dimanche 15 juin 2025

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Auvers-sur-Oise, juillet 1890.

🌻Titubant, blessé à mort, Vincent Van Gogh revient du champ où il est allé peindre. Il n'a pas tenté de se suicider, comme on le croit. On lui a tiré dessus.

Le roman retrace les deux dernières années de la vie du peintre.

🌻Les thèmes abordés sont traités avec justesse, émotion et profondeur :

- La personnalité de Vincent. Il apparaît comme un enfant, un homme totalement immature, sans défense contre le monde extérieur.

Peut-être est-ce en rapport avec fait de porter le prénom d’un frère mort-né, un an avant sa naissance.

Théo, son frère, est tout pour lui : son père, sa mère, son frère, son confident, son financier…

La puissance du rejet de ses contemporains artistes. Il est trop différent, ils ne le comprennent, ne le reconnaissent pas. Même Gauguin, à qui pourtant, il porte une profonde admiration, ne le prend pas au sérieux et le méprise.

- La force de sa passion pour la peinture qui mange tout le reste. Rien n’a d’importance à part son art. Toujours en recherche, en ébullition pour s’améliorer, notamment au niveau des couleurs, une véritable obsession.

- L’absurdité de l’échec de Vincent Van Gogh. Car même ses contemporains peintres commençaient à reconnaître son talent, à récupérer ses toiles.

🌻 Quelle tristesse, quelle injustice, d’être aussi talentueux, et de mourir aussi seul, aussi misérable, sans avoir été reconnu !

Un magnifique roman, bouleversant, très bien documenté !

Merci Marianne !

 

 

mardi 10 juin 2025

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Jamais plus, je ne considérerai la maladie mentale comme une maladie à part.

Une affection dont les malades ne parlent pas, comme si, en effet, elle était honteuse.  Comme l’était, rappelons-nous, le cancer, il y a quelques années.

Pire encore que le cancer, car pour la majorité des gens, la maladie mentale est assimilée d’un bloc à la folie et elle fait peur.

Fermer les yeux, et rejeter ce qu’on ne veut pas comprendre.

« Car je suis malade mental dans un monde qui ne sait pas ce qu’est la maladie mentale. »

Il faut au contraire en parler, laisser s’exprimer les patients, comme le fait si simplement, si sincèrement l’auteur, et se faire soigner, comme une grippe, comme un cancer, comme un sida. Et à défaut de guérir, retrouver une vie (presque) normale.

📌 Accepter d’être malade, accepter d’être pris en charge par un psychiatre, accepter – quand le besoin est urgent – quelques séjours à Sainte Anne. Même si dans les premiers temps, les allées Van Gogh, Verlaine, Artaud, Kafka semblent de mauvais augure à l’auteur…

« J’ai appris au fil des ans, à voir d’un autre œil ces artistes, à mieux comprendre la puissance désespérée de leur œuvre. »

📌 J’ai été touchée par le parcours d’errance médicale qu’a subie Nicolas Demorand. Attendre de nombreuses années avant de mettre un nom sur la pathologie.  Émue par sa patience de « bon élève » qui suit rigoureusement les prescriptions inutiles, voire dangereuses, de médecins qui le traitent comme un dépressif, avec des cocktails de médoc, tous plus variés les uns que les autres.

« J’en retiens aussi qu’aucun médecin généraliste n’eut jamais l’idée de m’envoyer consulter un spécialiste, même après des années d’échecs thérapeutiques. »

📌 Il explique très bien les deux pôles de la bipolarité : la dépression qui le cloue sur son canapé, et la suractivité, l’euphorie, la « combustion euphorique », dans la phase haute.

📌 Émue aussi par la souffrance, par sa capacité à l’exprimer aussi simplement, sans pathos. Par la honte qu’il en éprouve, « Honte car je n’avais aucune maîtrise de moi-même, allongé sur mon canapé, le téléphone en main ».

📌 Émue encore par sa question existentielle : qui suis-je ? La partie euphorique ou la partie dépressive de ma bipolarité ?

📌 Émue encore et toujours par son attachement aux auditeurs de France inter (dont je fais fidèlement partie depuis ma jeunesse). Son seul lien d’arrimage à la vie avec son métier de journaliste et de responsable du 7/10h. Un lien parfois très ténu, car la mort ne fait plus peur. Elle est reposante, au contraire…

📌 Un témoignage sensible d’une grande richesse dont ma chronique ne présente qu’une faible partie.

Un petit livre d’une centaine de pages, utile, indispensable, pour ouvrir les yeux et accepter l’autre, malade ou bien portant.

