jeudi 31 octobre 2024

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Un livre militant et humaniste.

Un hymne à l’amour et à l’art, même dans les conditions les plus terribles.

La démonstration que la résistance peut s’exprimer de toutes les façons, chacun à son niveau.

🎵 Dmitro et Svitlana forment un couple à la ville et sur scène. Ils sont danseurs étoiles à l’Opéra de Kiev et partagent la même passion pour leur art. Leur quotidien s’effondre brutalement lors des premiers bombardements russes de février 2022 sur la ville de Kiev.

Impossible de rester passif : Dmitro s’engage dans l’armée, Svitlana continue de danser : bouffée d’oxygène et d’apaisement et seul moyen de résistance. D’abord dans les hôpitaux puis à l’Opéra, entre deux alertes.

Derrière le récit, les faits historiques sont parfaitement et simplement relatés. Sans voyeurisme, sans pathos, mais sans occulter l’horreur de la guerre.

🎵Via ses personnages, Stéphanie Perez pose les bonnes questions :  

- L’art est-il indépendant de la politique et du régime ? Peut-on encore jouer la musique de certains auteurs marqués de l’empreinte russe ? Tchaïkovski, musicien préféré de Poutine, est écarté des ballets comme Wagner l’avait été durant le nazisme.

« L’art et la culture peuvent-ils vraiment rester au-dessus des clivages politiques ? (…) Les russes ont toujours cherché à nous dévorer, dans la danse, dans la littérature, dans tous les arts. »

- Quelle est la place de l’art dans un conflit ? Peut-on continuer à danser quand les bombes pleuvent ?

« Danser entre les morts a-t-il encore un sens aujourd’hui ?

- La position particulière des russophones de l’est.

« Dans sa famille originaire du Donbass minier et industriel, on a toujours penché côté russe, un lien difficile à déterminer. Ses parents cultivaient la nostalgie de la Grande Russie, elle a grandi dans ce regret de la toute-puissance. L’indépendance de l’Ukraine en 1991 ne leur a apporté que misère et déclassement. Les usines ont fermé, son père contremaître a perdu son emploi, sa mère a travaillé pour deux, à la poste. En plus, ils n’avaient plus le droit de parler russe dans les administrations, il fallait laisser la place à l’ukrainien. C’était la dernière lubie du pouvoir central de Kiev. Elle avait vu l’humiliations dans les yeux fatigués de sa mère et le dos brisé de son père. Et puis, ils voyaient bien, quand elle était enfant, le peu de fois de fois où ils allaient à l’Ouest, la façon dont on les stigmatisait, dont on les méprisait. Ils étaient devenus les larbins des ukrainiens. »

🎵 Ce roman m’a passionnée pour deux raisons :

- J’ai apprécié cette proximité du lecteur avec le quotidien des Ukrainiens. Pas un reportage à la TV, pas une explication savante sur le conflit, mais la vie tout simplement, et par conséquent, une véritable compréhension par le cœur et les tripes de ce qu’endurent les Ukrainiens.

- J’ai aimé aussi ce message de résilience : l’art, une parenthèse enchantée dans les pires circonstances. Apporter l’apaisement aux autres et à soi-même et en même temps retrouver un semblant de la vie passée.

🎵 Une vraie réussite : un scénario maîtrisé et tendu, un environnement historique bien documenté, une analyse des situations fondée sur l’expérience du terrain, un objet de réflexion sur les conflits.

Merci aux éditions Belfond et à Editis pour ce magnifique roman.

 

 

 

 

dimanche 27 octobre 2024

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 Le ciel est vide pour Sophie, ado de 16 ans, quand son père décède accidentellement. Un père dont elle était très proche, d’autant plus qu’elle a perdu sa mère dès le plus jeune âge.

Un père, un modèle, ou un Dieu… Un homme passionné par l’Islam, avocat pénaliste spécialisé dans la défense des combattants radicalisés de Daech. Sa dernière affaire, la défense d’Isra qui s’est fait arrêter à la frontière turque. Une jeune fille de 18 ans à qui son père a consacré toute son énergie, tout son temps, pour obtenir l’acquittement. Un temps précieux pris au détriment de Sophie.

