samedi 28 juin 2025

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Fabien mène une vie terne mais paisible, avec sa femme Sylvie.

« Alors, ils laissèrent le temps s’écouler entre eux, lent et obstiné, pareil au désert qui avance. Ils n’avaient tien fait, ils n’avaient rien dit. Ils n’avaient pas eu d’enfants, ni de caniche, ni de chat. »

🚗 Quand il apprend la mort de Sylvie, en voiture, survenue en compagnie de son amant, il décide de séduire la veuve, Martine.

Veuf et cocu à la fois, en même temps, c’est trop ! Il tient sa revanche en prenant « la place du mort », celle qu’occupait l’amant de sa femme dans la voiture.

Est-il vraiment taillé pour ce genre de projet ? Qui est vraiment cette veuve, accompagnée en permanence de sa meilleure amie, Madeleine ?

🚗 D’un récit plutôt plan-plan au départ, comme son personnage principal, Pascal Garnier nous embarque rapidement dans un thriller sombre et désespéré, plein de rebondissements.

On sourit, mais plutôt jaune, car l’analyse de la médiocrité et surtout de la lâcheté, est féroce. J’y ai retrouvé des accents sartriens. 

On ne sourit plus du tout, car la perception de l’auteur est carrément noire et désespérante : il est impossible de modifier sa personnalité. Looser, tu es, looser, tu restes....

L’auteur pousse le curseur jusqu’à la limite de l’absurde, pour le plus grand plaisir du lecteur.

🚗 Une écriture incisive, visuelle, car précise et ciselée. De petites touches, comme un peintre impressionniste, pour brosser le portrait des personnages et surtout celui de Fabien.

🚗 Une philosophie grinçante de la médiocrité humaine.

Addictif et brillant !

Extraits

🚗  « Quelques mots bien agencés, et se dégagent toute la mélancolie, l’âpreté d’être au monde et un sérieux appétit pour les dingues et les paumés. »

🚗 A propos du père de Fabien, un taiseux

« A sa mort, Fabien hériterait d’une montagne de silence. »

🚗 « Alors, ils laissèrent le temps s’écouler entre eux, lent et obstiné, pareil au désert qui avance. Ils n’avaient tien fait, ils n’avaient rien dit. Ils n’avaient pas eu d’enfants, ni de caniche, ni de chat. »

🚗 « Ils n’avaient jamais eu d’enfants. Pour Fabien, les bébés n’étaient que des récipients qu’il fallait remplir et vider constamment. Ils vous collaient pendant des années et, dès qu’ils se prenaient pour des adultes, se reproduisaient et encombraient vos vacances de leur progéniture. Quant à Sylvie, c’est à peine si elle supportait plus d’une heure ceux de ses meilleures amies. »

🚗 Quand Fabien est hébergé chez son ami Gilles et son fils Léo

« Gilles et Fabien habitaient chez Léo. Leur principale activité consistait à s’accouder à la fenêtre et à regarder la vie passer. »

🚗 « Toutes les pièces de ce puzzle vaudevillesque s’emboitaient parfaitement les unes dans les autres ; tous étaient interchangeables, personne n’était indispensable »

 

dimanche 22 juin 2025

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🐶 Whisky, c’est le chien. Celui que Théo vient de recueillir. Le feeling passe immédiatement entre eux. Il faut dire que le toutou est mignon, rigolo, vif et très affectueux.

Mais la situation est difficile. Théo est un SDF, un vieux ronchon, bourru mais tendre. Au parler volontairement primaire, mais souvent lucide.

Cette vie de galère, il la partage avec Amir, un jeune kurde, « l’arabe », comme l’appelle affectueusement Théo.

Un vrai tandem solidaire, une amitié sincère et profonde, que l’arrivée de Whisky menace de rompre.

Car les deux hommes s'opposent à son sujet. Déjà, Amir déteste les chiens, et en découvrant son histoire, on le comprend…Et puis  Whisky est recherché par ses maîtres avec une récompense à la clé... 

De plus Théo, agressé par des dealers, se retrouve à l’hôpital….

Que va faire Amir ? Que va devenir Whisky ? 

 

🐶 Quel plaisir de retrouver Bruno Duhamel, dans un scénario à la fois grave et tendre, et toujours empli d’humour !  Surtout pas mièvre, car la galère des deux hommes n’est pas occultée.

Son ADN et notre plaisir de lecteur !...

🐶 Une BD et deux auteurs. Car une totale liberté est laissée à David Ratte pour le graphisme. Et là, chapeau !

Les personnages sont bien campés, attachants avec des expressions particulièrement bien travaillées. J’ai adoré les scènes avec Whisky. Quand on a un chien, on retrouve immédiatement, et avec bonheur, toutes ses attitudes.

Les scènes de la rue sont grises, voire sombres. En opposition totale avec les affiches publicitaires, aux couleurs éclatantes et attractives.

Un contraste saisissant entre la réalité d’Amir et Théo et la vie rêvée proposée par ces affiches.

On voit, Amir et Théo contempler une affiche : « Aux Seychelles, la vie est belle »….

Deux mondes, un fossé infranchissable…

Mais si le bonheur était dans l’amitié, et la confiance absolue d’un toutou….

🐶 A la fin de l’ouvrage, les explications des deux auteurs sont passionnantes pour bien comprendre et apprécier encore davantage le travail.

Tendre, profond et jubilatoire !

 

Extraits

🐶 « Si tu veux pouvoir profiter d’un des rares terrains vagues qui existent encore, ne laisse JAMAIS les artistes s’y installer !!

Leçon du jour, mon gars…

Les artistes, c’est l’avant-garde de la bourgeoisie !

Ces types sont capables de sublimer n’importe quoi ! Du hangar miteux au bled paumé, en passant par le pire coupe-gorge !

En deux temps, trois mouvements, tu te retrouves avec une armée de fêtards… de bars… de galeristes…d’agences immobilières… Et tout un tas de pigeons qui trouvent que l’endroit est PAAARFAIT  pour se reproduire !

Laisse un seul de ces pionniers redécorer ta friche et même ta cabane se vendra au prix du mètre carré !

« Espace atypique »

« La campagne à la ville »

« Dans un quartier en pleine mutation… » 

 

🐶 « _Allez, c’est quoi, ton problème avec les chiens ? Ton ex t’a plaqué pour un labrador ?

_Maintenant, grand survivaliste ressembler à vieille dame. »

 

🐶 Les explications du scénariste et du graphiste à la fin du récit

« Bruno

La dichotomie entre réalité publicitaire et réalité quotidienne était prévue dans le scénario, y compris en termes de colorisation. Elle permettait de créer deux réalités, comme deux mondes parallèles qui ne se croisent jamais. »

 

 

dimanche 15 juin 2025

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Auvers-sur-Oise, juillet 1890.

🌻Titubant, blessé à mort, Vincent Van Gogh revient du champ où il est allé peindre. Il n'a pas tenté de se suicider, comme on le croit. On lui a tiré dessus.

Le roman retrace les deux dernières années de la vie du peintre.

🌻Les thèmes abordés sont traités avec justesse, émotion et profondeur :

- La personnalité de Vincent. Il apparaît comme un enfant, un homme totalement immature, sans défense contre le monde extérieur.

Peut-être est-ce en rapport avec fait de porter le prénom d’un frère mort-né, un an avant sa naissance.

Théo, son frère, est tout pour lui : son père, sa mère, son frère, son confident, son financier…

La puissance du rejet de ses contemporains artistes. Il est trop différent, ils ne le comprennent, ne le reconnaissent pas. Même Gauguin, à qui pourtant, il porte une profonde admiration, ne le prend pas au sérieux et le méprise.

- La force de sa passion pour la peinture qui mange tout le reste. Rien n’a d’importance à part son art. Toujours en recherche, en ébullition pour s’améliorer, notamment au niveau des couleurs, une véritable obsession.

- L’absurdité de l’échec de Vincent Van Gogh. Car même ses contemporains peintres commençaient à reconnaître son talent, à récupérer ses toiles.

🌻 Quelle tristesse, quelle injustice, d’être aussi talentueux, et de mourir aussi seul, aussi misérable, sans avoir été reconnu !

Un magnifique roman, bouleversant, très bien documenté !

Merci Marianne !

 

 

mardi 10 juin 2025

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Jamais plus, je ne considérerai la maladie mentale comme une maladie à part.

Une affection dont les malades ne parlent pas, comme si, en effet, elle était honteuse.  Comme l’était, rappelons-nous, le cancer, il y a quelques années.

Pire encore que le cancer, car pour la majorité des gens, la maladie mentale est assimilée d’un bloc à la folie et elle fait peur.

Fermer les yeux, et rejeter ce qu’on ne veut pas comprendre.

« Car je suis malade mental dans un monde qui ne sait pas ce qu’est la maladie mentale. »

Il faut au contraire en parler, laisser s’exprimer les patients, comme le fait si simplement, si sincèrement l’auteur, et se faire soigner, comme une grippe, comme un cancer, comme un sida. Et à défaut de guérir, retrouver une vie (presque) normale.

📌 Accepter d’être malade, accepter d’être pris en charge par un psychiatre, accepter – quand le besoin est urgent – quelques séjours à Sainte Anne. Même si dans les premiers temps, les allées Van Gogh, Verlaine, Artaud, Kafka semblent de mauvais augure à l’auteur…

« J’ai appris au fil des ans, à voir d’un autre œil ces artistes, à mieux comprendre la puissance désespérée de leur œuvre. »

📌 J’ai été touchée par le parcours d’errance médicale qu’a subie Nicolas Demorand. Attendre de nombreuses années avant de mettre un nom sur la pathologie.  Émue par sa patience de « bon élève » qui suit rigoureusement les prescriptions inutiles, voire dangereuses, de médecins qui le traitent comme un dépressif, avec des cocktails de médoc, tous plus variés les uns que les autres.

« J’en retiens aussi qu’aucun médecin généraliste n’eut jamais l’idée de m’envoyer consulter un spécialiste, même après des années d’échecs thérapeutiques. »

📌 Il explique très bien les deux pôles de la bipolarité : la dépression qui le cloue sur son canapé, et la suractivité, l’euphorie, la « combustion euphorique », dans la phase haute.

📌 Émue aussi par la souffrance, par sa capacité à l’exprimer aussi simplement, sans pathos. Par la honte qu’il en éprouve, « Honte car je n’avais aucune maîtrise de moi-même, allongé sur mon canapé, le téléphone en main ».

📌 Émue encore par sa question existentielle : qui suis-je ? La partie euphorique ou la partie dépressive de ma bipolarité ?

📌 Émue encore et toujours par son attachement aux auditeurs de France inter (dont je fais fidèlement partie depuis ma jeunesse). Son seul lien d’arrimage à la vie avec son métier de journaliste et de responsable du 7/10h. Un lien parfois très ténu, car la mort ne fait plus peur. Elle est reposante, au contraire…

📌 Un témoignage sensible d’une grande richesse dont ma chronique ne présente qu’une faible partie.

Un petit livre d’une centaine de pages, utile, indispensable, pour ouvrir les yeux et accepter l’autre, malade ou bien portant.

« J’ai un rêve : qu’une révolution du regard porté sur ces pathologies aide mes nombreux amis de maladie à avoir une vie sociale et professionnelle, débarrassée de la honte et de la culpabilité. Accordez-nous la banalité. »

 

Extraits

 📌 « La honte et la peur de tout perdre en « avouant » sa maladie : le regard neutre sur une personne que l’on croyait « normale ». »

 📌 « Car je suis malade mental dans un monde qui ne sait pas ce qu’est la maladie mentale. »

 📌 « Elles (les maladies mentales) nous isolent alors que nous sommes si nombreux à souffrir, à avoir honte et à nous taire. La cruauté des maladies mentales, c’est qu’elles sont pour la plupart invisibles ».

 📌 « Ce qui me définit aujourd’hui, c’est d’être divisé, habité par deux personnages antagonistes qui s’ignorent et ne dialoguent pas, mais dont le frottement peut susciter une explosion psychique. Laquelle des deux est la vraie, la bonne ? »

 📌 « Inutile de dire à quel point il est épuisant de ne savoir, ni qui, ni dans quel état je serai aujourd’hui ou demain, quand ce n’est pas tout à l’heure, entre midi et deux. »

 📌 « Honte car je n’avais aucune maîtrise de moi-même, allongé sur mon canapé, le téléphone en main ».

 📌 « J’ai un rêve : qu’une révolution du regard port sur ces pathologies aide mes nombreux amis de maladie à avoir une vie sociale et professionnelle, débarrassée de la honte et de la culpabilité. Accordez-nous la banalité. »

📌  « Mon problème est d’être un patient modèle. Un patient, qui comme l’exige la médecine, patiente. »

 📌 « J’en retiens aussi qu’aucun médecin généraliste n’eut jamais l’idée de m’envoyer consulter un spécialiste, même après des années d’échecs thérapeutiques. »

 📌 « Mais il avait posé une question qui embrasse toutes les autres, celle qui me hante depuis et à laquelle je n’ai toujours pas trouvé de réponse : quand as-tu été heureux ? »

 📌 « Je souffrais avec la même intensité mais je m’étais fait la promesse de respecter un délai de décence avant de tenter à nouveau de me suicider »

📌  « Je veux pouvoir parler, car les malades, mentaux ou autres, sont des personnes qui ont des droits, à commencer par celui d’être soignées et respectées. »

 📌 « La relation avec un psychiatre se construit dans le temps. (…) Je n’étais pas dépressif mais bipolaire, ni diagnostiqué, ni soigné depuis dix au moins. »

 📌 « TTC – Thérapie comportementale et cognitive.

J’atterris donc chez une psychothérapeute extraordinaire. (…) Une fois le diagnostic posé et les médicaments trouvés, il faut apprendre à vivre avec cette maladie. (…) Comment repérer « la montée » ? Comment la désamorcer ? par quels types d’exercices ? »

 📌 « J’ai appris au fil des ans, à voir d’un autre œil ces artistes, à mieux comprendre la puissance désespérée de leur œuvre. »

📌  « Le gris et la grisaille ne sont pas les teintes les plus joyeuses du spectre. Malgré mes sautes d’humeurs, mes agacements, mes impatiences, j’ai fini par admettre que le réel se peignait dans ces tonalités. Déprimant ? Souvent. Mais il ne tient qu’à moi, soigné toujours, apaisé parfois, de contempler ce paysage monochrome et déceler des couleurs vives dans la vie abîmée. »