dimanche 12 mars 2023

                                                         💙💙💙💙💙

Un sujet banal, transformé au fil des pages, en….

Une histoire d’amour difficile, sur fond de montagne.

Rémy est moniteur de ski et guide en haute montagne. « Beau gosse », il a l’habitude des conquêtes trop faciles, souvent plus âgées que lui, dont il a presque honte.

 « Il faut dire que,  le plus souvent, dans son métier de gigolo des neiges, il était lui-même jaugé et jugé. »

Il s’éprend d’une cliente de son âge, Laure, distante, plutôt mystérieuse, issue à priori, d’un milieu aisé, qu’il initie à l’escalade. Et ils deviennent très vite amants passionnés.

Laure travaille à Paris et revient régulièrement faire des courses avec lui en montagne. Il ne vit plus que pour ces instants passés ensemble. Il la rejoint à Paris et finalement ne quitte plus l’appartement parisien, jusqu’au moment où elle le fiche à la porte. Peu de temps après, elle a un très grave accident de voiture.

Au fur et mesure du récit, il se densifie.

On le sait tous, on n’est pas très lucide quand on est amoureux. Ce thème porté par la plume de l’auteur prend tout son sens, agit comme un véritable miroir, avec une analyse particulièrement fine et sensible.

Que sommes-nous finalement ? Qu’est ce qui nous définit réellement ? Notre travail, notre famille, nos regrets ?  N’est-ce pas la nature qui nous donne toute notre humanité ?

Ce roman incarne aussi une remise en question des personnages, une vraie et belle recherche d’identité.

J’aime passionnément la nature et j’ai été particulièrement sensible aux pages de Jean-Christophe Ruffin sur la montagne. Pas une montagne de carte postale, ni d’amoureux béats, ni de techniciens du ski ou de l’escalade. La montagne de ceux qui la connaissent, la respectent, en connaissent les risques, et ne peuvent vivre sans.

Et cela, les deux protagonistes, dans la recherche de l’essentiel vont le comprendre : « Laure avait cru longtemps qu’en montagne, l’être humain cherche la victoire. Elle comprenait désormais qu’il y était plutôt en quête de son humanité. En montagne, il n’y a pas d’absolu qui ne soit construit sur l’évidence de l’éphémère, pas de conquête qui n’ait en même temps fait éprouver des limites, pas de bonheur qui ne trouve son relief dans la souffrance et dans la mort. »

J’ai beaucoup aimé les passages sur la nature de la roche escaladée, elle s’imposait sous mes yeux, mais également sous mes doigts. Notamment sur le granit, où dans ma région, on dit qu’il  « tintille ».

« Laure eut l’occasion de découvrir une nouvelle saveur du rocher : celle du granit, avec ses failles régulières, ses dalles lisses, sa surface immarcescible. Selon l’éclairage et le moral du grimpeur, le granit est tantôt d’une matière scintillante, pleine de gaité, colorée, d’un brun fauve, native, inviolée, sans trace de lichen ni d’usure humaine ; tantôt, quand le temps se gâte, il devient la sombre matière des tombes, mouchetée de noir et de gris, hostile à l’homme et semblant désirer sa mort, pour l’envelopper dans son éternité triomphante. »

La plume est percutante, simple et surtout très juste. Quelquefois, les descriptions sont longues chez certains auteurs. Chez Jean-Christophe Ruffin, elles sont utiles et surtout très évocatrices.

Magie de l’écriture. Qui transforme un sujet banal en un traitement intemporel.

J’ai compris avec ce livre la différence entre un auteur et un écrivain. Jean-Christophe Ruffin fait partie de ces derniers.

Respect et admiration du travail. Plaisir et richesse de la lecture.💙

 

 

 

 


 

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