Sophie se cherche, cherche un Dieu en se rapprochant de Zala, une jeune afghane réfugiée en France à cause des talibans. En savoir plus sur l’Islam, en savoir plus sur Allah. En même temps, elle découvre le dossier d’Isra et décide de la retrouver. Comprendre qui est cette jeune fille, et peut-être se venger car elle est sans doute la cause indirecte de la mort de son père.

« Elle refusait de s’intéresser à ces affreux ados auxquels il consacrait plus de temps qu’à elle. C’est à cause d’eux qu’il avait eu des ennuis. Tout ça devait disparaître. »

D’autant plus qu’elle découvre qu’Isra, faussement repentie pour obtenir l’acquittement, est repartie en Syrie combattre aux côtés de Daech.

📌Les thèmes sont intéressants :

- Pourquoi ces jeunes se radicalisent-ils ? Que cherchent-ils dans ce combat qu’ils idéalisent ?

« Ils glanaient çà et là des textes coraniques pour légitimer leur combat sacré. Tous cherchaient quelque chose dans « ce narratif radical », comme il appelait ça. De l’aventure, de l’héroïsme. Une soupape à la colère et la frustration. Un sens. Souvent, ils avaient le sentiment d’être des ratés : nés dans les quartiers pauvres et surpeuplés, élevés dans des logements insalubres, affublés d’un handicap social irrattrapable, ils se retrouvaient un jour à la rue, sans argent, sans formation, parfois avec un casier judiciaire. Ils se tournaient alors vers la foi. Le combat sacré leur donnait une direction. Une voie de salut. »

- La vision de deux Islams. Celui de Zala, qui a compris pour l’avoir vécu, la violence et le non-sens de l’islamisme. Et celui d’Isra qui sublime l’instrumentalisation des intégristes. La lucidité face au déni.

- La quête de sens, de spiritualité pour Sophie. La frontière très ténue entre la réalité et le besoin de croire en ses rêves…

📌 Un livre intéressant, fluide, mais sans plus. Car le propos est plutôt didactique et surtout très convenu.

Dommage !

samedi 26 octobre 2024

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"Bernie, le bouvier bernois" est le pivot de l’histoire, un chien curieux et attentif, grâce à qui les personnages peuvent remonter dans le temps, tels des fantômes qui continuent de hanter les vivants.

🐶 L’histoire :

Bernie est désormais adopté par Walter Weiss, un vieil horloger dans un petit village des Alpes.

Bizarre… Dès son arrivée, il est surpris par une sorte de bouc aux yeux tendres, qui lui dit : « J’ai besoin de toi. » …

La nuit, il doit rester en bas, près de l’atelier de Walter, et c’est là que tout arrive. Une espèce de petit chien moche, aux yeux globuleux débouche dans son sommeil, accompagné de sa maîtresse, une grande et belle jeune fille, aux longs cheveux roux, aux yeux bleus. Celle-là même, dont il avait admiré la vieille photo dans l’atelier…

Elle ne sait pas qui elle est. Au verso de sa photo, il est simplement indiqué « Edèle 1942 »…

Bernie comprend vite qu’elle recherche ses souvenirs et qu’elle ne remontera pas dans le portrait avant d’avoir compris ce qui lui est arrivé… Un joli fantôme, mais bien exigeant et encombrant pour Bernie. Mais comme c’est un chien gentil, il va l’aider.

🐶 La proximité entre le tragique de l’histoire d’Edèle et le fantastique du scénario est parfaitement maîtrisée et addictive. Le chien apporte aussi la touche d’humour et d’étonnement pour supporter la gravité des thèmes : 

- Les vies sacrifiées quand on a le malheur d’être juif en 1942, la menace de la mort qui rode comme un corbeau géant armé d’une grande faux.

- La difficulté de vivre quand on perd un être cher, celui ou celle qu’on a reconnu comme son âme sœur. C’est ce que dit Walter Weiss : « Vous voyez, ce qui me fait le plus mal, ce n’est pas vraiment la peur de partir….

C’est plutôt l’absence des autres.

- Et puis surtout, l’impossibilité de mourir, de reposer en paix, d’où le fantôme, tant qu’on n’a pas compris ce qui est arrivé.

🐶 Le graphisme accompagne admirablement le récit.  Il est magnifique dans les paysages, dans les expressions des personnages (notamment celles du chien Bernie) mais aussi dans les changements de tons des fonds, clairs ou sépia, pour accompagner la trame de l’histoire.

