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A travers la narration de son héroïne, Aube, l’auteur signe un roman d’une impressionnante dimension politique, sociale et féministe. |
📕Aube est une jeune femme enceinte, qui explique à sa fille Houri, (nom donné aux vierges qui accueillent les martyrs dans le paradis), pourquoi elle devra avorter. Elle remonte le cours de sa vie, puis se rend physiquement jusqu’à son village d’Had Chekala où un massacre a eu lieu.
Elle avait 5 ans quand elle a été à moitié égorgée. Seule rescapée de sa famille, elle vit avec une large cicatrice au niveau de la gorge, « un sourire en dessous du menton » et une canule. Elle est quasiment muette et s’exprime tout au long du roman avec sa voix intérieure.
Vestige vivant et surtout gênant que « ce sourire » puisqu’il a été décidé au niveau national d’oublier, d’occulter cette guerre civile, de passer l’éponge sur les bourreaux, mais aussi et par conséquent sur les victimes.
« Peut-être qu’ils se doutent que, par le trou de ma gorge, ce sont les centaines de milliers de morts de la guerre civile algérienne qui les toisent. »
📕Un roman fort, intense, tragique, dont le lecteur ne sort pas indemne.
Les thèmes sont parfaitement maîtrisés, les mots sont justes et percutants :
- Recouvrer la mémoire face à l’Omerta nationale, « la Grande Réconciliation » qui a été imposée au peuple algérien pour oublier ( nier) la guerre civile des années 90 à 2000.
« Article 46 – est puni d’un emprisonnement de 3 à 5 ans et d’une amende (…) , quiconque par ses déclarations , écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat , nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’Algérie sur le plan international. »
« La charte pour la paix et la réconciliation nationale. «
Des massacres qui ont provoqué des milliers de morts, on parle de 200.000, parmi les habitants des villages, résultat de la guerre entre les « barbus » et les militaires.
- Rendre justice et paroles aux victimes, aux familles endeuillées de la guerre civile algérienne niées par l’oubli volontaire du régime.
Évoquer aussi avec une infinie sensibilité, le sentiment de culpabilité qui étreint et empêche de vivre les survivants.
- Un roman lucide, courageux qui se dresse aux côtés des femmes pour dénoncer la condition féminine en Algérie, la façon dont la femme est traitée et méprisée.
Aube explique à sa fille pourquoi il ne faut pas naître « fille » dans ce pays d’hommes : « je t’évite de naître pour t’éviter de mourir à chaque instant. Car dans ce pays, on nous aime muettes et nues pour le plaisir des hommes en rut. »
📕Un roman qui mérite le Goncourt.
Pourtant, j’ai adoré « Madelaine avant l’aube » mais pour moi, « Houris » a une autre dimension…Et d’ailleurs, je salue le courage de Kamel Daoud pour l’écriture de ce roman en opposition totale avec la politique algérienne.
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