mardi 2 avril 2024

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Vous pensiez que les skippers(euses)  au long cours (Vendée Globe, Route du Rhum, Solitaire du Figaro….), étaient tous des vieux loups de mer, des durs(es) à cuire, des « même pas peur »  ?  😀

Clarisse Cremer, navigatrice du Vendée Globe en 2020 et narratrice de cette BD, nous démontre le contraire avec beaucoup d’humour et de sincérité.

Prêt pour une « balade » aux quatre coins des océans ?

Une seule navigatrice, mais deux Clarisse. Les peurs, les doutes de l’une, et la farouche détermination de l’autre Clarisse. Un récit simple et addictif.

Se jeter dans le grand bain du Vendée ou rester à terre ? Deux petites voix l’agitent en permanence, la déchirent, partagée entre l’esprit de compétition fermement ancré dans sa personnalité, et  son inquiétude permanente quant à ses propres capacités.

Deux voix illustrées avec justesse par deux petits personnages, en rose le mode : « warrior » et en bleu, le mode : « j’suis pas  capable »

« Mon esprit de compétition est un compagnon que je connais bien, autant que ma capacité à douter de moi... On se connaît bien tous les trois. »

Ce n’est pas qu’un récit autocentré. Il est aussi très pédagogique  et raconte avec beaucoup de justesse le quotidien de la course : le bonheur et l’épreuve.

La préparation d’une course, les éléments d’un bateau et leur nom. Je deviens incollable sur les voiles, sur leur position selon les vents.Bon, ok, je partais du  « ras des pâquerettes », mais justement, c’est accessible à tous, confirmés qui vont y retrouver des sensations et terriens incultes comme moi.

C’est aussi l’écoute du bateau. Bien sûr, il y a plein de données techniques, de savoir faire, mais chaque bateau est différent. Et comme un cheval, il faut apprendre à l’apprivoiser, pour mieux le connaître, pour mieux faire route avec lui. D’autant plus, que Clarisse ne souhaite pas faire de la figuration, elle brigue les premières places.

Même si les conditions sont dures et exigeantes, il reste toujours une place pour le bonheur tout simple d’être en mer. Contempler, admirer les oiseaux, les poissons, les couleurs, les paysages.

Un rapport privilégié qui s’instaure entre le marin et les flots : se sentir à sa place, en pleine mer, tout(e) seul(e).

Quand elle reste bloquée, faute de vent, près d’une île : « Pour moi, le temps s’est totalement arrêté, je suis revenue aux prémices de la navigation, perdue aux confins du monde. Mon esprit de compétition râle mais je n’ai aucun regret. Ce sont des moments comme ça qui font l’essence même du Vendée Globe. »

L’impression d’être hors du monde des humains, d’avoir récupéré l’essence même de la vie. « J’ai changé de référentiel. Je suis hors du temps. Ma vie se résume à mon bateau, c’est ma nouvelle planète. La mer est ma nouvelle réalité. »

« J’étais dans un équilibre parfait entre moi, mon bateau, la mer, et j’oserais même dire… l’univers !

Un ressenti qui va jusqu’au flow : "c’est une sensation totalement addictive, qui éloigne du monde des humains. On ne cesse pas de l’aimer mais il s’efface de notre mémoire. »

Quand arrivent les gros problèmes, « Clarisse, la nulle » reprend les rênes : « En fait, je n’ai rien appris ! Je tourne en rond sur les mêmes sujets. »

Complexes et difficiles, la gestion du sommeil, le décalage entre la vie sur mer, en solitaire, et « le résumé marketing qu’on fait de nous, comme des étiquettes, qu’on nous colle. »

L’arrivée à terre est d'ailleurs vécue par Clarisse avec un total décalage. Les questions absurdes des journalistes, le rappel continuel qu’elle est une femme. Pour Clarisse, elle est arrivée 12ème.  Pour les journalistes, elle est d’abord  la première femme arrivée, et ils tournent en rond sur le sujet : « Et surtout première femme ! ». « Et surtout, femme la plus rapide de l’histoire du Vendée Globe ! 

Pourquoi me rappelle-t-on sans cesse que je suis une femme, alors que pendant 87 jours, je n’y ai pas du tout pensé une minute ? (…) Je veux juste être un marin comme les autres »

Vous l’avez compris, beaucoup de plaisir à lire cette traversée.

D’autant plus, que ce n’était pas gagné.  Quand j’ai feuilleté la BD, je n’aimais pas du tout le graphisme que je trouvais trop simpliste.

En fait, il est parfaitement approprié au récit. Il n’est pas simpliste, il est simple, dépouillé, centré sur l’essentiel : les expressions, le rythme, les paysages.

En harmonie parfaite avec le texte, il sublime le récit de Clarisse.

Alchimie réussie entre la fragilité et la farouche détermination de Clarisse Cremer. Alchimie réussie entre le scénario et le dessin.

 

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