mercredi 18 janvier 2023

                                                                    💙💙💙💙💙


 

 

Histoire et catastrophe écologique. Deux ingrédients qui me séduisent immédiatement.

 

A partir d’un fait réel,  l’assèchement de la mer d’Aral (quatrième plus grand lac au monde) au milieu du 20ème siècle, Fabien Vinçon imagine un jeune ingénieur Léonid Borisov, chargé par Staline, de détourner la mer d’Aral  vers les steppes désertiques du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan afin d’irriguer les cultures de coton et de blé. Également pour tuer « le baiser de la steppe »,  un vent terrible qui provoque de graves lésions, et qui semble en vouloir directement à Staline.

 « Une nuit sans lune, un vent déchaîné force une lucarne à l’angle du Kremlin et s’engouffre dans ses longs couloirs. Les rafales décrochent les tentures puis s’essoufflent, s’atténuent en une simple bise, rampent sous une porte, zigzaguent dans la chambre de Joseph Staline, atteignent le bord du lit, effleurent la grosse moustache argentée. (…) Pris de nausées et de vertiges, le maréchal reste cloué au lit pendant plusieurs jours. Il perd l’usage de la parole, la fièvre ne cesse de grimper et la chambre disparait dans le flou. »

Staline en fait alors une histoire personnelle, une haine féroce contre la nature, qui doit se soumettre aux décisions de Staline. « La nature comme les hommes n’avaient plus qu’à servir les objectifs des dirigeants du Parti. »

 

Léonid est un brillant scientifique, froid, rigide, soucieux d’obéir aux ordres du « petit père des peuples ». C’est un personnage complexe très bien décrit par Fabien Vinçon. Un enfant abandonné introverti, qui a toujours besoin de la reconnaissance de l’autre pour exister. Il se méfie de lui-même, ne se fait pas confiance. Il trouve le sens de sa vie dans l’obéissance au PC.

« Il redoute toujours de se retrouver face à lui –même.  A l’idée de devoir attendre des autres qu’ils lui disent ce qu’il faut ressentir, il sent accablé d’une infirmité invisible. La nécessité de la dissimuler le fait passer pour être hautain et toujours sur ses gardes. Alors qu’au fond, il a tempérament anxieux et méditatif. »

 

Une trame romanesque accompagne les tentatives d’assèchement de la mer d’Aral, avec des personnages attachants et particulièrement bien campés, chacun dans ses particularités. Elmira va croiser le chemin de Léonid. C’est une jeune fille libre et passionnée, jugée beaucoup trop autonome par son clan ouzbek. Nabadjon est un chaman ouzbek, amoureux et défenseur de la mer d’Aral. Et bien sûr, l’entourage russe proche de Staline.

Sans oublier la mer, qui est un personnage à part entière

Il y a d’ailleurs une dimension sacrée de la mer d’Aral pour les populations ouzbeks, bien illustrée par Nabadjon, le chaman.

 

Comme le vent de la steppe, le souffle du récit s’intensifie – tant dans l’écriture que les rebondissements – et scotche le lecteur aux pages du livre. On retrouve aussi une dimension poétique avec les poèmes toujours présents d’Elmira, son idéalisme et surtout par la personnalisation des éléments naturels, qui soufflent, souffrent et résistent,

 

Une fable hélas bien réelle de l’acharnement des hommes à mâter la nature. Une vraie réussite car l’auteur m’a complètement embarquée dans son récit et m’a donné l’envie d’en savoir plus.

« En 2005, dans un ultime effort pour tenter de sauver une partie du lac, le Kazakhstan construit un barrage entre la partie nord et la partie sud de la mer d'Aral. Le barrage condamne ainsi la partie sud de la mer, jugée impossible à sauver, à un assèchement certain. Mais la partie nord, elle, commence à revivre. »

 

 

 

 

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