lundi 21 août 2023

                                                            💙💙💙💙💙


 

Terrible et magnifique !

Quand la « grande histoire » nous rattrape par les tripes avec le quotidien de ceux qui l’ont vécu, pensé, craint et ressenti dans leur chair.

XIXème siècle. La colonisation algérienne. L’alternance de deux voix successives, de deux pensées plutôt pour évoquer le quotidien.

Celle de la mère d’une famille de colons. Ses plaintes, ses terreurs en découvrant l’Algérie puis leur vie misérable et dangereuse :

« Sainte et sainte mère de Dieu, si j’avais su ce qui nous attendait, nous autres colons »

Celle d’un soldat d’un bataillon. Les ordres d’un capitaine sanguinaire,  l’engrenage dans la barbarie habituelle, puis banalisée.

Le capitaine, « de sa voix d’ogre » : « Ça veut dire que nous serons sans pitié, nom d’un bordel ! ça veut dire que nous n’hésiterons pas à embrocher les révoltés un par un, brûler leurs maisons, à saccager leurs récoltes, tout ça au nom du droit, de notre bon droit de colonisateurs venus pacifier les terres trop longtemps abandonnées à la barbarie, comprenez-vous bien soldats, ce que cela signifie ? »

L’absurde ou le pire (mais toute guerre ou toute colonisation n’est elle pas absurde ?), c’est que les exactions des soldats français retombent obligatoirement sur les colons.

Il n’y a pas de jugement de la part de Bélezi sur les hommes à cette époque. C’est bien plus fort que cela. C’est toute une pensée, un paradigme qui sont remis en cause. Dont on voit sur le terrain, en chair, en sang et en larmes ce qu’il signifie et ce qu’il provoque.

Un magnifique plaidoyer contre toutes les guerres, contre les horreurs et la barbarie.

 

L’écriture semble erratique, comme l’est le cheminement de la pensée, sans filtre, sans recul, devant le quotidien,  « hantée par Faulkner » ( comme l’indique l’éditeur). Et je suis d’accord d’autant plus que j’avais adoré « Le bruit et la fureur », et que j’en garde un souvenir précis.

Même si Mathieu Bélezi n’est pas allé aussi loin que l’écrivain américain, qui ne finissait pas souvent les phrases des protagonistes qui s’exprimaient. Comme lorsqu’on pense : on passe d’une idée à une autre sans parfois terminer la première.

 

Un magnifique roman, consacré par le Prix Inter 2023, largement justifié.

Chapeau bas, Mathieu Bélezi !

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