vendredi 22 juillet 2022

                                                                    💙💙💙💙💙


 

Un « road-moovie » passionnant et humoristique avec 4 personnages improbables :  Un scribe grassouillet et amoureux des livres, Tarid, une esclave et copiste érudite, Lubna, un looser, voleur, menteur raté, Marwan et une mule rétive mais bien ( ou trop) chargée.  Ils fuient Cordoue pour mettre les ouvrages des savants à l’abri de l’autodafé organisé par le futur Al-Mansour.

Le ton est drôle, l’action rapide. Il n’empêche que de nombreux thèmes intemporels sont traités :

- La volonté d’ouverture d’esprit sur toutes les formes de pensées, toutes les formes de religion, comme le représentait Cordoue du Xème siècle.

- L’importance de l’éducation pour un maximum d’individus et de la transmission du savoir aux générations suivantes.

- Les ressorts du pouvoir : Al-Mansour surfe (comme on dirait aujourd’hui) sur la volonté d’intégrisme de certains, sur la détention du savoir par un nombre limité de personnes, pour rejeter les autres formes de pensée et justifier la guerre. Le message de paix de l’Islam de Cordoue est alors détourné à son profit. Comme l’indiquent très simplement les planches des pages 90 et 91.

La citation réelle du prophète Mahomet (« L’encre de l’élève est plus utile que le sang du martyr ») est alors transformée pour les besoins de la guerre contre les « mécréants » :   «  Ce n’est pas en trempant son calame (la plume) dans l’encre que l’on sert Dieu. C’est en trempant sa lame dans le sang des infidèles. »

 

Le suspens se glisse également dans l’humour : pourquoi la mule cherche t’elle autant à prendre uniquement le traité de mathématiques d’Al-Khuwarizmi ? Elle veut apprendre à lire et compter, elle aussi ?

Le graphisme accompagne harmonieusement le récit. Les personnages sont bien typés et très expressifs, les couleurs de fond varient selon l’intensité du récit. Les passages historiques sont encadrés d’un liseré et les souvenirs d’enfance du scribe Tarid suggèrent immédiatement le cauchemar avec le fond bleu et les ombres grimaçantes.

Certaines planches ne comportent aucun texte, et ce n’est pas utile. Comme les pages 98 / 99 – pages 188 / 189 où les expressions de la mule sont particulièrement réussies.

Très beau travail de graphisme.

Cordoue au Xème siècle : un Islam éclairé, critique, ouvert. Un Islam de paix et de liberté de pensée.  Rien que pour cette raison, il faut découvrir et savourer « La bibliomule de Cordoue ».

Les dernières pages de l’ouvrage sont consacrées aux autodafés durant l’histoire. Instructif et édifiant car on a tendance à se rappeler surtout ceux de Hitler, de Daesch. Mais ils ont existé tout au long de l’histoire, et dans de nombreux pays.

Une BD qui parle du 10ème siècle mais dont les thèmes sont toujours très actuels.

Bravo au binôme Lupano – Chemineau ! J’ai adoré !


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