oli ne peut se résoudre à obéir. Elle veut chasser, d’autant plus qu’elle a compris qu’avec sa découverte, elle est bien plus efficace que les hommes qui l’entourent.

La première féministe ? En tous cas, les premiers questionnements sur la place des femmes. 

📌C’est un polar, mais c’est beaucoup plus que cela.

- Une recherche d’identité, une recherche de compréhension du monde qui entoure Oli. Elle comprend aussi en côtoyant les néandertaliens que le sperme des hommes est à l’origine des bébés dans le ventre des femmes.

- C’est aussi, et c’est sans doute ce que j’ai préféré, une réflexion sur la mémoire, sur « l’après », sur la trace laissée aux descendants.

La mémoire des hommes se trouve dans leur fils, les femmes sont les oubliées de l’histoire. Uniquement le réceptacle qui permet aux hommes de se prolonger dans leur descendance masculine.

Méprisées quand elles sont vivantes, oubliées quand elles mortes.

Et la grotte, personnage à part entière, reconstitue leur histoire, leur assure une place dans le futur. L’humanité des femmes, l’injustice du monde, se réunissent au sein de cet endroit caché et protégé.

« Comment une personne qui prenait autant de place dans la vie de toute la tribu pouvait-elle disparaître en quelques instants ? Et si c’était justement cette question qui avait poussé les femmes-ancêtres à exécuter le pochoir de leur main dans la grotte ? Laisser une trace pour ne pas mourir tout à fait. Faire en sorte que leur présence traverse le temps, accrochée à la pierre, qui, elle, était éternelle. »

📌 La plume est précise, rapide et fluide. Souvent caustique, mais toujours remplie de sensibilité et d’empathie envers son héroïne.

J’ai adoré ce récit original, pertinent, parfaitement documenté et addictif.

 Extraits

Adrienne Celarier

📌 « Car la préhistoire, cette page blanche de l’humanité, cet éden fantasmé – encore plus depuis que tout va de travers – captive le monde entier et par conséquent, draine des flux financiers énormes.

(…) même si la paléontologie est une science s’intéressant à un passé très reculé où l’on s’attend à voir des changements, il suffit d’une seule découverte pour faire voler en éclats toute ne construction intellectuelle et condamner à la poubelle une flopée de thèses. »

Oli 

📌 « La ligne, c’est l’homme, la femme, c’est le cercle, c’est là, l’Ordre du monde. Si tu te mets à chasser, toi qui es une fille, tu bouleverses cet ordre et tout se mettra à aller de travers à cause de toi. (…) Dans cet Ordre, tu as ta place, tu dois y rester ! »

📌 « Face à cette femme à la peau d’un blanc sale et aux cheveux blonds hirsutes, elle se figea croyant avoir affaire à une vision de cauchemar. (…) Elle les dévisagea médusée tant elle les trouvait laids. »

📌 « On ne s’en rend jamais compte sur le moment, quand on est heureux, du coup, on ne pense pas à faire des réserves de bonheur pour les moments difficiles comme on le ferait avec de la viande séchée en prévision des jours où il n’y a plus rien à manger. La mort de Wilma marquerait un avant et un après, recouvrant sa vie d’une couche de suie comme après un feu de tourbe dévastateur. »

📌 « Comment une personne qui prenait autant de place dans la vie de toute la tribu pouvait-elle disparaître en quelques instants ? Et si c’était justement cette question qui avait poussé les femmes-ancêtres à exécuter le pochoir de leur main dans la grotte ? Laisser une trace pour ne pas mourir tout à fait. Faire en sorte que leur présence traverse le temps, accrochée à la pierre, qui, elle, était éternelle. »

Adrienne Celarier

📌 « Et là, Tabet, de nous interroger : et si métaphoriquement, toutes les femmes avaient les doigts coupés ?

A part de très rares exceptions, dans la totalité des tribus observées par les ethnologues du XXème siècle, les femmes ne peuvent fabriquer les armes ou l’outillage, même celui qui leur sert dans leur travail. Elles dépendent pour cela entièrement des hommes qui contrôlent les matières premières. C’est là, exactement, que se trouve le socle de la domination masculine. Sans ce sous-équipement et cette possibilité d’exercer violence et mutilation, les hommes n’auraient jamais pu atteindre une appropriation aussi totale des femmes, une telle utilisation de leur travail et de leur corps. »

Oli 

📌 « Parce que, lorsqu’il s’agissait de questions humaines, tout était une affaire de mots. Oncle-aîné en avait inventé un nouveau : père.

Le père était celui qui en éjaculant, portait à l’intérieur de la femme l’étincelle qui faisait flamber la vie. Le fils. Celui qui porterait ses lances, ses silex, son nom. Qui continuerait sa personne, lui permettant ainsi d’enjamber cette mort qui lui faisait si peur. Qui le ferait se prolonger. »

Adrienne Celarier

📌 « Les parures comme les tatouages, les vêtements ou la peinture corporelle constituent, depuis le début de l’humanité, les signes sociaux les plus forts des relations visuelles entre individus. »


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire