vendredi 15 août 2025

💙💙💙
 

 

C’était un nom qu’on ne prononçait pas. Maman, c’était un non-sujet. Tu peux enregistrer ça. Maman, c’était un non-sujet.”

Il est rare de ne pas s’interroger sur ses origines familiales, qu’on le fasse par curiosité ou par souci de santé. Surtout quand on sent qu’il y a un vilain petit canard dans la parenté dont personne ne veut surtout parler…

Cet essai d’Adèle Yon parle donc à de nombreux lecteurs, moi, la première… 

📌 Elle a besoin, car elle craint pour elle-même une hérédité schizophrénique d’en savoir plus sur son arrière-grand-mère Élisabeth, connue sous le surnom de Betsy.

Elle relate le détail de son enquête auprès des proches, plus ou moins coopératifs, plus ou moins réticents, puis retrouve aussi le détail des lettres échangées entre Élisabeth et son mari André.

Élisabeth a passé 17 ans en asile psychiatrique, reconnue apparemment schizophrène… Pourquoi avoir eu recours à cette opération terrifiante et invalidante qu’est la lobotomie ?

Cela l’autrice va le comprendre au fur et à mesure de sa recherche.

📌 Plusieurs thèmes m’ont intéressée :

- L’omerta et la gêne sur plusieurs générations à propos d’une femme qui gênait… Qui ne demandait qu’à être libre, à vivre spontanément sans se soucier des formalismes sociaux. Ne pas savoir, ne pas transmettre…

- Le sentiment de culpabilité pour avoir cassé Betsy avec une lobotomie, sentiment perçu par les générations suivantes

- Le besoin fondamental de connaître et comprendre ses racines.

📌 Un livre intéressant, mais pas un coup de cœur…

- Le propos est très délayé, je pense que l’autrice a voulu expliquer la totalité de son enquête. Ce qui induit un style plutôt journalistique, dépourvu d’émotion et d’empathie.

- Les lettres d’André sont bien trop nombreuses et surtout répétitives dans la compréhension des personnalités et de la soumission progressive d’Élisabeth.

- Et puis surtout, j’avoue ne pas avoir appris grand-chose sur la psychiatrie de cette époque car je conserve un souvenir inoubliable de « Rosemary, l’enfant qu’on cachait » de Kate Clifford Larson. 

 

 


 

dimanche 10 août 2025

💙💙💙💙💙


 


Une BD bouleversante, tant dans le récit que le graphisme !

📌C’est la sincérité de l’auteur qui m’a infiniment touchée, marquée même, car je crois que je n’oublierai jamais ce récit.

Raconter avec autant de force et d’émotions, le décès de son petit frère, Gilles, âgé de 11 ans, fauché par un chauffard,  alors que lui-même en a 18. Puis, la vie qui continue et le récit qui s’impose de lui-même plus de 40 ans après.

La puissance du graphisme sur de nombreuses planches, avec peu de texte. Un dessin largement suffisant pour décrire le choc, la violence, le chagrin… Les larmes « à gros bouillon » comme disait Jacques Brel.

« On se tait, on se regarde dans la vérité des yeux et on pleure. »

Comme les pages 16 et 17, où l’auteur lâche la main de son petit frère. Une image qui reviendra en boucle dans sa mémoire. Comme les pages 38 et 39 - 54. 56, 57, 58 et 59 -119.

Un graphisme en noir et blanc sur la presque totalité de la BD, dépouillé, travaillé sur les gros plans, les expressions et les attitudes.

📌 Les souvenirs de Gilles, sa bouche barbouillée de mûres, les images et le bruit de l’accident, cauchemar permanent... Les vacanciers dans les voitures, et eux, sur les mêmes routes, derrière le corbillard…

« Les gens étaient heureux… Et nous, dans notre convoi funéraire…On était presque déplacés. »

📌 Le sentiment de culpabilité… Il atteint chacun des membres de la famille, et les ronge en silence, accentuant la souffrance et le désespoir.

Il faudra de nombreuses années pour que chacun en parle…

📌Un témoignage rarement aussi bouleversant ! Un magnifique et terrible hommage à Gilles…

« Je suis parti pour l’autre monde, par le chemin des écoliers.

Et quand tu seras consolé, on se console toujours, tu seras content de m’avoir connu. »

 

Extraits :

📌 « On ne meurt pas en pleines vacances d’été quand on a 11 ans et demi. « 

📌 « Et les roues droites de la roulotte étaient vraiment au ras du fossé, c’est pour ça que mon petit frère n’a pas pu descendre de ce côté-là….

La voiture roulait complètement à gauche. Elle l’a fauché sur le marchepied ! »

📌« La sensation de la main de mon petit frère quittant la mienne… et la culpabilité qui qui venait avec… »

📌 « Mort …

On connait le mot, on sait ce qu’il veut dire. Mais on ne le comprend pas.

On ne peut pas le comprendre.

Quelque chose en nous s’y refuse…

📌 « Décédé… Mort… Qu’est-ce qu’elle raconte ?

On ne meurt pas à 11 ans… »

📌 « Elle n’était que douleur et moi aussi… Mais nous douleurs étaient séparées. Je ne pouvais pas parler. Je ne pouvais pas partager. Et elle non plus… 

J’étais absent au monde, entièrement enfermé et pourtant également absent à moi-même. »

📌 « Au réveil, les choses étaient à l’envers, c’était la réalité qui était devenue un cauchemar… auquel il était impossible d’échapper…

La vie allait être comme ça maintenant…

Une vie sans Gilles. »

📌 « Les gens étaient heureux… Et nous, dans notre convoi funéraire…

On était presque déplacés. »

📌 « On se tait, on se regarde dans la vérité des yeux et on pleure. »

📌 « Je suis parti pour l’autre monde, par le chemin des écoliers.

Et quand tu seras consolé, on se console toujours, tu seras content de m’avoir connu. »

📌« C’est moi qui lui tenais la main ! J’aurais jamais dû le laisser descendre du côté de la route. »

📌 « Ce livre, j’y ai consacré 2 ans et 5 jours de ma vie. Je ne dirais qu’il s’est fait tout seul, mais je me suis posé très peu de questions. Il s’est imposé. Je l’ai fait dans une sorte d’urgence. Il y a eu des moments d’intenses émotions, bien sûr. Mais pas les abîmes d’il y a 40 ans. Au contraire, ce fut plutôt un baume apaisant sur les douleurs du passé. Et en même temps comme une douceur d’avoir fréquenté mon petit frère pendant 2 ans.

Et peut-être d’avoir fait en sorte, avec ce récit en forme de témoignage, que la mémoire de Gilles survive. »