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Huis-clos bouleversant entre la mère et sa fille, accentué par le tutoiement de la narratrice à la petite fille.
📌 Les années d’après-guerre
Fanny est une mère célibataire, et elle assume avec fierté sa situation. La petite Marion est née d’un père allemand, mais il ne faut pas en parler :
« Elle t’a dit aussi qu’il était allemand, ton père, mais qu’il ne faut pas en parler, ma chérie. Jamais. A personne. C’est un secret. »
Marion, qu’elle appelle Funny-face, une façon de s’approprier l’enfant avec un prénom proche du sien, car Fanny est complètement seule avec sa fille. Les ponts sont coupés avec sa famille, pas d’amis, pas d’amoureux. Elle tolère seulement la présence épisodique de sa tante Élisa, qu’elle méprise et raille constamment. Elles vivent toutes les deux, repliées dans leur minuscule appartement parisien :
« Oui, vous êtes heureuses toutes les deux, ta mère et toi ; heureuses d’un bonheur lumineux, singulier, bien à vous. Un bonheur si naturel qu’on ne penserait pas qu’il puisse s’arrêter. »
Mais déjà à sept ans, Marion voit bien que sa mère est différente des autres mamans. Une mère qui clame son mépris contre les petits bourgeois, qui en fait toujours trop, qui clame sa différence. Même quand elle chante : « Elle chante avec les autres. Fort. Bien plus fort : on n’entend qu’elle, et tu meurs de honte de ce chant qui se distingue, de ce chant hors normes, qui vous sépare, qui vous isole. Les gens se retournent, la regardent. Tu vois bien qu’ils sont étonnés. Elle chante en latin, avec une prononciation bizarre, en articulant exagérément cette langue incompréhensible, cette langue de fous, qui lui plait, tu le sens, et tu as l’impression qu’il y a là une connivence qui te dépasse, qui te fait peur. »
Une mère fantasque qui traverse les rues, sans se soucier des voitures, en traînant Marion, morte de peur.
En grandissant, elle comprend que sa mère est malade. Désormais, c’est elle, l’adulte, qui protège, qui se tait quand sa mère ne prend pas la totalité de son traitement. Les troubles psychologiques de Fanny ne feront que s’amplifier, avec des séjours réguliers en HP.
Marion prend peur quand les crises de démence se présentent, d’autant plus que l’agressivité est désormais dirigée contre elle. Elle n’est plus la fille de Fanny, mais une autre femme, une concurrente, contre qui Fanny dirige sa violence.
Terreur, souffrance, honte et dégout. Puis culpabilité de la honte qu’elle éprouve. Car l’amour absolu qu’elle éprouve pour sa mère est toujours aussi fort.
Un univers oppressant et douloureux qui petit à petit se referme sur l’enfant puis l’adolescente.
📌 Une analyse de l’intime parfaitement bien saisie. Un scénario angoissant qui m’a fait lire le récit d’une traite. Une écriture fluide et précise, presque visuelle tant les personnages évoluaient sous mes yeux.
J’ai moins aimé la narration avec le « tu » qui apporte une certaine lourdeur au récit. Le « je » de l’enfant, puis de l’adolescente aurait été encore plus percutant, il me semble...
Puis, je n’ai pas compris l’attitude et surtout la brève remarque finale du médecin qui suit Fanny. Un jugement qui remet en cause la souffrance de l’adolescente….
Exceptés ces légers bémols, j’ai adoré ce roman et le recommande à tous ceux qui apprécient les analyses psychologiques travaillées et accomplies.
Un roman particulièrement réussi qui reste en tête, longtemps après l’avoir refermé.
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