🐶Une BD qui suscite l’imaginaire, mais aussi la réflexion et la compréhension des êtres et des événements. Elle convient parfaitement à un public jeunesse et adultes.

Une vraie réussite !

 

mardi 22 octobre 2024

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Londres, maintenant   Gopi, la narratrice, a onze ans quand elle perd sa mère. Une famille pakistanaise, passionnée de squash, deux sœurs plus âgées, Mona et Kush, et leur père. Après le décès, Gopi et son père vont renforcer les entrainements car la fillette adore ce sport et performe, elle a tout d’une future championne.

Son compagnon d’entrainement sera Ged, un gamin blanc et son père se rapprochera naturellement de la mère de Ged.

En même temps, la tante Ranjan, conformément à la tradition pakistanaise, propose au père de « récupérer » une des filles. « Ce qu’elle dit, c’est qu’elle et oncle Pavan n’avaient pas d’enfants, qu’ils aimaient leur frère et qu’ils nous aimaient comme leurs propres filles. Elle dit aussi que ce serait plus facile pour lui s’il leur confiait l’une d’entre nous. (…) Papa gardait les yeux rivés sur son assiette. Il savait que nous avions compris la proposition de la tante Ranjan. Il évitait de nous regarder. »

🎾 Ce n’est surtout pas un livre sur le squash. C’est un livre sur les non-dits, sur le poids ou l’emprise que représente la tradition du pays d’origine, même quand on vit en Angleterre. Les filles sont proches et n’ont pas envie de se séparer, le père est aimant et attentif. Le deuil les rapproche encore davantage.

Sans doute, le squash est la meilleure manière de renforcer encore les liens. Ou une passion commune qui permet d’oublier le reste. Ou la possibilité d’occulter la proposition, pleine de force, de la terrible tante Ranjan, que l’on sent pétrie du passé pakistanais. Les résultats prometteurs de Gopi lui ouvriront peut-être les yeux, l’empathie et l’intelligence…

« C’est vers cette période que Mona, de plus en plus susceptible et maussade, (…) commença à échafauder des théories sur l’identité de celle que Papa allait OFFRIR à Tante Ranjan. »

🎾 Un roman subtil, car il esquisse, plutôt qu’il ne martèle, l’épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la famille. Passionnant car il démontre de façon saisissante, la prise de conscience de Gopi, sa maturité, sa résilience, son sens des responsabilités, son passage à l’âge adulte. Un roman tendre et émouvant sur la force de l’amour entre les membres de cette famille pakistanaise.

De plus, l’écriture est fluide et parfaitement appropriée à une enfant de onze ans sans être simpliste, bien au contraire !

Merci aux Éditions Dalva et à Babelio ( masse critique ) pour cet excellent moment de lecture ! 

 



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 Une démonstration saisissante du mal-être, car elle correspond à une expérience vécue de la part de l’autrice : la sensation de transparence et d’infériorité dans les rapports sociaux.

Une réflexion intéressante via son héroïne, Emma Durand, qui se compare à une méduse. Elle flotte à côté des autres, autour des autres, sans jamais rentrer dans leur bulle. Proche mais tellement lointaine et isolée.

C’est donc l’histoire d’Emma, fille unique et surprotégée, une hypersensible qui se dévalorise en permanence en voyant ceux qui l’entourent comme autant d’étoiles inatteignables…

J’ai bien aimé la façon de traiter l’hypersensibilité. Une grâce ou une tare ? Peut-être que cela dépend de ce qu’on en fait…

Le complexe d’infériorité est parfaitement bien analysé et passionnant :

« Finalement, ce n’est pas parce qu’ils sont plus forts, plus intelligents ou plus solides qu’elle, que les autres s’en sortent, c’est peut-être parce qu’elle s’est enfermée toute seule dans une cage à vouloir tout anticiper, tout prévoir, tout contrôler. »

 

Une introspection passionnante et lucide dont profitent les lecteurs, par la sincérité qu’apporte l’autrice à son histoire.

Malgré une première partie où il y a profusion de détails, (sans doute le souci de bien positionner les personnages et les personnalités), l’ensemble est intéressant et fluide.

Un premier roman touchant par sa sincérité et passionnant par son analyse psychologique.

Une autrice à suivre...