« J’ai un rêve : qu’une révolution du regard porté sur ces pathologies aide mes nombreux amis de maladie à avoir une vie sociale et professionnelle, débarrassée de la honte et de la culpabilité. Accordez-nous la banalité. »

 

Extraits

 📌 « La honte et la peur de tout perdre en « avouant » sa maladie : le regard neutre sur une personne que l’on croyait « normale ». »

 📌 « Car je suis malade mental dans un monde qui ne sait pas ce qu’est la maladie mentale. »

 📌 « Elles (les maladies mentales) nous isolent alors que nous sommes si nombreux à souffrir, à avoir honte et à nous taire. La cruauté des maladies mentales, c’est qu’elles sont pour la plupart invisibles ».

 📌 « Ce qui me définit aujourd’hui, c’est d’être divisé, habité par deux personnages antagonistes qui s’ignorent et ne dialoguent pas, mais dont le frottement peut susciter une explosion psychique. Laquelle des deux est la vraie, la bonne ? »

 📌 « Inutile de dire à quel point il est épuisant de ne savoir, ni qui, ni dans quel état je serai aujourd’hui ou demain, quand ce n’est pas tout à l’heure, entre midi et deux. »

 📌 « Honte car je n’avais aucune maîtrise de moi-même, allongé sur mon canapé, le téléphone en main ».

 📌 « J’ai un rêve : qu’une révolution du regard port sur ces pathologies aide mes nombreux amis de maladie à avoir une vie sociale et professionnelle, débarrassée de la honte et de la culpabilité. Accordez-nous la banalité. »

📌  « Mon problème est d’être un patient modèle. Un patient, qui comme l’exige la médecine, patiente. »

 📌 « J’en retiens aussi qu’aucun médecin généraliste n’eut jamais l’idée de m’envoyer consulter un spécialiste, même après des années d’échecs thérapeutiques. »

 📌 « Mais il avait posé une question qui embrasse toutes les autres, celle qui me hante depuis et à laquelle je n’ai toujours pas trouvé de réponse : quand as-tu été heureux ? »

 📌 « Je souffrais avec la même intensité mais je m’étais fait la promesse de respecter un délai de décence avant de tenter à nouveau de me suicider »

📌  « Je veux pouvoir parler, car les malades, mentaux ou autres, sont des personnes qui ont des droits, à commencer par celui d’être soignées et respectées. »

 📌 « La relation avec un psychiatre se construit dans le temps. (…) Je n’étais pas dépressif mais bipolaire, ni diagnostiqué, ni soigné depuis dix au moins. »

 📌 « TTC – Thérapie comportementale et cognitive.

J’atterris donc chez une psychothérapeute extraordinaire. (…) Une fois le diagnostic posé et les médicaments trouvés, il faut apprendre à vivre avec cette maladie. (…) Comment repérer « la montée » ? Comment la désamorcer ? par quels types d’exercices ? »

 📌 « J’ai appris au fil des ans, à voir d’un autre œil ces artistes, à mieux comprendre la puissance désespérée de leur œuvre. »

📌  « Le gris et la grisaille ne sont pas les teintes les plus joyeuses du spectre. Malgré mes sautes d’humeurs, mes agacements, mes impatiences, j’ai fini par admettre que le réel se peignait dans ces tonalités. Déprimant ? Souvent. Mais il ne tient qu’à moi, soigné toujours, apaisé parfois, de contempler ce paysage monochrome et déceler des couleurs vives dans la vie abîmée. »

 

vendredi 6 juin 2025

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Que perd-on quand on dérobe notre sac ? Les papiers, la carte bleue, notre précieux téléphone ?

📌 Quand Giselle se fait voler son sac à Barcelone et part à sa recherche, elle perd tout ça, mais surtout ses porte-bonheurs. Et avec eux, son histoire et son identité profonde…

Elle fait alors ce qu’elle a toujours fait. Elle fuit. Dans la ville, sans téléphone, sans argent. Un seul port d’attache : son meilleur ami, Raviel, celui qui l’a toujours compris. Elle sait seulement qu’il habite près de la Sagrada Familia. De son balcon, il voit la basilique et entend en permanence un joueur de castagnettes qui lui casse les oreilles. Elle « squatte » l’endroit, danse, en attendant d’être repérée par Raviel :  retrouver une amarre solide.

Dans ce moment entre parenthèses, elle raconte, elle se raconte.

Son enfance à Cuba, le manque d’amour de ses parents devant qui elle n’a jamais trouvé grâce, encore moins quand elle a exprimé sa passion pour la danse, et sa volonté d’en faire son métier. Son taux de considération pour elle-même est voisin de zéro. Une image d’elle-même tellement négative qu’elle se fuit en permanence.

Alors, sa raison de vivre, son oxygène, c’est la danse et désormais elle sera Giselle comme l’héroïne du ballet.

Après un deal avec sa mère à propos du bébé qu’elle ne veut pas garder, elle quitte la maison pour danser.

Différentes expériences de danse et d’amour, jusqu’à Javi, un homme auquel elle tient,  plus qu’aux autres. Mais durant leurs vacances, elle trouve un portefeuille, une photo dedans qui l’interpelle, elle se dispute avec Javi, se fait voler son sac, tout cela rompt un trop fragile équilibre …

📌Les différents thèmes interrogent le lecteur car ils sont traités avec justesse et profondeur :

Légitimité ou imposture ?  « Une façon de me dire ; regarde comme tu fais mal les choses, toc ; tout le monde te juge mal, toc ; et au bout du compte, tu n’es ni danseuse, ni mère, toc. Crève. »

 Peut-on refuser la maternité ? A-t-elle bien fait de laisser l’enfant à sa mère alors qu’elle aime infiniment cette petite fille ? De l’abandonner ?...

« Il ne suffit pas d’accoucher pour être mère. »

Son rêve de danse ou l’enfant ?

Le cheminement vers la remise en question, sincère et douloureuse, puis vers la maturité pour enfin trouver son identité.

Comprendre les zones d’ombre, trouver le courage de parler, de s’accepter et de s’assumer. Un peu comme la lutte entre les willis (les mauvais esprits dans le ballet) et Giselle, qui incarne la sincérité et l’amour.

📌 Une progression dramatique magistrale.

Une conclusion bluffante d’émotion et de densité.


Extraits

 📌 « _ Tu es qui, toi ? Je lui ai demandé.

Avec la photo de Gérard et de la petite fille, il m’était arrivé quelque chose. (…) Comme si Gérard me regardait, moi, et voulait entendre ce que j’avais à lui raconter. »

📌 « La seule chose que j’avais toujours voulue, c’était danser. »

 📌 « Ma chambre était devenue celle de Clarita. Comme s’ils avaient pris une gomme géante pour effacer un nom, le mien, et en mettre un autre. (…) Quand elle a appris à parler, elle faisait ce qu’elle voulait de Papa. (…) J’ai voulu penser qu’il faisait ça pour m’embêter, mais je sais que ce n’était pas le cas. Je savais que Papa ne faisait rien à cause de moi, mais parce que Clarita, ma sœur, était la prunelle de ses yeux. »

📌 « Je me suis servie de toi, Gérard. J’ai commencé par parler avec toi, et au bout du compte, j’ai fini par parler avec moi. »

📌 « Maman avait la fille qu’elle n’aurait pas pu avoir et Clarita la mère que je ne pouvais ni ne voulais être. Était-ce si étrange ? Qu’est ce qui est le plus important, l’amour ou les tripes ? Élever ou accoucher ? Ma mère m’avait mise au monde pour ensuite me rejeter. »

📌 « Au fond, il ( Raviel) avait l’intime conviction que j’étais en train de faire ce que j’avais toujours fait, m’envoler avec mes oiseaux, fuir pour mieux réapparaître. »

📌 « Tout est allé bien pendant des années, jusqu’à ce que j’arrive à Liança où le malaise a commencé. Petit à petit, c’est comme si des fourmis rouges s’étaient mises en marche à l’intérieur de moi. D’un côté, j’avais les photos et la lettre de Gérard. Surtout la lettre. De l’autre, la famille de Javi, tellement harmonieuse. C’est comme si tout faisait des nœuds dans mon ventre, jusqu’à ce que, soudain, je commence à ressentir des choses. Les corps ont une mémoire. »

📌 « C’est pour ça que je n’ai jamais voulu y repenser. Au fond de moi, je croyais que quelque chose ne tournait pas rond, que les femmes comme moi sont mauvaises, parce que la maternité est dans la nature des choses. C’est ce que tout le monde m’avait toujours dit. (…)

_Je serais devenue une très jeune mère et j’aurais dû renoncer à mon rêve de danser. »

 📌 « Une façon de me dire ; regarde comme tu fais mal les choses, toc ; tout le monde te juge mal, toc ; et au bout du compte, tu n’es ni danseuse, ni mère, toc. Crève. »

📌 « Il ne suffit pas d’accoucher pour être mère. »