mercredi 18 mai 2022

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Le récit magistral d’une tornade dans la vie d’un homme, à priori, accusé à tort. Un engrenage dont personne ne sort indemne, même pas le lecteur qui se dit que cela peut arriver à tout le monde….

Premier tableau :

Janvier 2013. Claire, qui a perdu sa mère, est très proche de son père. Ce dernier perd la vie contre un agresseur qui a menacé sa fille et l’écrase en voiture.

Deuxième tableau :

Mars 2016. La police fait irruption dans la vie paisible de la famille Santini, retourne la maison et embarque le père, Gustavo.

Le Commandant Defils pense avoir trouvé l’assassin du père de Claire.

Bouleversé par l’histoire tragique de l’adolescente, il lui a fait la promesse de retrouver le coupable. Il sent, il sait qu’il le tient enfin et ne va pas le lâcher :

 « Tout le monde ment. C’est son quotidien de flic. Tout le monde ment, sur tout, tout le temps. Coupables, innocents, tous ont quelque chose à dissimuler, une vérité à travestir pour les convenances, pour la famille, pour la société. (…) Il va cuisiner Santini. Il va le coincer. Il va tenir sa promesse. Il le sait, il a hâte maintenant. »

La curée va s’abattre sur Gustavo qui pense qu’il ne s’agit que d’une erreur :

« Tout est en place. L’affrontement peut commencer. Gustavo n’en est pas conscient, encore, mais c’est sa vie toute entière qui est en jeu. Il pense encore avec naïveté qu’il va être en mesure de faire valoir son innocence sur la base d’une conversation rationnelle, et que sa bonne foi finira par l’emporter sur des spéculations sans queue ni tête. Face à lui, les policiers sont comme une meute de hyènes, excitées par l’odeur du sang, attaquant sans relâche une proie blessée, diminuée, chancelante, dont elles savent d’instinct que la résistance ne sera plus que symbolique. »

Claire va alors le reconnaître parmi quatre autres personnes, s’interroger et se persuader :

 « C’est Monsieur Tout le Monde, la banalité du mal, juste un pauvre type. Pourquoi s’en est-il pris à eux en ce matin de janvier ? Comment a-t’il réussi à se cacher tout le temps ? A-t-il des remords ? Elle comprend qu’elle n’est qu’au début du processus, en réalité. Trouver le coupable, voilà, c’est fait. Maintenant, elle veut qu’il s’explique, qu’il avoue, qu’il paye. Elle veut le procès, le décorum, elle veut le voir dans le box des accusés, elle veut le confronter, le punir. (… ) Elle veut, le cachot, l’isolement, le froid, la crasse. Le questionnement fait place à un désir de vengeance et c’est nouveau pour elle. »

Gustavo est en panique totale, perdu, balayé. En finir avec ces interrogatoires, cette hargne et cette violence, retrouver la paix, à n’importe quel prix :

« Et s’il avouait ? S’il disait que oui, c’est bien lui, qu’il a été pris d’une soudaine pulsion, irrésistible, comme un tsunami qui aurait balayé en lui la retenue, la morale qui jusque là guidaient son existence. Il pourrait ensuite évoquer la panique, la perte des repères, plaider qu’il avait tout fait pour éviter ce père au travers de la route, mais que voilà, il n’avait pas réussi. »

Troisième tableau

Septembre 2016. Claire se confie en direct auprès d’une journaliste à forte audience qui se prend pour Dieu le Père. (On dirait le portrait d’une célèbre investigatrice de France TV) :

 « Elle a contribué récemment à identifier un violeur, qui a été appréhendé et a reconnu son forfait. Depuis elle se croit tout permis, ses audiences sont au pinacle, elle dispose d’un réseau d’informateurs au sein de la police elle-même et s’autorise à aller chaque fois un cran plus haut dans le voyeurisme. (… ) Claire raconte comment elle l’a reconnu, lui, son agresseur, derrière ce miroir sans tain, sans l’ombre d’un doute. La journaliste l’encourage, la relance, lui demande comment elle a réussi à vivre en paix alors que l’assassin de son fils vit tranquillement en banlieue parisienne. »

Même les enfants de  Gustavo sont  touchés par la curée des réseaux sociaux.

« Il ( Martin, le fils ainé) retourne dans sa chambre et affronte, seul, le déchaînement de la Toile qui s’abat sur son père. De multiples détails éclosent, comme autant de champignons vénéneux, Gustavo serait le fils d’un des tortionnaires du régime de Pinochet réfugié en France, et peu importe qu’il soit argentin et non pas chilien, il aurait un casier judiciaire long comme le bras… »

Les faits sont bruts, décrits avec une précision chirurgicale. Un puits sans fonds dans lequel tombent Gustavo et ses proches. Cela n’empêche pas l’émotion, la compréhension de chacun des protagonistes. Une adolescente qui a besoin de faire son deuil et exige un coupable. Un commandant de police qui a pris la jeune fille sous son aile et veut lui offrir la paix. Le cataclysme qui s’abat sur Gustavo, qui ne comprend pas, ne comprend plus et cherche à en finir à n’importe quel prix.

En lisant ce magnifique roman, j’ai beaucoup mieux compris, car ressenti dans les tripes, cet avertissement : ne pas juger sur les apparences.

Pourtant, on le fait tous, influencé par des faits soi-disant avérés, des discours bien argumentés, des raisonnements basés sur du pathos. Une belle leçon de vie sans tonalité prêchi-prêcha de la part d’un auteur dont j’apprécie infiniment les ouvrages.

 

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