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Lecture addictive, roman inclassable.
L’histoire de sept sauvageonnes dans la forêt finlandaise.
📌 Un véritable clan, et même une meute. Sauvages, rebelles, ivrognes, grossières, sales… Elles se battent facilement, d’abord entre elles et ensuite contre quiconque ne leur revient pas. Livrées à elles-mêmes dès leur naissance.
Sept personnalités bien marquées. A première vue, cela peut paraître caricatural mais chacune s’inscrit dans une logique et un historique bien précis.
Johanna, l’ainée a 20 ans, Tania et Aune sont jumelles ainsi que Tiina et Laura, viennent ensuite Simone, puis Elga, la plus jeune, toujours en opposition avec Johanna.
Heikki, le père est d’abord et avant tout un chasseur. Sa cible favorite : l’ours.
Il ne revient à la cabane que pour manger, dormir, faire un enfant à sa femme et surtout se faire aduler par ses filles. Elles font cercle autour de lui quand il rentre, et il leur assène des sentences à l’emporte-pièces contre le « système », et contre les hommes ( les mâles).
Un modèle d’égoïsme, de brutalité et de primarité, un comportement que l’ainée, Johanna reproduira avec ses sœurs.
Louhi, la mère, a toute la charge de la famille, de la maison et de la ferme. Elle est exclue du cercle père-filles et se sent détestée et méprisée par ses filles.
Quand ils meurent dans des conditions dramatiques, c’est Johanna, la Cheffe qui entraîne et dirige les autres en pleine forêt. Forte de son âge, de sa stature imposante, et surtout de sa proximité avec le père, chasseur d’ours et mort en chassant…
Elle fait régner la terreur parmi les quatre sœurs plus jeunes et plus faibles : Aune qui « vit dans sa tête et passe son temps à se raconter des histoires » ; Laura qui « zigzague en solitaire sur les sentiers, à sa façon myope et somnambule. (…) Elle a un rapport spécial avec les sapins, à croire que ses véritables parents, ce sont eux. » ; et Elga, la plus jeune, toujours en opposition avec Johanna et qui ne se gêne pas pour lui faire savoir « avec son arrogance prépubertaire insupportable. Et ainsi, entre l’ainée et la petite dernière, c’est hostilité et tumulte en permanence. » Elga, c’est aussi la seule qui a voulu avec détermination apprendre à lire et à écrire.
« Ah ! J’allais oublier Simone. Elle est la seule à prendre Dieu le Père et la Bible au pied de la lettre. La seule, qui du vivant de leur mère, se confiait à elle, en cachette
📌 Les thèmes présentés le sont avec beaucoup de force et de justesse :
📍La toxicité du père sur les filles et sur la mère.
Sur les filles. Leur père est un Dieu, encore plus puissant et pesant puisque mort. Ses affirmations péremptoires et primaires, sa façon de vivre pèseront sur l’avenir des filles.
Sur Louhi, la mère.
Les lettres posthumes de la mère sont bouleversantes car elles éclairent la situation d’une réalité bien différente de celle perçue par les filles y compris les plus modérées, comme Aune, Laura et Elga.
Elles précisent aussi la réalité de la situation et sa souffrance : brutalisée par un mari primate et injustement rejetée par ses filles.
« Heikki était rarement là, et c’était un enfer de venir à bout de toute la besogne qu’il fallait abattre chaque jour, entre les gamines, les bêtes et le champ. Et impossible d’obtenir que les filles me donnent un coup de main. C’était comme si Heikki et elles avaient leur propre vie, qui était plus importante que la mienne. L’alcool. Les moteurs. La lutte. (…) C’était comme si une clôture électrifiée nous séparait, elles et moi. Nous faisions des détours pour éviter les décharges. Mes propres filles me voyaient comme un être inférieur. »
📍Une réflexion passionnante sur le féminisme.
Sur le résumé de l’éditeur, il est précisé qu’il s’agit d’un conte féministe venimeux ». Je suis plutôt d’accord.
Les filles – sauf une – vont rejeter les hommes durant toute leur vie.
Féminisme fondé sur l’ignorance de l’autre, la peur, le rejet. De fait, il empêche la femme de faire librement son choix.
Un féminisme "venimeux" car nuisible pour les unes comme pour les autres. Les hommes, c’est mauvais pour les filles, disait le père, tous les hommes, en termes beaucoup plus crus. Une brute qui redoutait que ses filles tombent enceintes et leur a dressé du « mâle » sa propre réalité : l’homme ne recherche que son plaisir et le prend de gré ou de force. Et en fait, Johanna va reproduire et transmettre le schéma de domination masculine.
Le féminisme pour moi, ce n’est pas le rejet de l’homme mais l’autonomie de chacun avec le respect de l’autre.
Un roman brut, percutant, dont les personnages restent bien longtemps dans la tête. Une vraie réussite !
Merci pour cette formidable découverte à :
Le divan de bibi
Les éditions de l’Observatoire
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