vendredi 1 décembre 2023

 💙💙💙💙💙

 
Originalité, réflexion et humour.

 Une couverture surprenante, déjantée. Immédiatement, elle donne le ton.

Les statues sont nues bien sûr, mais les hommes  le sont également. Cela sur un fond rosâtre et gris, plutôt désuet. Étonnant…   

Quand je feuillette, je suis frappée par la liberté du dessin : l’absence de cases, les traits esquissés, les dominantes roses, grises et bleues.

Premières pages : Le Louvre – les visiteurs masculins doivent se déshabiller entièrement… Et uniquement les hommes… Effet de surprise réussi, la curiosité prend le relais.

Une classe en visite, trois lycéens se permettent des gestes et des propos déplacés envers les nus féminins. Comme par hasard, ils s’appellent Dovadeau

(allusion à Davodeau ?), Berberion ( Berberian ?) et Burieux (Durieux ?)… 

 

Toujours le sourire, mais on sent que le propos est grave : la question du corps de la femme, exposé et soumis aux regards et aux dérapages.

C’en est trop pour les statues qui se révoltent. Car en l’absence du public, elles échangent entre elles. Térésa, la femme de ménage, les chouchoutent depuis plus de 30 ans. Elle les connait, dialogue avec elles, les dispute quelquefois, surtout les nus masculins, bien misogynes : « Vous ramenez tout à votre kiki rikiki »

 

Elle comprend aussitôt la gravité de la situation et tente d’alerter la Direction.

Une drôle de direction !  Les jumeaux Darlin, le frère et la sœur, Charles et Charline. C’est la famille « nez pointu ». Ils changent les rôles quand c’est nécessaire, car l’une sait bien communiquer, l’autre sait bien commander.

Ils virent Térésa mais s’aperçoivent le lendemain que les statues sont devenues transparentes, les personnages féminins et nus des tableaux, également… 

Que faire ?

Comment dissimuler ce « grand incident », comment le résoudre ?

Scenario très original et bien mené.

 

Les personnages sont bien campés et crédibles, même s’ils sont caricaturaux. pour bien faire passer le message. Cela convient parfaitement à la tonalité du récit.

Une mention spéciale pour Térésa, personnage à la fois direct et tendre.

Paradoxalement, c’est celle qui est le plus à l’écoute des sculptures.

 

Le graphisme est surprenant,  l’absence de cases, significatif de la fantaisie du récit : cela peut déborder de tous les côtés, à n’importe quel moment.

Le trait est esquissé en quelques coups de crayon, il met surtout en valeur l’expression du personnage. Les décors du Louvre, des rues de Paris, des troquets sont eux aussi, esquissés, mais en même excessivement justes. La reconnaissance est immédiate.

Ce que j’ai trouvé le plus intéressant, c’est le contraste entre les vivants et les statues : tous les protagonistes sont moches, et les statues sont belles et davantage valorisées par les traits bleus.

 

Une alchimie  très réussie d’humour, de poésie, de fantaisie et de sérieux. Quels regards sur le corps des femmes, à travers les statues exposées ?

C’est aussi une réflexion à propos de l’art : pourquoi les femmes représentées le sont souvent nues, offertes, soumises ?

Zelba y répond en partie via Charline : « le grand incident nous a permis de remédier à cela, d’aborder la nudité autrement, renverser les schémas connus. »

 

Une réussite !

 

Roman graphique savouré dans le cadre du Jury Fnac / France inter.

 

 

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