samedi 17 août 2024

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📌Il y a Blaise, Alexandrine Daniel et … leur petite bonne.

On ne connaitra pas son prénom car elle incarne les gens qui ne comptent pas, c’est « la bonniche ».

Les années 1930 – Aux aurores, une petite bonne se rend au travail, chez Blaise et Alexandrine Daniel. Ses pensées s’égrènent toutes seules au sein de vers libres, au rythme de ses pas.

Blaise est un ancien et talentueux pianiste, revenu de la Somme en Homme-Fauteuil- Gueule cassée. Même si sa femme l’aime profondément et sincèrement, elle le materne et il a honte. Honte de lui, honte de ce qu’il est devenu. « Lui n’était rentré qu’à moitié ; ses jambes, ses mains, son visage et son innocence étaient restés là-bas, quelque part dans la Somme. »

Peut-être pourra-t-il le faire comprendre à leur domestique lors d’un séjour prolongé d’Alexandrine à l’extérieur ? Peut-être pourra t-il la toucher suffisamment pour qu’elle agisse ….

« Quand il se découvre mutilé

Il meurt

Une deuxième fois

Et ça dure

Et il continue de mourir

Il n’en finit plus d’agoniser

Peu à peu

Tous les jours

Il s’étiole sans fin

Mais elle aussi conserve ses fantômes. Son mariage,  qu’elle subit chaque jour, son avortement.  Et la souffrance de Blaise fait ressurgir les siennes.

Encore plus fort car elle croyait les avoir enfouies au plus profond d’elle-même…

« Il ne le voit donc pas

Ce ravage

à l’intérieur d’elle

cette destruction

Tout ce chaos

Sa blessure à elle est invisible

Elle a parfois si mal si mal

malgré le temps qui passe

Qui apaise

Tu parles. »

 

📌Une belle écriture caractérisée par la juxtaposition harmonieuse de vers libres et de prose.

Deux narrations : celle de l’autrice à la 3ème personne et celle de la petite bonne, à la 3ème personne aussi, comme une distanciation par rapport à elle-même. Les pensées, les réflexions sont aussi libres que les vers dans lesquels elle s’exprime. Sans ponctuation, simplement marqués par les majuscules.

Un récit à deux temps qui donne de la profondeur et de la fluidité au récit.

Habituellement, je n’apprécie pas trop les vers libres, ils sont souvent artificiels, pour faire genre… Mais dans ce roman, ils expriment parfaitement les doutes, les souffrances, mais aussi l’espoir.  

La poésie de l’écriture face au désespoir de la vie. 

 

📌 J’ai profondément aimé la richesse des thèmes et la finesse de l’analyse psychologique des personnages :

- Le retour de la guerre, la chape de plomb du traumatisme qui empêche de parler, de dire, de vivre….

- Les différences de conditions sociales. Se taire, travailler, accepter la vie, les décisions même quand c’est injustifiable, quand on est une bonniche…

« Monsieur est haut placé

La soubrette qui se pend ne doit pas faire de tort. »

- La résilience : Il existe toujours une étincelle pour ranimer le feu qui paraissait éteint. Même pour les êtres les plus cabossées, physiquement et ou mentalement…

- La puissance de l’art, en l’occurrence de la musique. Partager la même émotion, la même vibration, sentir qu’on est pareils malgré les différences sociales.  Un moment de partage, de grâce, entre deux êtres.  Un moment privilégié, comme entre parenthèses.

- La profondeur psychologique des trois personnages. Ceux qui se comprennent le mieux sont les cassés de la vie : Blaise et la petite bonne.

Leurs souffrances se rejoignent et permettent l’espoir et peut-être la vie.

Magnifique portrait de femme que celui de la petite bonne : lucide, courageuse, sensible. Un moment, elle entrevoit autre chose que son quotidien…

📌 J’ai adoré ce roman, pour sa justesse, sa sensibilité et la poésie qui s’en dégage avec une infinie nostalgie…

Merci à la Fnac et aux éditions Les Avrils pour cette belle découverte.

 

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