mercredi 25 janvier 2023

                                                                    💙💙💙💙 



« Elle n’a pas ôté la vie à un être pensant. Lors de l’agression, elle n’a pas tenté de lui adresser la parole, ne lui a pas laissé l’occasion de se justifier. Elle ne connait pas le son de sa voix. Elle a tiré sans un coup de semonce. (…) Elle s’est battue comme une bête. Le piège et l’agression, c’est elle. La violence et la mort aussi. Le paysage était en paix, la neige immaculée. »

Pierre Chavagné nous raconte l’histoire d’une femme « sauvage », vivant dans le causse depuis plusieurs années. Sauvage, guerrière, organisée contre toute intrusion humaine.

Comment en est elle arrivée là ? Qu’est ce qui l’a poussée à choisir – car il s’agit d’un vrai choix – à devenir cette femme dépourvue de toute humanité.

Petit à petit, le lecteur va mieux comprendre : en même temps que l’auteur raconte le quotidien de la femme, celle-ci  écrit ses impressions, ses souvenirs, sa vie dans la nature.

Elle a bâti sa vie dans la forêt, le plus loin possible des hommes. Elle chasse, pêche (ce qu’il lui faut pour subsister), médite, fait du yoga. Elle a aménagé une grotte en habitation troglodyte.  Un animal parmi les autres et comme les autres.

Elle se fond dans la nature, accepte ses lois, mais surtout se protège avec une discipline inflexible, de celui qui lui apparait comme le plus grand des prédateurs, l’homme   : « Lorsqu’elle est seule, tout est autorisé, alors elle doit se surveiller, et le cas échéant, se punir. L’intransigeance est la clef. (…) Elle a édicté une loi, sa loi. Les pénitences s’étalonnent suivant un barème strict : la procrastination équivaut à la privation d’un repas, une tâche bâclée, deux privations. La récidive est sanctionnée par un jeûne de trois jours. La complainte ou les pensées négatives double les corvées physiques. Le délaissement d’une activité de sécurité – acte le plus grave – est puni d’auto flagellation avec une branche de saule. »

Petit à petit, grâce à ses écrits, on en sait un peu plus sur elle. Elle parle de son enfance, de la mort de ses parents, on comprend qu’elle a été mariée, qu’elle a choisi la solitude et la forêt suite à un événement. S’en souvient-elle ?

Elle est dure, inhumaine mais très lucide. Et cela aussi, c’est étonnant. Ce n’est pas une brute dépourvue de cerveau, elle s’interroge, comprend son comportement, le juge même sévèrement, tout en restant distanciée de ses actes. Il n’y a pas de retour en arrière possible, de remords, de compassion. Sans doute est-elle passée « au delà de l’amour, de la culpabilité et de la morale »….

Une nuisible, dont le moteur central est la peur. Elle attaque avant d’être attaquée. « Elle a agressé avant d’être agressée. Violente plutôt que violentée »

Fuir toute présence humaine la rassure et elle se garde hors de portée, à n’importe quel prix. Dans sa vie antérieure, elle se qualifie de « dépressive ». La peur de l’autre la portait déjà.

Elle provoque l’incompréhension et la répulsion. L’opposé d’une femme paradis comme la surnomment les villageois. Ils disent d’elle que : «  « c’est une sorcière, qu’elle punira les humains de leurs méfaits. On la surnomme « Valkyrie », « Eve » ou « la femme paradis. »

Seul moment de grâce où elle parait retrouver un peu d’humanité : celui de l’épisode avec un vieil homme qui va bientôt mourir… et encore, elle bâcle les choses. « Je l’ai enseveli tel quel sous un tas d’argile humide. C’était bien suffisant pour quelqu’un qui m’avait abandonnée. »

Le suspens est bien mené et il est difficile de lâcher le livre avant de savoir pourquoi elle a choisi ce genre de vie.

Un roman noir, tout noir, jusqu’au bout.

 

 

 

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