mercredi 27 novembre 2024

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Dans les eaux troubles de l’âme

 📌 2017 – Mercy, un petit village des USA qui semble bien tranquille.

Roman divisé en quatre saisons où quatre narrateurs différents racontent et se livrent, sans aucun filtre, après une découverte tragique. Celle du corps d’une jeune fille de 17 ans, Léo Jenkis, assassinée près de la rivière.Comme un puzzle dont les pièces s’assemblent, les quatre récits permettront peut-être de déterminer le coupable.

📌La shérif, Lauren Hobler, mène l’enquête et raconte aussi son histoire, dans la première saison, « le printemps ». Un village où tout le monde se connaît, mais dont les secrets restent bien enfouis. Un village où on se méfie de l’étranger, ou de celui qui parait différent. Comme d’une femme lesbienne et shérif en même temps, qui doute de sa légitimité.

« C’était bien une question qu’un homme ne se serait jamais posée, savoir s’il était à la hauteur de la tâche, s’il méritait ce qui lui était donné, et j’étais bien une femme pour me croire aussi illégitime. »

📌Benjamin, c’est le prof de français, proche de Léo, c’est l’étranger et le deuxième narrateur de la saison été.

C’est surtout le suspect numéro 1. Un ex-écrivain qui a connu le succès grâce à sa mère, puis la honte avec des accusations graves de détournements de mineures.

Un homme qui sent illégitime lui aussi et toujours coupable : « pourri de l’intérieur ». Même si le récit « cash » donne plutôt l’impression d’un homme tenté mais farouchement déterminé à ne pas retomber dans ses travers.

📌Dans l’automne, le récit d’Emmy, la meilleure amie de Léo, est le plus glaçant. Emmy, la guerrière, la manipulatrice. L’expression d’une adolescente qui ira jusqu’au bout de son amour, de sa vengeance, avec l’intensité et le radicalisme de la jeunesse.

Une jeune fille cassée par les secrets de famille, par son attachement à Benjamin, qui éclaire d’une drôle de lumière, la réalité des faits.

📌Et enfin, l’hiver, avec Seth, le père de Léo. Amoureux fou de sa femme Livia, d’origine italienne, qui l’a quitté pour repartir en Italie sans explications. Seth, c'est l'incarnation de la douleur. Celle de la perte de Léo, de celle de sa femme. Celui qui a tout perdu y compris son garage florissant.

« La trésorerie du garage coinçait parfois (…) la banque de Lucian m’accordait des prêts (…). Ça avait l’air simple, facile et j’aurais dû me rappeler que rien n’est jamais facile et qu’un jour je devrais payer le prix fort. »

📌Un huit clos dans les profondeurs de l’âme où le gris et le noir se côtoient en permanence. Dans ce roman, il y a du Philippe Claudel (« les âmes grises » - « le rapport de Brodeck »).

Comme si Marie Vingtras avait mis ses personnages sous une plaque de verre et les regardait évoluer, les uns en fonctions des autres. Un regard de scientifique soucieux de bien tout relater et analyser. 

📌C’est aussi une réflexion passionnante sur l’emprise de la jalousie ainsi que sur la prise de conscience d’un homme, de sa responsabilisation face à des mineures. 

 Le scénario est prenant, dense et je suis restée scotchée jusqu'à la dernière page.

📌L’écriture est parfaitement maîtrisée : chaque saison correspond au style de son narrateur, et chacun, comme un puzzle qui se construit, amène une lumière sur le meurtre de la jeune Léo.

Une véritable réussite qui justifie pleinement le prix du Roman FNAC 2024 !

 

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