dimanche 2 avril 2023

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Un gros coup de cœur et en même temps, un regret : le personnage central n’a pas existé… Il est tellement crédible, tellement bien campé que j’aurais aimé retrouver Elio dans la réalité du 20ème siècle.

Février 1912 – Naples. Musetta, vient d’accoucher d’Elio et se projette dans l’avenir :

« Cet enfant apprendra à lire et aussi à écrire. Si le village rechigne, très simple, ils le quitteront. Ils iront vivre ailleurs, près d’une école. Être mère rend plus fragile, mais donne de la force. Son fils en aura. Elle lui apprendra à faire provision de bonheur, lui montrera comment arranger ça en lui. Ils n’oublieront pas de rendre grâce au Seigneur de leur chance d’être à deux. (…) Ce qu’elle espère pour son enfant, n’en finit plus d’envahir sa tête. Musetta voit grand pour son petit.

_ Tu seras quelqu’un, lui murmure-t-elle. »

Mais Musetta meurt quelques heures après.

Un gamin abandonné qui va comprendre, malgré la dureté, les brimades, tout le sens de la résilience, et cela dès son plus jeune âge :

« Dans la vie de tous les jours, il fait comme sœur Anna-Maria le lui a appris, il s’occupe seulement du meilleur. Oublie le mauvais, disait-elle, ça ne sert à rien. »

Car il a la chance de faire de belles rencontres, celle de la sœur Anna-Maria, celle de Giuseppe Tropeano, un médecin qui se consacre aux enfants abandonnés. Deux personnes pleines d’humanité et de générosité, qui vont contribuer à former le petit Elio.  

Envoyé dans une petite ile napolitaine, il va comprendre la beauté et la puissance de sa voix. Toujours avec la même humilité, la même reconnaissance aux personnes qui l’ont aimé et aidé, ainsi qu’à Dieu.

Comme si les mots de sa mère, juste avant de mourir, prenaient forme. Est-ce que ces mots, justement, ne sont pas les fondations de sa personnalité ? Ceux qui l’ont amené à saisir les belles rencontres, à en faire quelque chose.

C’est encore ce qui va se passer quand il s’installera en France pour fuir le fascisme. Convaincre mademoiselle Renoult, « Mademoiselle », professeure de rôles, grande dame de l’art lyrique, de perfectionner encore sa voix, de sublimer ses personnages. Car tous les deux sont exigeants et recherchent la même chose : se mettre au service de la musique, magnifier le rôle en laissant l’égo de côté. 

Le binôme parfait fonctionne magnifiquement : un chemin tracé vers la musique, pour la musique.

 L’Echo de Paris en 1935, suite au récital d’Elio sur la scène de l’Opéra Comique, ne s’y est pas trompé :

« Hier, nous avons entendu chanter une âme. Derrière la technique éblouissante, des qualités secrètes nous ont montré un Nadir vrai. (..) Son énergie physique s’était faite spirituelle. Sa voix n’était plus qu’un dedans qui cherchait son dehors. »

Fin de la première partie : l’histoire d’un ténor exceptionnel, salué de toutes parts et dont la vie semble toute tracée, avec la rencontre de Fernande, dont il est éperdument amoureux.

Mais la guerre est déclarée en 1939, et Elio s’engage.

 

Par contraste, la seconde partie du roman montre les errements, la quête d’Elio, qui a tout perdu quand il rentre en France en septembre 1945 : l’amour de Fernande  et surtout  l’amitié, le soutien indéfectible  de Mademoiselle car elle est décédée.

Donner un sens à sa vie, rechercher son identité,  se mettre au service de la musique comme simple choriste. Se sentir utile tout en conservant beaucoup de recul et une infinie modestie.

Là encore, il va faire de belles rencontres et trouver le chemin qui lui apportera la sérénité.

Le héros du récit est bien sûr, Elio, mais il partage la tête d’affiche avec la musique. Une musique sensible, intelligente, émouvante, chargée de sens.Dépouillée et sans artifice.

Je n’aime pas beaucoup (faute de connaissances) l’opéra et là, j’ai pris du plaisir à redécouvrir Verdi, Rossini, Mozart…

Générosité, sensibilité, trame romanesque puissante et intelligente. Un récit qui rend heureux.

Lu dans le cadre du prix orange 2023.

Merci à la Fondation orange et aux Éditions Flammarion de m’avoir permis de découvrir cette auteure.

 

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