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Imaginez…. Vous êtes assis confortablement dans votre canapé et une pièce de théâtre se déroule devant vous, rien que vous. Six acteur du 17ème siècle, à tour de rôle, vous interpellent et vous expliquent qui ils sont, leur environnement, leurs amours et leurs questions.
Car il est bien question de doutes, de révélations : Est-ce Corneille qui a écrit les pièces de Molière ?
Le lecteur écoutera donc, par ordre d’apparition en scène :
Maître Pierre, ou le Vieux pour Pierre Corneille, amoureux de l’épouse de Molière
La Désirée pour Armande Bejart, actrice et épouse de Molière
Le Petit pour le jeune comédien Michel Baron, proche de Molière
L’Intouchable pour Molière
L’Accoucheuse pour Madeleine Béjart, mère d’Armande
L’Épouse pour Marie Corneille
Le récit commence au cimetière : les proches accompagnent Molière qui vient de décéder en février 1673. Y compris Pierre Corneille, qui se fera tout petit car Armande ne veut pas le voir. La pièce va donc ressusciter Molière et son ancienne compagne Madeleine, décédée quelques années avant l’auteur.
Deux thèmes centraux : le doute sur la paternité des pièces de Molière, la révélation de Corneille ou pas... Et la compréhension de l'environnement proche de Molière. Et cela, c’est passionnant car chacun s’exprime en toute sincérité, en toute intimité devant le lecteur que nous sommes.
Il semblerait, d’après les études de Cafiero et Camps (https://www.chartes.psl.eu/fr/actualite/jean-baptiste-camps-florian-cafiero-publient-affaires-style-du-cas-moliere-affaire-gregory) que les pièces de Molière appartiennent bien à son auteur.
J’ai adoré cette pirouette théâtrale avec des personnages bien campés, parfaitement crédibles. Des portraits magnifiques, comme celui de Pierre Corneille par Molière : « Il a posé ses yeux et je n’ai plus su qui j’étais. Il n’avait rien d’impressionnant pourtant. Grand mais pas large, les épaules tombantes, l’estomac proéminent, vêtu comme un notaire économe, pas une dentelle au col ni aux poignets, le cheveu rare sous une calotte grise, les joues plates, le nez laid. Mais les yeux. Des yeux à vous dépecer vif. A percer la dalle d’un tombeau. A fondre mon poids de plombs pour le changer en or. »
On comprend mieux aussi la tonalité profonde de l’œuvre de chacun. Corneille s’explique : « Ils verraient que je ne suis pas seulement le poète de l’honneur et de l’intérêt politique, mais celui de l’amour. L’amour écartelé. Sacrifié. Sublimé. L’amour qui agenouille l’orgueil. Celui qui jusque dans la mort, triomphe. »
L’humour est présent, et c’est toujours Corneille qui s’exprime à propos de Molière et de « Le Petit » : « Molière ne détestait pas les garçons : il chassait à poil et à plumes »
J’ai beaucoup aimé aussi la peinture de l’époque, l’influence des grands, la concurrence des troupes, les difficultés de percer. Molière explique : « Devinez pourquoi l’Église de France condamne la comédie ? Parce qu’elle lui vole ses clients. Hormis les dévots, qui ne préfère s’esclaffer à battre sa coulpe ? »
Une organisation du roman originale, agréable qui donne tout de suite le ton. Un vrai plaisir intelligent.
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